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Contribution : «le hadj, un grand levier de propagande politique pour le gouvernement et une traite pour les privés»

Présentement, le Sénégal est dans un environnement de libéralisme politique et économique. Donc l’Etat ne devrait pas imposer aux convoyeurs privés une seule compagnie aérienne, que ce soit Air Sénégal ou une autre compagnie choisie par lui-même. Ce serait synonyme de monopole octroyé. Or, dans le libéralisme, il n’y a pas de monopole. La politique de libéralisation engendre forcément une saine et libre concurrence entre les privés, mais aussi entre les privés et l’Etat. Cette libéralisation fait mieux l’affaire des pèlerins, contrairement à une privatisation totale qui est une option dans laquelle l’Etat serait exclu du volet convoyage des pèlerins.

Il faut faire la différence entre la libéralisation d’un secteur et la privatisation. Dans le cadre du hadj, l’Etat a libéralisé, et a toujours annoncé sa ferme volonté de privatiser intégralement le pèlerinage.

En ma qualité de journaliste-reporter indépendant et pèlerin, j’ai toujours dit que le pèlerinage est un acte d’adoration. Par conséquent, il ne doit pas être une occasion de faire du business, disposant certains sénégalais voyagistes à élever la barre trop haut et à empêcher d’autres Sénégalais d’effectuer le hadj.

L’Etat a certes libéralisé, mais il n’est pas allé jusqu’au bout. En ce qui concerne le hadj, il devrait commencer à libéraliser le transport aérien. Hélas, le gouvernement a imposé Air Sénégal aux convoyeurs privés pour convoyer leurs pèlerins alors que ladite n’arrive toujours pas à faire ses preuves d’autant plus que son billet est beaucoup plus cher que celui pratiqué par les autres compagnies aériennes étrangères établies à Dakar. Et tout le monde sait que le gros du package se trouve sur le billet d’avion. De leur côté, les privés veulent pousser l’Etat à privatiser et à se désengager totalement du convoyage des pèlerins. Dans ce cas de figure, l’Etat laisserait les pèlerins à la merci des privés qui, quoiqu’on dise, sont des businessmen.

Donc s’il y a une entente, même tacite, entre les privés, les agneaux du sacrifice seront les pèlerins ? Ils sont des consommateurs et utilisateurs de prestation, ce qui signifie qu’ils doivent être protégés par l’Etat. Les privés sont libres de faire du business, mais vouloir s’enrichir sur le dos des pèlerins, ce n’est pas normal. Ainsi, je trouve mieux de libéraliser que de privatiser totalement.

J’ai toujours défendu le maintien de l’Etat dans le processus du hadj. C’est pour favoriser une libre concurrence entre privés, mais aussi entre privés et Etat. Mais si l’Etat est absent, les privés feront une entente tacite, et ce sera insupportable pour les pèlerins. Les prix sont si élevés que certains Sénégalais sont obligés d’aller embarquer à partir des pays limitrophes. Donc il faut que les privés allègent le package. Dans sa clémence, Dieu a permis au voyageur de ne pas jeûner le temps que dure le voyage. Etant donné que le pèlerin est un voyageur, les privés doivent être cléments et lui alléger les charges.

Je ne défendrai jamais l’Etat contre les privés, ni l’inverse. Mais je ne laisserai jamais les privés faire payer les pots cassés aux pèlerins. Je défends l’intérêt des pèlerins en ma qualité de pèlerin journaliste-reporter indépendant. Je ne dépends de personne. Et si je constate que les pèlerins sont menacés par un préjudice, je prends leur défense, quitte à ce que je partage cette position avec l’Etat. Nous savons que l’Etat est laïc, il ne défend pas la cause de l’islam. Il se sert du hadj pour satisfaire sa clientèle politique en distribuant dans tous les régions, départements, communes d’arrondissement et quartiers d’énormes quantités de billets pour la Mecque. Sous ce rapport, s’il dit défendre la cause des pèlerins sénégalais et propager l’islam, ce n’est pas franc. C’est du leurre pour pouvoir perpétuer la laïcité de l’Etat qui prend souvent à contre-pied les principes fondateurs de l’islam, particulièrement son code civil et pénal.

Enfin, avec l’impact du coronavirus sur le hadj de l’année 2022, l’Arabie Saoudite a réduit le quota de tous les pays participants, y compris le Sénégal. Au lieu de 12 mille pèlerins annuellement, le Sénégal aura un quota 4 mille. Je souhaite que ce quota soit partagé entre le privé et l’Etat, mais que le gros lot soit attribué aux privés. Que l’Etat ait un petit nombre symbolique dans ce quota pour que le package soit concurrentiel. Donc il faut un équilibre : l’Etat doit surveiller les prix, les privés aussi sont libres de faire des bénéfices, mais doivent savoir raison garder.

Cheikh Oumar TALL

 Directeur de Publication du Mensuel «Le Jour-Al Yawmou»

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