ACTUSEN
A LA UNENewsPolitique

Budget 2025 : un vote, 100 débats

Le budget 2025 n’engage que la responsabilité du Premier ministre et de son gouvernement, après son adoption sans débat, samedi, à l’Assemblée nationale. Alors qu’il y était attendu pour engager la responsabilité du gouvernement pour le vote sans débat de ce budget, arrêté à 6 614,8 milliards, le Premier ministre, qui s’est fait représenter par le Ministre des Finances et du budget, a préféré saisir le Président de l’Assemblée nationale par une lettre.

En pleine adoption « immédiate » de la LFI 2025 après lecture de ladite loi par le rapporteur général et les observations du Ministre des Finances et du budget qui représente le Premier ministre, à la surprise générale, Abdou Mbow soulève l’exception et fait appel au règlement avant d’être arrêté par le Président de l’Assemblée nationale, El Malick Ndiaye qui l’ignore royalement

Dans ladite lettre, on peut lire : « (…) Par lettre du 11 Décembre 2024, le Président de la République nous a transmis le projet de loi de finances pour l’année 2025. En application de l’article 86 alinéa 6 de la Constitution et après délibération du Conseil des ministres du 18 Décembre 2024, j’ai décidé d’engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote de cette loi de finances. Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma parfaite considération. » Ce que le Président, El Malick Ndiaye, a tenu informer la représentation nationale, après lecture dudit projet de loi par le rapporteur général.

El Malick Ndiaye : « Je pense qu’il est bon de rappeler que la Constitution, en son article 86.6, nous dit clairement que le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote de projet de la loi de finances. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté sauf une motion de censure déposée dans les 24 heures qui suivent et votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Ceci étant dit, il n’y a pas eu une motion de censure déposée. Je précise donc qu’il n’y aura pas de débat. Zéro débat ! »

L’honorable député Abdou Mbow, le seul député à l’avoir contesté séance tenante, n’entendait pas laisser passer ce qu’il a appelé « forcing ». Le Président de l’Assemblée nationale l’ignore en ces termes : « Je pense qu’il est bon de rappeler que la constitution, en son article 86.6, nous dit clairement que le Premier ministre peut, après délibération du conseil des ministres, engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sur le vote de projet de la loi de finances. Dans ce cas, ce projet est considéré comme adopté sauf une motion de censure déposée dans les 24 heures qui suivent et votée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent. Ceci étant dit, il n’y a pas eu une motion de censure déposée. Je précise donc qu’il n’y aura pas de débat. Zéro débat ! Je voudrais donc féliciter M. le Premier ministre et son gouvernement pour l’adoption de ce budget. »

Abdou Mbow d’insister : « Le Premier ministre est un habitué des faits quand il s’agit de fuir l’Assemblée nationale. De 1960 à nos jours, c’est la première fois qu’on vote une loi de finances initiale sans débat. L’article dit que le premier ministre doit engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale. Il n’a pas dit qu’il doit envoyer une lettre. »

En se levant de son siège, Abdou Mbow d’insister : « Vous n’allez pas faire du forcing. Les Sénégalais doivent savoir que le Premier ministre doit être là. C’est inacceptable. Ce n’est que par sa présence que le premier ministre pouvait engager la responsabilité du gouvernement. Ce n’est pas au Ministre des finances de le faire à sa place. » El Malick veut le faire sortir de la salle. « Si vous insistez, vous allez sortir de la salle », menace le Président. « Si vous voulez, mais les Sénégalais doivent savoir que le Premier ministre doit être là », rétorque M. Mbow. « La lettre est très claire. Le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement. Et la loi est adoptée », résume le Président de l’Assemblée nationale, avant de lever la séance.

«La lettre est très claire. Le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement. Et la loi est adoptée », résume le Président de l’Assemblée nationale, avant de lever la séance mais les débats se poursuivront sur le hall et dans les couloirs de l’Assemblée

Les débats se poursuivent cependant sur le hall et dans les couloirs de l’Assemblée nationale. D’abord, c’est le Ministre du Travail et du Dialogue social, Abass Fall, qui y jette son grain de sel : « C’est le 2 Décembre dernier que l’Assemblée Nationale a été installée avec toutes les procédures qu’il faut. Le projet de budget est venu en commission technique et c’est dans des conditions extrêmement difficiles qu’ils ont tenu les commissions. On a même accéléré l’examen de ce projet de budget en commission pour que cela puisse venir en plénière. Au préalable, on avait même établi un calendrier qui pouvait nous permettre de passer en commission et de revenir en plénière. Mais malheureusement, il y a eu la déclaration de politique générale, la convocation de l’Assemblée Nationale pour la dissolution de deux institutions (HCCT et CESE). Ce qui a raccourci les délais. Mais le plus important, c’est que le débat technique a eu lieu en commission. »

Abass Fall, ministre du travail, du dialogue social et des relations avec les institutions : « La loi ne dit nulle part que le premier ministre doit être là. L’engagement a été fait par écrit »

Député de Takku Wallu, Amadou Dawa Diallo n’approuve pas les propos du Ministre Abass Fall. « Ce projet n’a pas été soumis à l’Assemblée nationale », dira le député de Ranérou Ferlo. « On ne nous a rien soumis. On nous a simplement lu une lettre. Personne n’a voté, aucun député n’a voté. Nous attendons des explications et des clarifications de la part du gouvernement. Je considère cet acte comme une forfaiture ou un mépris », ajoutera-t-il. Abass Fall de rassurer en ces termes : « J’ai même proposé cette idée. Nous sommes en train de réfléchir pour que le débat soit élargi à la presse parce que ce sont des débats de haute facture très techniques qui peuvent beaucoup plus intéresser les Sénégalais que les choses qui se passent en plénière. Il y a des questions qui ont été posées hier (vendredi) au Premier ministre, alors que les mêmes questions ont été posées en commission. Donc, c’est une forme de redondance qui se passe souvent en plénière qu’il faut essayer de rectifier », dira le Ministre du Travail. Sur l’absence du Premier ministre à l’Assemblée nationale, Abass Fall soutient qu’elle n’est pas obligatoire : « La loi ne dit nulle part que le premier ministre doit être là. Même si les budgets devaient passer, est-ce que c’est le premier ministre qui devait venir les défendre ? L’engagement a été fait. Il a écrit, telle que la constitution lui demande de le faire. Il a écrit au Président de l’Assemblée nationale qui a informé le bureau, qui a informé la conférence des présidents à laquelle moi j’ai participé. L’essentiel, c’était de le faire. Il l’a saisi dans les formes requises par la constitution. Le président allait tout simplement procéder à la lecture de la lettre de saisine. L’Assemblée valide et le président part. Donc, il ne devait même pas faire dix minutes ici s’il venait. Vous savez, nous sommes tellement légalistes, parce que nous sommes battus pour ça, que nous ne pourrons pas enfreindre la loi. »

Comment le gouvernement a traîné les pieds, Thierno Alassane Sall fait son exposé : « Ce sont eux (Le premier ministre et son gouvernement) qui ont organisé le dilatoire pour qu’il n’y ait pas de débat »

L’honorable député Thierno Alassane Sall n’est pas pour autant convaincu. « Le fait d’engager la responsabilité de son gouvernement n’exclut pas les débats. D’ailleurs, ce sont eux (Le premier ministre et son gouvernement) qui ont organisé le dilatoire pour qu’il n’y ait pas de débat. La nouvelle assemblée nationale a été installée le 2 Décembre. C’est à cette date que les travaux commencent. En 20 jours, on avait le temps de tenir les commissions et ensuite les plénières. Ils ont fait du dilatoire sur la nomination des commissions avant de laisser l’Assemblée aller chômer tout en sachant qu’il y a urgence. Ils nous ont convoqués entre-temps pour supprimer le HCCT et CESE et adopté la loi de LFR. Ils ont fait comme s’il n’y avait jamais de séance budgétaire. Et c’est la première fois qu’on voit un budget voté sans débat, alors qu’ils nous ont mis la transparence », dénonce le leader de la République des Valeurs.

Maïmouna Bousso nie tout : « On n’a pas voté le budget sans débat. Peut-être que c’est en plénière qu’on a voté sans débat, mais on est resté 10 jours en commission pour débattre sur le projet. Les délais sont devenus très courts »

Pour la majorité présidentielle, c’est le seul argument qui vaille : « L’essentiel est le projet de loi est passé en commission technique et tous les budgets sectoriels sont passés. Et il y a un problème de temps qui se pose d’ici le 30 décembre (aujourd’hui). » Maïmouna Bousso partage cet avis : « On n’a pas voté le budget sans débat. Peut-être que c’est en plénière qu’on a voté sans débat, mais on est resté 10 jours en commission pour débattre sur le projet. Les délais sont devenus très courts. C’est du populisme ce que l’opposition est en train de faire. L’article 86.6 de la Constitution engage la responsabilité du gouvernement. C’est le Premier ministre qui engage la responsabilité du gouvernement sur ce vote. » Abdou Mbow de revenir : « Ils vont installer une dictature au Sénégal. Ils ont violé la constitution. Le Premier ministre est un habitué des faits quand il s’agit de fuir l’Assemblée nationale. De 1960 à nos jours, c’est la première fois qu’on vote une loi de finances initiale sans débat. L’article dit que le premier ministre doit engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale. On n’a pas dit qu’il doit envoyer une lettre. En France, à chaque fois qu’on dit que le premier ministre engage la responsabilité du gouvernement, c’est le Premier ministre qui vient à l’Assemblée. Il est responsable devant le Président et l’Assemblée nationale. Le Premier ministre du Sénégal devait venir. On n’a pas dit le premier ministre ou son représentant… »

Amadou DIA (Actusen.sn)

Leave a Comment