Serigne Saliou Mbacké a été attrait à la barre des flagrants délits, hier, pour répondre des faits de charlatanisme et d’escroquerie portant sur la somme de 10.000.000 de nos francs. Il est traduit en justice par la dame Maïmouna Dieng. Le représentant du Ministère public a requis contre lui une peine de six (6) mois ferme. Il sera fixé sur son sort le 22 février 2022.
«Ce sont des faits regrettables parce que le prévenu, son nom renvoie plus à un bienfaiteur qu’à un escroc!» Cette observation de la représentante du ministère public a traduit la pensée de toutes les personnes ayant assisté à l’audience des flagrants délits d’hier. Appelé à la barre pour répondre des faits d’escroquerie et de charlatanisme, le nom du prévenu, Serigne Saliou Mbacké, a attiré l’attention de plus d’un. Il est traduit en justice par la nommée Maïmouna Dieng.
Motivant sa plainte, la partie civile reproche au prévenu de lui avoir soutiré frauduleusement la rondelette somme de 10.000.000 de nos francs. Revenant sur les faits, la partie poursuivante a indiqué avoir fait la rencontre de Serigne Saliou Mbacké par l’entremise de son fils qu’il fréquentait. Sachant qu’il est issu d’une famille maraboutique, elle l’a sollicité afin qu’il la mette en rapport avec son père Serigne Cheikh Mbacké pour que celui-ci lui prodigue des prières. Ce, pour un business florissant.
Selon la plaignante, S. Saliou l’a mise en contact avec son père à qui elle a parlé au téléphone. «Au bout du fil, il m’a préconisé de faire des aumônes. C’est par la suite que Saliou est venu à la maison me remettre une bague, des bains mystiques et de l’encens, moyennant des sommes d’argent que je versais à Saliou. Parfois aussi j’envoyais un livreur », raconte Maïmouna Dieng à la barre.
Maïmouna Dieng, Partie civile : «Je me laissais guider comme si ma raison m’avait abandonnée. Je lui donnais tout ce qu’il me demandait sans me poser la moindre question»
Poursuivant sa narration, la plaignante soutient avoir été hypnotisée à travers la bague que le prévenu lui avait remise. « Je me laissais guider comme si ma raison m’avait abandonnée. Je lui donnais tout ce qu’il me demandait sans me poser la moindre question. J’ai même vendu ma voiture et l’or que j’avais gardé pour mes enfants», se désole-t-elle.
Selon la partie civile, sa fille Marème a voulu mainte fois lui ouvrir les yeux mais ce n’est qu’après la mort de Serigne Cheikh Mbacké, père du prévenu, qu’elle a réussi à comprendre le tour que Saliou lui jouait. «Ma fille me disait tout le temps que je ne parlais pas au père de Saliou mais à Saliou lui-même. J’ai découvert par la suite que cette personne à qui je parlais ne pouvait être son père parce que ce dernier était malade et incapable de communiquer. Quelque temps après, Saliou était injoignable. Quand j’ai réussi à l’avoir au téléphone, il m’a fait croire qu’il avait accompagné son père malade en France et que celui-ci y a finalement rendu l’âme alors qu’en réalité, son père est mort à Thiès!»
Le prévenu met tout sur le dos de son défunt père Serigne Cheikh Mbacké
Poursuivi pour escroquerie et charlatanisme, Serigne Saliou Mbacké a préféré souiller la mémoire de son père en mettant tout sur son dos. Âgé de 28 ans, le prévenu affirme avoir juste présenté la partie civile à son père mais ignore l’objet des prières que celle-ci sollicitait auprès du dernier nommé. S’agissant du délit d’escroquerie, Serigne Saliou n’a pas nié avoir reçu des sommes d’argent mais minimise le montant donné par Maïmouna Dieng. Pour le prévenu, le montant qu’il a encaissé s’élève à 6.000.000 de francs CFA. « Elle parlait directement à mon père. Ce dernier m’a d’ailleurs chargé de lui remettre une bague, de l’encens et de l’eau bénite », soutient-il.
Pour la réparation, la partie civile a réclamé la somme de 11.000.000 de francs CFA
Pour le conseil de la partie civile, Me Souleymane Soumaré, sa cliente a eu à débourser de façon approximative la somme de 10.000.000 de francs. « Saliou avait demandé aux enquêteurs de lui accorder 2 jours afin qu’il rembourse l’intégralité de la somme. Mais après 15 jours, il n’a pas honoré sa parole. C’est une personne très ingénieuse qui croit avoir suffisamment de bras longs pour échapper à une sanction pénale », fulmine l’avocat. Pour toute cause de préjudice confondue, Me Souleymane Soumaré a réclamé la somme de 11.000.000 de francs pour le compte de sa cliente et a demandé au tribunal de fixer la contrainte par corps au maximum.
La représentante du ministère public : « Serigne Touba avait prédit qu’il arrivera un moment où il ne faudra pas faire confiance même aux personnes qui feront partie de ma lignée parce qu’elles-mêmes poseront des actes qui ne m’honoreront point »
Prenant la parole pour ses réquisitoires, la représentante du ministère public soutient que rien n’établit, dans ce dossier, que c’est son vénéré père qui prodiguait des prières à la plaignante. « Il n’a jamais voyagé en France. Rien que ces contres vérités prouvent que c’est lui qui s’est fait passer sciemment pour son défunt père. C’est lui qui encaissait les différentes sommes d’argent. Ce sont des faits regrettables parce que le prévenu, son nom renvoie plus à un bienfaiteur qu’à un escroc », regrette la parquetière, non sans évoquer les prédictions qu’avait faites le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba sur ces personnes : « Il arrivera un moment où il ne faudra pas faire confiance même aux personnes qui feront partie de ma lignée parce qu’eux-mêmes poseront des actes qui ne m’honoreront point, avait prédit le saint homme. Aujourd’hui, Serigne Saliou Mbacké fait partie de ce lot ! ». Le maître des poursuites a requis à l’encontre du prévenu une peine d’emprisonnement ferme de 6 mois. Prenant la parole à leur tour, les conseils de la défense ont battu en brèche la plaidoirie de leur confrère qui assurait les intérêts de la partie civile qui, déplorent-ils, a attribué à leur client des propos qu’il n’a jamais tenus. Selon les robes noires, Serigne Saliou Mbacké n’a jamais pris l’engagement de rembourser. L’affaire mise en délibéré, le tribunal rendra sa décision le 22 février prochain.
Adja K. Thiam (Actusen.sn)