Alpha Condé, 83 ans, doit maudire à jamais les putschistes qui lui ont arraché onze ans d’existence à la tête de la Guinée où il régnait en ‘’dieu’’. Dans la nuit de samedi, il est allé au lit dans ses habits de président, mais s’est réveillé ce dimanche dans le costard de prisonnier. Décoiffé, pieds nus, chemise déboutonnée, l’air anxieux, l’arrogance inscrite aux abonnés absents, l’homme, qui adorait engueuler ses homologues africains et occidentaux, est apparu dans une vidéo qui ressemble à bien des égards à celle de Laurent Gbagbo capturé et jeté dans une cage en Avril 2011. Seul différence saisissante entre les deux images : lorsque le prédécesseur d’Alassane Ouattara suppliait les militaires qui l’avaient arrêté de ne pas tuer ses enfants, Alpha Condé, lui, a refusé de répondre à ses bourreaux qui lui disaient : «est-ce qu’on a touché à un seul de vos cheveux ? On vous a brutalisé, Excellence?».
Encerclé par des militaires encagoulés, les doigts sur les gâchettes, Alpha Condé décoiffé, pieds nus, chemise déboutonnée, l’air anxieux, l’arrogance inscrite aux abonnés absents, est apparu dans une vidéo qui nous rappelle celle d’un certain Laurent Gbagbo capturé le 11 Avril 2011, un peu après 13 heures. Seuls quelques petits détails différencient les deux photos : lors de son arrestation, le prédécesseur d’Alassane Ouattara avait soufflé à l’oreille de ses bourreaux : «ne tuez pas mes enfants» ; alors que le désormais ex-homme fort de la Guinée, le regard hagard, n’a voulu piper mot, quand un militaire, dans une vidéo tournée à Sékoutoureya, l’interpella en ces termes : «est-ce qu’on a touché à un seul de vos cheveux ? On vous a brutalisé, Excellence?»
Les similitudes entre l’image du prisonnier Alpha Condé et celle de Laurent Gbagbo capturé le 11 Avril 2011
Autre chose : après avoir mis aux arrêts Laurent Gbago, les militaires ivoiriens lui avaient filé un gilet pare-balles, ainsi qu’un casque sur la tête. Tandis qu’Alpha Condé est déposé sur un canapé, le regard perdu, par des militaires qui se sont mis à poser fièrement avec lui. A 83 ans, le chef d’Etat déchu doit maudire à jamais les putschistes qui lui ont arraché onze ans d’existence à la tête de la Guinée où il régnait en terreur. Et sa vie de président a basculé, au moment où il s’y attendait le moins. L’homme, qui tenait les manettes de la Guinée comme un tyran, était presque en bisbilles avec la plupart de ses pairs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest.
Et ce n’est pas le président Macky Sall qui nous démentira. En effet, en Mars 2021, dans une interview avec nos confrères de Jeune Afrique, Alpha Condé accablait de ses sarcasmes le président sénégalais en ces termes : ‘’toutes les tentatives de déstabilisation visant la Guinée viennent du Sénégal’’. On se rappelle, également, la fermeture des frontières guinéennes avec le Sénégal, son coup de gueule à l’endroit d’Emmanuel Macron, de l’homme d’affaires Bolloré et le port de Conakry.
Alpha Condé refusant de se ‘’reptiliser’’ en paltoquet devant ses homologues occidentaux. La preuve, il a récemment catapulté dans les cordes le président français. «Ce que tu penses de moi m’est égal ; le seul avis qui compte, c’est celui des Guinéens», a-t-il dit un jour à Emmanuel Macron qui lui faisait reproche de sa nouvelle candidature, avant d’ajouter : «je ne suis pas un tirailleur.»
Macky Sall et Emmanuel Macron, victimes des sarcasmes d’Alpha Condé
L’homme était, jusque-là, imperturbable. En atteste sa sérénité à toute épreuve, quand il s’est agi du référendum constitutionnel et de l’élection présidentielle du 18 octobre 2020, avec son cortège de tensions, de violences, de victimes et de contestations tant internes qu’externes. A 83 ans, Alpha, qui se prenait pour un démurge, avait la prétention nombriliste de discipliner, avant la fin de son mandat en 2026, ses concitoyens. Non sans marteler à qui voulait l’entendre qu’il comptait remettre la notion de service de l’État au centre du village.
D’ailleurs, dans cet entretien avec nos confrères de Jeune Afrique, celui qui s’est couché en président, dans la nuit du samedi, et qui s’est réveillé en détenu, se plaisait à jouer à se faire peur à l’endroit des membres de son Gouvernement. Et ‘’gare à celui qui, sans raison valable, n’était pas à son poste le jour d’une descente coup de poing du président dans son administration. Gare aussi à celui qui fabule sur l’état d’avancement des travaux d’une route ou d’un pont, le logiciel américain dont s’est doté Alpha Condé lui permettant de vérifier, grâce à des images prises par satellite, l’étendue de son bluff. À chaque fois, l’engueulade tombe comme la foudre, et la sanction – qui peut aller jusqu’à la révocation – est immédiate’’, rappelait le Magazine.
Le désormais ex-homme fort de Conakry qui était à son troisième mandat, parlait plutôt de premier mandat sous la Ive République
A ceux qui lui parlaient de son troisième mandat, objet de toutes les controverses à l’époque, Alpha Condé clouait le bec de la sorte : ‘’il ne s’agit pas de mon troisième mandat, mais de mon premier mandat sous la IVe République, adoptée par référendum.’’ Mais depuis hier, pas si certain que Cellou Dallein Diallo ne jubile pas, vu la cage dans laquelle se trouve son pire ami. Car, après sa réélection, comme Alpha Condé disait : ‘’aujourd’hui, en vertu de la nouvelle Constitution, le mandat est de six ans, renouvelable une seule fois. J’ai déjà expliqué pourquoi cette IVe République était nécessaire et pourquoi j’ai décidé de me présenter à la présidentielle d’octobre dernier.
Les deux principaux leaders de l’opposition étant ceux-là mêmes qui avaient laissé la Guinée dans l’état désastreux où je l’avais trouvée en 2010, il n’était pas envisageable pour moi qu’elle puisse à nouveau tomber entre leurs mains. Quant à la démocratie, c’est un très long combat, ici comme ailleurs. Mais elle progresse et, comme vous pouvez le constater, le pays est calme.’’
Avec à sa tête un Mamady Doubouya, Malinké originaire de Kankan, le Comité national du rassemblement et du développement, (Cnrd)» tient désormais les manettes de la Guinée
Mamady Doumbouya, un Malinké originaire de la région de Kankan, est un lieutenant-colonel. Lui et ses hommes appartiennent au Groupement des Forces spéciales (GPS). Il s’agit d’une Unité d’élite de l’Armée aussi bien entrainée qu’équipée. D’ailleurs, ils sont sortis victorieux des échanges de tirs nourris les ayant opposés aux éléments de la Garde présidentielle.
Entouré de deux militaires encagoulés, Mamady Doumbouya, lunettes de soleil, annonce que «la situation socio-politique et économique du pays, le dysfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la justice, le piétinement des droits des citoyens, la gabegie financière […] ont amené l’armée républicaine à prendre ses responsabilités vis-à-vis du peuple de Guinée.
Il annonce aussi la dissolution de la Constitution, du gouvernement, des institutions et la fermeture des frontières. Enfin, il annonce qu’un «Comité national du rassemblement et du développement, CNRD » a pris le pouvoir.
Ndeye Aminata Sagar DIAHAM (Actusen.sn)