En conférence de presse hier, l’ancien député Thierno Bocoum a décortiqué la dernière sortie du Chef de l’Etat, samedi dernier. Aux yeux de l’opposant, Bassirou Diomaye Faye n’est ni plus ni moins que le Président par intérim, refusant d’assumer ses fonctions et ses prérogatives, aux côtés de son Premier ministre qu’il cherche à augmenter les pouvoirs, quitte à violer les règles.
C’est désormais clair. Thierno Bocoum se déclare comme un opposant au régime actuel. «Il faut qu’il y ait contradiction ! Rien n’est assez tôt pour opposer des contre-arguments à ce régime. On assume notre position de sentinelle pour qu’il n’y ait pas de dérive», a déclaré hier l’ancien député, en marge d’une conférence de presse. Le leader du mouvement Agir ne s’est pas limité à ça.
La conviction de Thierno Bocoum : «Il a choisi d’être Président par intérim. Autrement dit, il est dans les dispositions d’attendre pour renforcer prochainement les pouvoirs du Premier ministre avant qu’il ne lui laisse son fauteuil par la volonté du peuple»
Durant tout son speech, il s’est forcé à déconstruire la sortie du Président de la République, dans le cadre de ses 100 jours à la tête du pays. « Nous voulions savoir s’il va choisir d’être le Président de la République ou le Président auprès du Premier ministre. Après l’avoir écouté, nous avons compris qu’il n’est ni l’un ni l’autre. Mais il a choisi d’être Président par intérim. Autrement dit, il est dans les dispositions d’attendre pour renforcer prochainement les pouvoirs du Premier ministre avant qu’il ne lui laisse son fauteuil par la volonté du peuple», analyse-t-il.
«S’il donne des injonctions au Président de l’Assemblée nationale pour la mise à jour du règlement intérieur et en contrepartie, il ‘‘sollicite’’ son Premier ministre à faire machine arrière dans sa volonté de faire sa DPG dehors, c’est ne pas savoir la signification des différents pouvoirs. C’est ignorer qu’une autorité nommée n’a rien à voir avec une autorité élue. C’est pourquoi la manière dont il a réglé la crise, c’est une violation de la loi. Il peut être poursuivi plus tard pour haute trahison»
Pour preuve, Thierno Bocoum dira que les prétextes servis par le chef de l’Etat lors de cette interview avec une partie de la presse nationale, parlant de son premier ministre, ne sont pas fortuits. « En tant que Président de la République, le gardien de la Constitution, il s’est permis de justifier la tenue d’une déclaration de politique générale devant un jury populaire, ignorant les dispositions de la Constitution à ce sujet. C’est extrêmement grave ! », estime-t-il, avant d’ajouter : « S’il donne des injonctions au Président de l’Assemblée nationale pour la mise à jour du règlement intérieur et en contrepartie, il ‘‘sollicite’’ son Premier ministre à faire machine arrière dans sa volonté de faire sa DPG dehors, c’est une confusion de rôle. C’est ne pas savoir la signification des différents pouvoirs. C’est ignorer qu’une autorité nommée n’a rien à voir avec une autorité élue. C’est pourquoi la manière dont il a réglé la crise, c’est une violation de la loi. Il peut être poursuivi plus tard pour haute trahison. »
«Dans son discours, il y a une forme de soumission. Voyager et laisser son Pm gérer ce pays n’est pas prévu par la constitution. Il y a une confusion de rôle dans ce cas. Je dirais même qu’il y a un deal entre lui et son Premier ministre ; sauf que le Président par intérim n’est pas dans notre constitution. C’est pourquoi, il doit démissionner et organiser des élections pour laisser la place à son premier ministre. Ce jeu est trop flou»
Insistant sur le fondement de la relation entre le Président de la République et son Premier ministre, Thierno Bocoum soutient que le Bassirou Diomaye est visiblement très à l’aise, contrairement à d’autres questions beaucoup plus sérieuses, quant il s’agit de parler de Ousmane Sonko. « Sauf que dans notre constitution, nous avons un Président élu et premier ministre nommé. A ce titre, c’est le Président qui a des prérogatives. Dans le régime actuel, c’est lui qui détermine la politique de la Nation et donne des orientations, y compris quand il est à l’étranger. Il doit assumer ses fonctions», soutiendra-t-il. Ce n’est pas tout, puisque Thierno Bocoum y voit un non-dit dans la relation entre Diomaye & Sonko. « Dans son discours, il y a une forme de soumission. Voyager et laisser son Pm gérer ce pays n’est pas prévu par la constitution. Il y a une confusion de rôle dans ce cas. Je dirais même qu’il y a un deal entre lui et son Premier ministre ; sauf que le Président par intérim n’est pas dans notre constitution. C’est pourquoi, il doit démissionner et organiser des élections pour laisser la place à son premier ministre. Ce jeu est trop flou. La constitution ne marche pas comme ça. Il n’est pas attendu à ce qu’il dévoile ses relations amicales ou fraternelles avec son Pm, c’est du domaine de l’intime. La Constitution n’a pas prévu non plus les questions amicales, ou de copinage », tranche le leader de Agir.
«Le Président veut introduire une forme de clientélisme au sein de la magistrature»
Pire, aux yeux de Thierno Bocoum, « il faut dire qu’ils (Bassirou Diomaye Faye & Ousmane Sonko) ne croient ni à l’Etat de droit, ni à la transparence, même si le Sénégal dispose d’un Code de transparence. » Il argumente en ces termes : « Il a dit qu’il s’est enfermé avec son Premier ministre pour décider du sort des magistrats, c’est absurde ! Pour la seule et simple raison que le premier ministre ne fait pas partie du Conseil supérieur de la magistrature. Mais son objectif est clair, c’est d’introduire une forme de clientélisme au sein de la magistrature. »
«Il entretient un manque de transparence flagrant»
Reprochant dans la foulée au chef de l’Etat un « manque de transparence », le patron du mouvement Agir dira que Bassirou Diomaye Faye n’explique pas en profondeur les décisions qui sont en train d’être prises par son gouvernement. « Il entretient un manque de transparence flagrant. Car, s’il dit que l’engrais a connu une baisse, pourquoi n’ajoute-t-il pas le prix de ce même produit a également connu une baisse sur le plan international ? Ils ont baissé le prix du pain, mais ils n’avouent pas que son poids a aussi baissé. Sur les Enrobons, il n’a toujours pas répondu sur la question malgré les relances des journalistes. Pourquoi doit-on faire recours à l’emprunt ? Où est-ce que l’argent sera mis ? Ce sont des questions auxquelles il fallait répondre », peste l’ancien député.
Mieux ou pire, Thierno Bocoum soupçonne une violation de la loi organique portant la loi des finances. « S’il y a un chamboulement sur l’équilibre budgétaire, il faut une loi de finance rectificative, autorisée par l’Assemblée nationale, pour se permettre de certaines dépenses. Jusqu’à preuve du contraire, une loi de finance rectificative n’a pas été votée à l’Assemblée nationale. D’ailleurs, il dit qu’il n’a trouvé aucun fonds politique, a-t-il pris un décret d’avance avant d’assister des malades », se demande-t-il.
Amadou DIA (Actusen.sn)