Le C919, un moyen-courrier conçu par la Chine pour bousculer le duopole Airbus-Boeing, a pris son envol pour la toute la première fois vendredi. Une avancée technologique illustrant les ambitions aéronautiques de Pékin.
Ji Pengyu, passionné d’aviation, a les yeux scotchés sur son écran de téléphone portable. Cet étudiant de 19 ans sèche les cours pour suivre le décollage de l’avion retransmis en direct à la télévision. « Quand l’avion s’est mis à rouler, et à prendre de la vitesse, j’étais très stressé… C’est à ce moment qu’on sait si le vol test est une réussite ou un échec, ça fait 10 ans qu’on attend ce moment, je ne l’oublierai jamais. »
L’appareil, construit par l’entreprise publique Commercial Aircraft Corporation of China (Comac), a décollé vendredi depuis l’aéroport international de Shanghai, pour un vol d’essai censé durer une heure et demi.
Avec cet appareil capable de transporter 168 passagers sur 5 550 km, Comac espère rivaliser sur les vols régionaux avec les deux stars internationales du moyen-courrier, le B737 de l’américain Boeing et l’A320 de l’européen Airbus.
Le régime communiste a fait de cet appareil, dont le premier exemplaire avait été dévoilé au public en novembre 2015, un enjeu de prestige. Des fonds publics ont été abondamment employés pour sa fabrication.
Mais cet avion « made in China » est tout de même équipé de technologie étrangère, le moteur, notamment est de fabrication française et américaine. Bao Pengli, superviseur de travaux chez Comac espère vite se passer du savoir-faire étranger. « On fait appel à des constructeurs étrangers car ce sont eux qui pour l’instant répondent le mieux à notre demande,explique-t-il. Mais le jour où les fabricants chinois feront aussi bien, on se fournira évidemment auprès des Chinois ! »
L’écueil de la certification
L’objectif affiché par Pékin est bel et bien d’entamer à terme le duopole Airbus/Boeing, que ni le canadien Bombardier, ni le brésilien Embraer ne parviennent à inquiéter. Mais le défi de la certification s’annonce redoutable pour le C919: le sésame américain est indispensable pour survoler les Etats-Unis et s’impose pour les avions destinés à des vols internationaux.
Il pourrait également s’avérer compliqué pour Comac de convaincre des acheteurs potentiels en-dehors de Chine, dans un marché international « verrouillé par Airbus et Boeing», insiste Shukor Yusof, analyste en Malaisie du cabinet Endau Analytics.
Face à ces mastodontes, qui ont pour eux « une longue histoire et des produits éprouvés de longue date », le chinois devra gagner en crédibilité et cela « n’arrivera pas en seulement dix ans », a-t-il indiqué à l’AFP. L’absence d’un réseau international de service après-vente et d’entretien pourrait aussi desservir Comac.
Pour l’heure, Comac assure avoir enregistré 570 commandes d’avions. Presque exclusivement de la part de compagnies chinoises, rappelle notre correspondante à Pékin, Angélique Forget.