Alors que l’Etat veut mettre de l’ordre dans le transport des deux roues, les nouvelles autorités n’ont pas associé dans leurs démarches les vrais acteurs du monde des Jakarta. C’est la révélation de l’Union nationale des motos-taxis qui dénonce l’accaparement des opérateurs économiques, mieux réseautés, de leur secteur et agissent auprès des autorités comme étant les délégués des Jakartamen alors qu’ils opèrent pour leur propre compte. Invité de l’émission ‘‘Sen Dose Matinale’’ d’hier de Source A TV, son Secrétaire général, Mamadou Ndiaye, est revenu sur les carences de l’arrêté ministériel de 2012 portant réglementation des vélos-taxis, les coups bas de ceux qu’il appelle « les fossoyeurs » du secteur, avant de dégager les pistes de solutions.
Quand il était encore ministre des infrastructures, des transports terrestres et aériens, El Malick Ndiaye avait reçu la représentation nationale des Jakartamen. Mais la question que tout le monde se pose : Ceux qui avaient été reçus par la tutelle sont-ils véritablement les acteurs de ce secteur ? Étaient-ils mandatés par les Jakartamen ?
Selon l’Union nationale des motos-taxis dont le Président est Ansoumana Badji, les nouvelles autorités ont reçu des usurpateurs en lieu et place des véritables acteurs du secteur des Jakarta
En tout cas, l’Union nationale des motos-taxis répond par la négative. Brandissant hier sur le plateau de Source A TV, autour de l’émission phare de ‘‘Sen Dose Matinale’’ le récépissé qui leur a été fourni par l’Etat du Sénégal depuis belle lurette, le secrétaire général de ladite Union des motos-taxis précise : « Nous étions là depuis l’ère Oumar Youm en tant que ministre des transports. Mansour Faye nous a trouvé ici, ainsi El Malick Ndiaye. Seul Oumar Youm nous avait reçus en 2020 même si nos demandes d’audience sont restées sans succès avec les ministres Faye et Ndiaye. Notre demande en date remonte au 29 avril dernier, dès l’arrivée des nouvelles autorités. C’est le lieu de préciser que ceux qui parlent en notre nom auprès des autorités sont étrangers au secteur. C’est une bande d’opérateurs économiques qui veulent se sucrer sur notre dos à travers les éventuels marchés autour de ce secteur. »
Son Secrétaire général Mamadou Ndiaye dira à Source A TV : « Seul Oumar Youm nous avait reçus en 2020 même si nos demandes d’audience sont restées sans succès avec les ministres Mansour Faye et Malick Ndiaye »
Très remonté contre ce groupe d’individus, il poursuit : « Pendant la Covid-19, le Président Macky Sall avait convié la jeunesse à Diamniadio. J’avais pris la parole au nom de l’Association nationale des motos-taxis et j’ai dit au Président que nous n’avons pas reçu l’argent que vous nous aviez promis. Cela avait créé une polémique. Les gouverneurs des régions avaient pris leur responsabilité dans ce sens. Une semaine plus tard, nous avons reçu notre argent. Depuis lors, le même groupe d’opérateurs économiques disaient auprès des autorités que j’étais de Pastef, avec Ousmane Sonko. Le Ministre Mansour Faye avait d’ailleurs refusé de me recevoir pour cela. Maintenant qu’il y a de nouvelles autorités, les mêmes personnes agissent auprès d’elles en disant que je suis un militant de Macky Sall. A vous de juger maintenant. »
Il revient en détail sur l’arrêté, devenu obsolète, 89-03 portant réglementation des vélos-taxis au Sénégal du 29 octobre 2012 qui était pris par le ministre Mor Ngom
A force d’écouter Mamadou Ndiaye, par ailleurs Président des Jakartamen de Thiès, on se rend compte qu’il maîtrise comme sa poche le secteur des Jakarta. Rappelant dans la foulée l’arrêté de l’ancien Mor Ngom, il y a 13 ans, portant réglementation des vélos-taxis, Mamadou Ndiaye dira : « L’arrêté qui organise notre secteur reste le 89-03 portant réglementation des vélos-taxis au Sénégal du 29 octobre 2012 qui était pris par le ministre Mor Ngom. L’arrêté dit que le conducteur de vélos taxis ou motos jakarta doit être exclusivement de nationalité sénégalaise et doit être âgé de 18 ans au moins. Mais on doit admettre que le secteur est assailli par des étrangers. Ils utilisent les tricycles pour la plupart. L’arrêté dit également qu’un vélo taxi ne doit pas transporter plus de 2 personnes (le conducteur et le passager). Mais qu’est-ce que nous constatons avec certains Jakartamen. Pourtant l’arrêté dit aussi que le passager ne doit pas se mettre devant le conducteur ni s’asseoir en amazone (s’asseoir de côté). Aussi, le port du casque est obligatoire au moins pour le conducteur du vélo taxi. Mais beaucoup ne respectent pas cette mesure. »
« L’arrêté dit que le conducteur de vélos taxis ou motos jakarta doit être exclusivement de nationalité sénégalaise et doit être âgé de 18 ans au moins »
Autant pour la circulation interurbaine qui est formellement interdite pour les motos-taxis, selon Mamadou Ndiaye. Il poursuit : « Nous n’avons pas le droit de travailler au-delà de 20 heures et jusqu’à 6h du matin. La sonorisation est interdite si le vélo taxi est dans la circulation ; les Maires de commune devaient veiller, selon le même arrêté, à ce que les vélos taxis soient munis de plaques d’identification numérotées en série, différente de la plaque délivrée par le Service des Transports Terrestres. Les lieux de stationnement devaient être identifiés et aménagés par les collectivités locales. Tandis que les conducteurs de vélos taxis s’acquitteront, chaque mois, du paiement de la taxe fixée par délibération du Conseil municipal du ressort. »
« L’arrêté est un fourretout. Et rien que sur le permis de conduire, on peut l’attaquer »
Mais pas que. Car selon notre interlocuteur, l’arrêté de Mor Ngom avait aussi précisé les types de motos autorisés pour cette activité. « L’article 1 définit les types de motos qui sont concernés par le secteur. Il s’agit de 50 cm 3 à 125 cm3. Donc les motos Jakarta en font partie (107 Cm 3). Mais les tricycles qui sont pourtant dans notre domaine d’activité font entre 125 et 250 cm3, dépassant largement les normes établies », déplore Mamadou Ndiaye. Quid du permis de conduire, il dira : « l’arrêté précisait que nous devons être titulaires d’un permis de conduire de type A1. »
« Nous estimons d’emblée que l’Etat devait d’abord commencer par recenser, dans chaque commune, tous ceux qui s’activent dans les Jakarta, d’une part, et dans la livraison d’autre part »
Seulement, force est de constater que cet arrêté est dépassé, vu les nouveaux défis de cette activité économique autour du transport dit irrégulier. Et ce n’est pas Mamadou Ndiaye qui dira le contraire : « L’arrêté est un fourretout. Et rien que sur le permis de conduire, on peut l’attaquer. Car, selon les normes en vigueur, le permis A1 n’est pas dans le champ d’application de transport public de voyageurs (TPV). Car, c’est nous faisons. » Si les nouvelles autorités exigent l’immatriculation de ces véhicules, l’Union nationale des motos-taxis estime que la carte grise à elle seule ne résout pas leur problème. Comme début de solution, Mamadou Ndiaye dira : « Je ne peux vous lire tout le document par crainte que les fossoyeurs nous copient et se l’approprient. Je vais seulement dégager les grands axes de notre programme. Nous estimons d’emblée que l’Etat devait d’abord commencer par recenser, dans chaque commune, tous ceux qui s’activent dans les Jakarta, d’une part, et dans la livraison d’autre part. Il nous faut aussi dans la foulée un permis de conduire approprié au transport public de voyageurs, ainsi qu’une assurance. D’ailleurs, rien que pour le permis de conduire, on nous demande 140 000 F Cfa. »
« Selon nos estimations, l’Etat du Sénégal perd 450 millions par jour, soit 13 milliards par mois, lié au défaut d’organisation de ce secteur. Chaque année, il perd 162 milliards dans le transport des Jakarta »
Même si le secteur n’est plus rentable comme avant, avec quelques 400 000 motos en circulation à travers le pays, son manque d’organisation entraîne un énorme manque à gagner, au détriment de l’Etat. « Selon nos estimations, l’Etat du Sénégal perd 450 millions par jour, soit 13 milliards par mois, lié au défaut d’organisation de ce secteur. Chaque année, il perd 162 milliards dans le transport des Jakarta. Notre programme revient sur différentes solutions pour permettre à l’Etat de récupérer cette manne financière ; le rôle des collectivités locales, de l’Etat central ; le rôle de l’administration centrale, les préfets et les gouverneurs, ils ont tous leur part de responsabilité dans l’assainissement du secteur. Nous avons même prévu notre reconversion dans notre mémorandum. C’est-à-dire comment gérer la période de transition, en quittant le vélo-taxi pour aller dans un autre domaine plus rentable, avec la possibilité d’être financés par la DER ou 3FPT », explique Mamadou Ndiaye.
« Nous avons même prévu notre reconversion dans notre mémorandum. C’est-à-dire comment gérer la période de transition, en quittant le vélo-taxi pour aller dans un autre domaine plus rentable, avec la possibilité d’être financés par la DER ou 3FPT »
Estimant par ailleurs que les problèmes des deux roues ne peuvent pas être résolus dans un délai de trois mois, l’Union nationale des motos-taxis prévient : « Les problèmes vont demeurer au-delà de ces trois mois. Car cela ne doit pas être une course de vitesse. Il faut y aller étape après étape. D’ailleurs, nous avons tenu une Assemblée générale dernièrement à Kaolack au détour de laquelle, nous demandons de suspendre le processus en cours, en attendant qu’on dialogue au risque qu’ils commettent les mêmes erreurs de l’ancien régime. Il faut d’abord identifier les acteurs du secteur ; arrêter pour un moment les importations de motos et imposer aux concessionnaires d’immatriculer les motos avant la vente. »
Amadou DIA (Actusen.sn)