En prélude de la visite de l’Emir du Qatar au Sénégal, Djilly Mbaye Fall, Directeur du «Think Tank Observatoire» de la Coopération des relations sénégalo-qataries, revient sur les relations historiques et fortes qui lient le Sénégal au Qatar.
Au micro de Actusen.com, il a, également, disserté sur le choix de Karim Wade de s’exiler à Doha, le rappel récent de l’Ambassadeur du Sénégal, les retombées économique et diplomatique de cette première visite de Son Altesse Cheikh Tamim Al Thani, en tant qu’Emir du Qatar. Entretien!!!
Actusen.com : Djily Mbaye Fall, vous êtes le Directeur du « Think Tank Observatoire» de la coopération des relations sénégalo-qataries. Pouvez-vous nous dire de quoi il s’agit, exactement ?
Djily Mbaye Fall : c’est une structure de veille citoyenne et d’analyse stratégique, qui se penche sur la coopération entre le Qatar et le Sénégal. C’est une structure privée, qui est neutre et impartiale vis-à-vis des partis politiques. Le «Think Tank» est né du cercle d’amitié sénégalo-qatari.
C’est une Association, qui œuvre à raffermir les liens entre le Qatar et le Sénégal. Et le «Think Tank» est mis sur pied, afin de réfléchir sur l’avenir des relations entre les deux pays. Pour ce faire, nous avons une équipe basée à Doha et une autre qui est à Dakar. L’Association date de 2014.
Actusen.com : Et quelles sont les avancées qui ont été notées ? depuis la mise sur pied de la structure ?
DMF : Les avancées sont surtout sur le plan culturel, puisque le Qatar est, depuis 2012, membre de la Francophonie. Ce qui a davantage raffermi les liens entre les deux pays. Au-delà du fait que le Sénégal et Qatar sont tous deux membres de la Umah islamique, ils partagent aussi la Francophonie.
Actusen.com : Selon vous, quels peuvent être les impacts de la visite de l’Emir du Qatar sur le plan socioéconomique, mais aussi diplomatique ?
DMF : cette visite est, d’abord, historique, dans la mesure où elle constitue la première de Son Altesse Cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, en tant qu’Emir du Qatar, puisqu’il avait déjà visité le Sénégal, mais juste en tant que prince héritier.
De plus, le choix porté sur Dakar comme première étape d’une tournée ouest-africaine n’est pas anodin, parce que parmi les 48 pays de l’Afrique subsaharienne, le Sénégal a été le premier pays à abriter une Ambassade qatarie.
Sur le plan diplomatique, il y a un lien très étroit qui lie les deux pays. Et Cheikh Al Thani ne fait que suivre les traces de son père qui, déjà en 1998, a effectué sa première visite officielle au pays de la Téranga. Et la seconde date de 2008, lors du Sommet de l’Oci.
Maintenant, sur le plan économique, symboliquement, le Président Macky Sall a été l’invité d’honneur de l’Emir au Forum de Doha en 2013. De même, pour atteindre les objectifs fixés dans le Plan Sénégal Emergent, des investissements qataris ont été mobilisés, pour appuyer le projet.
Et c’est l’Emir en personne, qui a convoqué le président de la Chambre de commerce de Doha et tous les industriels et partenaires financiers pour monter des joint-ventures et des partenariats «win-win» (gagnants-gagnants).
Actusen.com : Malgré l’étroitesse de ses relations avec le Qatar, le Sénégal n’a, pourtant, pas hésité à rappeler son Ambassadeur de Doha, il y a quelques mois dans l’affaire du supposé soutien de Qatar aux terroristes, même si la situation s’est arrangée quelques mois après. Est-ce que ceci n’a pas un peu altéré la coopération sénégalo-qatarie ?
DMF : Non, aucunement ! Parce-que le fait que l’Emir visite le Sénégal prouve que les relations sont au beau fixe. Le Sénégal n’avait pas rompu toute relation diplomatique avec le Qatar. Il avait juste rappelé son Ambassadeur.
Les deux pays sont des frères et sont tous deux membres de la Umah islamique. Nous partageons les mêmes visions sur le renforcement de la coopération afro-arabe. Et récemment, le Sénégal a affirmé sa volonté de soutenir la médiation du Koweït, pour que le Qatar puisse se réconcilier avec ses voisins. Cela dit, il peut arriver qu’il ait des divergences, mais cela n’affecte, en aucun cas, les relations qui les lient.
Actusen.com : Au regard des liens forts qui unissent les deux pays, quel est donc le véritable rôle de l’Emirat qatari dans la libération de Karim Wade ?
DMF : A mon humble avis, Karim Wade a bénéficié d’une grâce présidentielle que le Président Macky Sall lui a accordée. Il n’y a aucun pays au monde, qui peut interférer dans le fonctionnement de la justice d’un autre Etat, parce que ceci relève de la souveraineté de chaque pays.
Actusen.com : Et pourquoi, justement, le choix du Qatar comme terre d’exil ? Parce-qu’on parle, aussi, d’exil. Est-ce grâce à la belle amitié qui lie les deux pays ou est-ce que Karim a des rapports privilégiés avec le Qatar ?
DMF : Ce choix se justifie, peut-être, par le fait qu’il a plus d’amis au Qatar. Lorsqu’il dirigeait l’Oci, il était souvent présent dans cette partie du Golf, pour mobiliser les fonds nécessaires pour la tenue du sommet de l’Oci. Et donc il a pu, par-là, développer un carnet d’adresses qui lui permette d’assurer la pérennité de cette relation d’amitié.
Au-delà de cela, le Qatar a une longue tradition d’accueillir des personnalités qui ont eu des difficultés dans leur pays. Karim Wade n’est pas le premier à en bénéficier. Je vous donne comme exemple l’ancien Président de la Mauritanie qui, après sa perte du pouvoir, a eu des démêlées avec la justice de son pays et qui a été accueilli en terre qatarie.
Propos recueillis par Ndèye Aminata Diaham (Actusen.com)