Auparavant surveillante à l’école privée ‘’Sokhna Khadija’’, Aïda Sagna a comparu à l’audience spéciale de la Chambre criminelle du tribunal hors classe de Dakar, hier. Elle répondait des faits d’actes de terrorisme, d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, de financement du terrorisme, d’apologie du terrorisme et de recrutement de personne en vue de participer à un acte terroriste. Elle est accusée d’avoir effectué un voyage en territoire libyen pour faire le djihad.
L’audience spéciale de la Chambre criminelle du tribunal hors classe de Dakar a statué, hier, sur le sort de la dame Aïda Sagna, accusée de faire partie d’une entreprise terroriste. C’est le 05 février 2018, jour de son retour de la Libye que la prévenue a été mise à la disposition des éléments de la division des investigations criminelles. Auparavant, les éléments de la Section Recherches ont eu à faire une enquête suite aux informations qu’ils avaient reçues faisant état du départ de la dame et de son époux, Lamine Ndiaye, en territoire libyen pour apporter leur soutien à une organisation terroriste basée en Libye.
Son fils qui avait été entendu, de même que ses parents proches, ont tous déclaré qu’au début, c’est avec le plus grand secret que ce voyage s’est organisé. En effet, Aïda Sagna a déclaré chez certains qu’elle partait en Tunisie pour des soins et chez d’autres, elle leur faisait croire qu’elle devait rallier le Bénin où son époux avait des chantiers. C’est lorsqu’ils ont été convoqués par les enquêteurs qu’ils ont été informés qu’en réalité, Aïda était versée dans des activités illicites.
Les aveux de l’accusée à la Division des investigations criminelles
Quand elle a été, dans un premier temps, entendue par les éléments de la Dic, c’est cette thèse qu’elle leur a servie. À l’en croire, elle était partie faire une opération de son fibrome. Mais au cours de l’un de ces interrogatoires, elle a fini par coopérer. En effet, elle a déclaré que c’est suite à son mariage avec le sieur Lamine Ndiaye que ce dernier l’avait convaincue de partir ensemble en Libye, pour effectuer le djihad. Sûrement pour protéger son mari, elle dit que finalement c’est elle seule qui est partie en compagnie d’une dame du nom d’Awa Faye et d’un certain Daouda.
Selon elle, ce voyage à destination de la Libye a été payé par le nommé Ibrahima Bâ (cité et condamné dans l’affaire Imam Ndao et Cie). Toujours dans sa déposition devant les enquêteurs, elle a renseigné qu’arrivée sur les lieux, elle a séjourné avec d’autres ressortissants sénégalais et que leur présence au pays de Kadhafi n’était justifiée que par la simple raison de vouloir profiter des bienfaits du djihad.
Les déclarations de ses proches sur son changement subite et comment son époux a exercé une influence sur elle
Des témoins ont été également entendus tels que son oncle Idrissa Sagna, son fils Pape Ousmane Badiane qu’elle a eu de son précédent mariage, le sieur Yakhya Seck, directeur de l’Ecole franco-arabe, où l’accusé officiait avant son voyage au Libye, etc. À la lumière des déclarations de ces derniers, il en ressort que la vie de la dame Aïda a basculé en 2014, date qui marque sa rencontre avec son mari, Lamine Ndiaye.
Pis, son oncle soutient qu’après son mariage avec cet homme, elle a rompu tous les liens avec sa famille proche et s’est radicalisée. Il découle aussi des déclarations de son fils Pape Ousmane Badiane que sa mère lui a menti sur sa destination, mais également sur le motif de son voyage. Son fils était allé pleurer auprès de Yakhya, directeur de l’Ecole où travaillait Aïda, quand il a eu échos que sa mère s’était fait exploser avec un ceinturon.
Malgré tous ces éléments obtenus par les enquêteurs, l’accusée, Aïda Sagna, a réfuté les faits devant le juge de la chambre criminelle. Elle soutient qu’elle était partie là-bas pour se faire opérer du fibrome, rien de plus. À l’en croire, c’est à cause des dures conditions qu’elle subissait, qu’elle a tenu de fausses allégations devant les enquêteurs. Selon la quinquagénaire, c’est sa bienfaitrice, Mariama Baldé, qu’elle a fortuitement rencontrée dans un véhicule qui l’avait mise en rapport avec des Libyens qui ont payé ses frais médicaux. Pourtant, il résulte de l’enquête qu’Aïda a été expulsée et condamnée en Libye. À cela, elle répond qu’elle a été sur les lieux de bombardement à Sabratha, en Libye.
Quant à son fils, Pape Ousmane Badiane, entendu à titre de témoin, il a chargé son beau-père, Lamine Ndiaye. « Je l’ai une fois vu chez ma mère mais il ne me faisait pas bonne impression. C’est lui qui a entraîné ma mère dans tous ses déboires », lâche le fils désemparé qui promet de régler le compte à son beau-père une fois qu’il l’aura devant lui. Mais le juge l’en a dissuadé en lui signifiant que les problèmes ne se règlent pas ainsi.
Procureur : «À cette époque-là, rien ne marchait en Libye, puisque qu’il y avait la guerre civile. Et comment croire qu’elle était là-bas pour se soigner ?»
De l’avis de la représentante du ministère public, la culpabilité de l’accusée ne souffre d’aucune contestation. « Son affiliation à une entreprise terroriste ne saurait être contestée. À cette époque-là, rien ne marchait en Libye puisque qu’il y avait la guerre civile. Et comment croire qu’elle était là-bas pour se soigner ? Rien dans la procédure n’indique qu’elle était là-bas pour poser des actes terroristes mais, pour apporter son aide aux forces djihadistes. Et elle n’est pas fortuite, sa présence dans la Ville de Sabratha. Car, celle-ci était un bastion de l’État islamique. Elle a participé à l’établissement d’une entente, elle a apporté son soutien aux entités djihadistes», observe la parquetière qui a requis la peine de 15 ans de réclusion criminelle contre Aïda Sagna.
Les avocats qui assurent la défense de l’accusée, Mes Théophile Cayossi et Assane Dioma Ndiaye ont plaidé son acquittement pur et simple. Le Tribunal rendra son jugement dans les jours à venir.
Adja Khoudia Thiam, (Stagiaire Actusen.sn)