Cheikh Sarr, plénipotentiaire de la majorité présidentielle dans le comité politique du dialogue national : «…nous pensons que le ministre de l’intérieur a coupé la poire en deux…»
«Nous avons vu l’arrêté ministériel concernant la caution et nous l’apprécions positivement. Au niveau de la majorité présidentielle, nous avions proposé une caution de 20 millions pour chaque type d’élection, l’opposition en avait proposé 5 et d’autres organisations 10 millions lors des dernières concertations, tenues le vendredi dernier et donc nous pensons que le ministre de l’intérieur a coupé la poire en deux. Parce qu’en fait, les 15 millions sont inférieurs au montant que la majorité avait proposé et supérieurs aux 5 et 10 millions que les autres avaient proposés. Donc, nous trouvons que c’est raisonnable. Les élections locales sont des élections très sérieuses, donc il faut créer les conditions pour que les listes qui s’y présentent soient crédibles; crédibles dans le sens où les candidats puissent déposer une caution de 15 millions, remboursable. C’est dans ce cadre que j’aimerais insister sur le fait que la caution est remboursable, et les conditions ne sont pas très compliquées. Pour que l’on vous rembourse la caution pour les élections communales, si vous êtes présent au niveau d’une seule commune, il faut avoir cinq (5) conseillers. Mais si vous êtes présent sur plus d’une commune, c’est-à-dire deux ou plus, il suffit juste d’avoir un (1) conseiller par commune pour être remboursé. Tout ceci pour vous dire que c’est vraiment raisonnable. Et aussi ça protège un peu le système électoral, parce que les listes que nous avions enregistrées en 2014 risquent d’être dépassées en 2022 parce que tout simplement, depuis le référendum de 2016, il est permis aux candidats indépendants de se présenter sans avoir un parti ou une coalition. Donc, l’éventail des candidatures étant élargi, il fallait mettre un filtre. Toutefois, le filtre ne concerne pas seulement les candidatures indépendantes, mais aussi les partis politiques. Il n’y avait que le parrainage qui a été enlevé lors des dialogues politiques, donc le seul filtre qui est resté, c’est la caution et ça permet de crédibiliser le système électoral.»
Moundiaye Cissé, directeur exécutif de l’Ong 3D, un des représentants de la société civile au dialogue politique : «on ne doit pas verser dans une démocratie où seuls ceux qui ont les moyens participent aux élections…»
«La publication de l’arrêté ministériel concernant le montant de la caution pour les élections locales est sans surprise, on ne s’attendait pas à moins que ça. La majorité qui était dans le dialogue politique avait proposé à peu près la même chose. On savait que même si ça devait diminuer, ça n’allait pas être considérable, ça tournerait autour de 15-20 millions. Dans tous les cas, pour moi c’est excessif. On ne doit pas verser dans une démocratie censitaire, dans une démocratie où seuls ceux qui ont les moyens participent aux élections. Mais dans les quartiers, les villages, les communes, il y a énormément d’acteurs, de citoyens qui ont des compétences, qui sont intègres, qui peuvent apporter une plus-value dans la gestion des collectivités territoriales, qui peuvent être des maires. Cependant, ils risquent d’être bloqués par la caution parce que c’est cher. 15 millions pour chaque type d’élection, ce qui fera 30 millions quand on veut être au département et à la commune. Parce qu’il y a des gens qui ne sont intéressés que par la commune, il y a des gens qui ne feraient une liste que pour leur commune. Il y a des personnes qui ne peuvent être intéressées que par une commune. Parce que la décentralisation c’est la politique de la proximité. On pouvait penser à une caution proportionnée. Par exemple : fixé 1 million pour ceux qui ne se portent candidats que pour une commune, au-delà de 10 communes c’est tant, ainsi de suite. Mais, demander à celui qui se présente, par exemple, à Guédiawaye, la même somme qu’une liste qui se présente pour 550 ou 557 collectivités territoriales, c’est pas proportionnel. Ce montant pose problème aux acteurs politiques. Ça touche les entités indépendantes qui non seulement vont faire face à la caution, mais aussi à un autre aspect qu’est le parrainage (la collecte de signature dans des communes où elles veulent se porter candidates soit 2% des inscrits). La seconde contrainte a un enjeu financier parce que collecter des signatures dans une commune nécessite des moyens financiers car ils auront besoin de la logistique et en même temps une prise en charge pour ceux qui font la collecte. On risque d’aller vers une démocratie où seuls les riches participent aux élections. On devrait régler ces problèmes et avoir des dirigeants qui ne mettent pas en avant l’argent. »
Saliou Sarr, coordonnateur des plénipotentiaires de l’opposition dans le comité politique du dialogue national : «30 millions, c’est pratiquement ce que le pôle pouvoir avait proposé pour la présidentielle. Toutefois, ça ne va pas nous divertir»
«On pensait que même si le ministre ne retenait pas notre proposition c’est-à-dire 5 millions pour chaque type d’élection, il n’allait peut-être pas dépasser 10 millions pour les élections locales. D’autant plus que c’était une forte recommandation des évaluateurs du processus électoral : ne pas fixer une caution qui soit un semblant de blocage de la liberté de participation. 15 millions pour le scrutin municipal et 15 millions pour le scrutin départemental, ça fait déjà 30 millions. C’est pratiquement ce que le pôle du pouvoir avait proposé pour l’élection présidentielle et là on le propose pour des élections territoriales. Toutefois, ça ne va pas être un élément qui va nous divertir. On va effectivement se préparer pour les élections territoriales du 23 janvier même avec ces difficultés. »
Déthié Faye, coordonnateur du pôle des non-alignés, président de la Cdr Fonk Sa Kaddu : «je considère que le montant est exorbitant… Il n’y a plus rien à faire, si ce n’est se préparer à aller aux élections»
«Je considère que le montant est exorbitant. Le pôle des non-alignés avait proposé 5 millions pour chaque type d’élection. Cependant, le ministre de l’intérieur a multiplié le montant par trois. Le montant est particulièrement élevé et donc nous considérons que cela n’est pas bon pour la démocratie. Une fois que le montant de la caution est fixé, il n’y a plus rien à faire, si ce n’est se préparer à aller aux élections. Mais cela n’empêche qu’il faut apprécier ce montant et c’est ce que nous avons fait. Dès l’instant que l’arrêté est fixé, c’est ce montant-là qui sera en vigueur pour les élections. Toutefois, cela ne nous empêchera pas de participer aux élections in sha Allah. Nous sommes en train de travailler dans la création d’une coalition qui, peut-être, va regrouper beaucoup de forces et en toute état de cause, nous participerons à cette consultation. Les élections ne sont pas une question de non-alignés, mais de proximité, donc nous essayons de voir tous les partis avec qui nous pouvons aller ensemble et avec eux nous formerons des coalitions. Certains seront du pôle des non-alignés, d’autres de la société civile et d’autres de l’opposition classique, mais toutefois une coalition répond à un certain nombre de normes et de critères »
Propos recueillis par Oumou Nasri AIDARA (Stagiaire)