Les enseignants ne lâchent pas du lest. Déterminés à obtenir la satisfaction de leurs revendications, les syndicalistes engagent un bras de fer avec l’Etat par des plans d’actions pour le respect des accords. Les avis des acteurs de l’éducation sur la crise scolaire sont partagés. Les enseignants, eux, indexent la responsabilité de l’Etat qui, à les en croire, n’a jamais fait de l’éducation sa priorité. Pendant ce temps, les directeurs d’école reconnaissent que si cette situation perdure, le niveau des élèves en prendra un sacré coup. Alors que seuls les élèves qui sont dans les classes d’examen ont droit à des cours de rattrapage, les autres sont obligés de payer pour avoir droit à ce privilège.
Après une accalmie, l’École sénégalaise est de nouveau perturbée par les mouvements d’humeur des enseignants. Les chevaliers de la craie agitent de vieilles doléances, des accords que l’Etat peine à matérialiser. Le quantum horaire est de plus en plus menacé par des perturbations.
M. Ba, surveillant général du Cem HLM Grand Yoff : «A ce rythme, nous allons forcément dans une situation qui risque de laisser des impacts négatifs sur les résultats des examens de fin d’année»
«Nous sommes un établissement où le Cusems, le Saems et l’Uden sont bien représentés. La quasi-totalité des enseignants ont observé un mouvement d’humeur. Les compositions du premier semestre étaient programmées. Avec les grèves, on a jugé nécessaire de les reporter ultérieurement. Pour le moment, rien n’est encore prévu pour essayer de rattraper les heures perdues. Peut-être qu’à l’issue d’une entente entre les Syndicats et le Gouvernement, on réaménagera le calendrier des examens de fin d’année. Ces perturbations sont tout à fait regrettables. Avant d’être des enseignants, nous sommes des parents d’élèves. Elles nous ont profondément impactés», se désole le surveillant général du Cem Hlm Grand-Yoff.
Selon M. Bâ, que ça soit du côté de l’Etat ou des enseignants, chacun a une part de responsabilité dans cette crise scolaire. Il souligne que le développement d’un pays ne peut se faire sans une éducation de qualité. En effet, il interpelle les autorités en charge de l’Éducation pour trouver très rapidement des solutions face à la crise : «La vache ne brûle que là où elle est attachée. Nous n’avons d’autre métier que l’enseignement.
Si aujourd’hui tous ces accords étaient respectés, nous serions dans d’autres choses. Et non pas vraiment à revenir sur ces revendications. A ce rythme, nous allons forcément dans une situation qui risque de laisser des impacts négatifs sur les résultats des examens de fin d’année. Nous regrettons cet état de fait qui impacte globalement la marche de notre pays. La faute revient à tout le monde, particulièrement à l’Etat qui, aujourd’hui, affiche une volonté de ne pas négocier, en disant qu’il ne prendrait aucun engagement.»
Il invite les acteurs de l’éducation à se soucier de l’avenir des élèves : « Nous sommes les parents pauvres du système éducatif. Nous sommes laissés pour compte. C’est regrettable ! Tout le monde est aujourd’hui appelé à prendre ses responsabilités», précise le surveillant général du Cem Hlm Grand Yoff, M. Ba.
M. Kane de l’École Hlm Grand-Yoff appelle à plus de considération vis-à-vis des enseignants
Pour donner plus d’ampleur au combat de leurs collègues du Moyen et du Secondaire, les enseignants des Ecoles élémentaires se sont joints aux luttes syndicales. Au Cours élémentaire des Hlm de Grand-Yoff, les écoliers font les frais du mouvement d’humeur de leurs maîtres. «Nous sommes là pour des cours de renforcement du soir. Les grèves antérieures ne les concernaient pas. Mais, depuis hier, une partie du Corps enseignant a observé le mouvement d’humeur», précise l’adjoint de la directrice de l’Ecole élémentaire 2 des Hlm Grand Yoff. M. Kane précise que leurs revendications sont légitimes ; il regrette que le tort soit jeté sur eux alors que c’est l’Etat qui a failli à ses engagements par le non-respect des accords signés avec les organisations syndicales.
Des cours de renforcement pour uniquement les élèves en classe d’examen
Pas de cours également à l’Ecole élémentaire de Diamaguène Sicap Mbao. Les élèves, laissés à eux-mêmes, courent dans tous les sens. Ici, le mot de la grève des enseignants est bien suivi. Malgré les 72 heures de grève des syndicalistes, la directrice de l’Etablissement, Mme Diène, se dit confiante que la crise scolaire va bientôt prendre fin. «Les enseignants ont senti le besoin d’aller en grève. Pour l’instant, il n’y a pas d’impact majeur. Car la grève n’a pas encore trop duré. Nous attendons de voir s’il y a une nécessité impérieuse d’organiser des cours de rattrapage pour les élèves en classes d’examen. Il y des cours de renforcement particulier payants qui se font avec certains collègues. Déjà, le niveau de certains élèves est très faible. Et si ces grèves continuent, cela va nous causer des problèmes», a alerté la directrice de l’Etablissement Mme Diène.
Même crainte à l’Ecole élémentaire Babacar Senghor qui affiche un calme plat à 9h passées d’une trentaine de minutes. Seuls le directeur et un enseignant craie en main sont sur les lieux, à notre arrivée. Toutefois, Monsieur Omar Seck assure que son Etablissement organise des cours de rattrapage pour les élèves en classe de Cm2. «Ce sont des enseignants autonomes regroupés dans des structures différentes. Au début, les maîtres des Ecoles élémentaires n’étaient pas concernés par ces grèves.
C’est le Cusems et le Saems qui étaient en mouvement d’humeur. Maintenant, avec le ralliement du G7 et du G20, ils ont observé le mot d’ordre, parce qu’ils composent ces structures. Les parents d’élèves commencent à s’inquiéter de l’avenir de leurs enfants. Nous organisons des cours de rattrapage les lundis soir, mercredis soir, vendredis soir et les week-ends pour les élèves en classe de Cm2 », a détaillé le directeur de l’école Mr Omar Seck.
Contrairement aux Ecoles publiques, les Groupes scolaires privés ne rencontrent pas de soucis majeurs pour épuiser leurs programmes. Néanmoins, ces Etablissements privés ne cautionnent pas le diktat des élèves des Ecoles publiques qui viennent les déloger parfois pour exiger le retour des enseignants dans les salles de classes. «Les cours se déroulent normalement dans notre Groupe scolaire. Ce sont les enseignants retraités qui les dispensent. Nous avons du personnel disponible.
Le seul souci qu’on a est que, lorsque le Public est en grève, les élèves viennent avec des pierres pour déloger nos potaches. La dernière fois, nous avons appelé la Police pour assurer la sécurité de nos élèves. N’eût-été la police, les choses allaient déborder», témoigne le directeur des Etudes du Groupe scolaire « Les Pédagogues », Pape Alioune Diop.
Silèye MBODJI (Actusen.sn)