Le délégué général devait plaider auprès du gouvernement pour que les pèlerins puissent s’acquitter convenablement de leur devoir religieux. Cela passe inévitablement par la réduction du package. L’Etat ne doit pas accepter qu’on privatise totalement le hadj. Mais on constate avec amertume que des privés (associations socio-professionnelles, dahiras, GIE etc.) en font du commerce. Pour preuve, le privé qui avait affiché le plus bas package pour le hadj de 2023, il l’avait fixé à presque 5 millions de Fcfa. Si des entreprises veulent se faire de l’argent, elles n’ont qu’à investir d’autres secteurs.
Certains privés prennent pour prétexte les hôtels 5 étoiles pour faire de la surenchère. On n’effectue pas le pèlerinage pour du tourisme, mais pour se recueillir. Chacun veille sur ses intérêts : les privés veulent réaliser des bénéfices, l’Etat de son côté veut satisfaire sa clientèle politique. Pourquoi refuse-t-on aux pèlerins que nous sommes de défendre nos intérêts en réclamant un package accessible et raisonnable?
Les pèlerins sénégalais ne sont pas plus humains que ceux de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Niger, de la Guinée Conakry etc. Qu’est-ce qui nous empêche de loger dans les quartiers et hôtels où ils logent ?
En matière de coût de pèlerinage, beaucoup de pays africains sont mieux lotis que les Sénégalais. le Tchad avait fixé en 2023, 2 millions 850 mille Fcfa, le Mali en 2023 pour la filière gouvernementale, le package était 4 millions 170 mille Fcfa, pour la filière des privés 4 millions 675 mille Fcfa, le Burkina en 2023, le package était à 3 millions 280 mille Fcfa, le Niger en 2023 était à 3 millions 200 mille Fcfa, le Cameroun en 2023, son package était à 3 millions Fcfa. la Côte d’Ivoire en 2023, son quota s’élevait à 10 mille pèlerins, les 7 mille pèlerins sont convoyés par la filière gouvernementale à raison de 2 millions de Fcfa par pèlerins. Les autres 3 mille pèlerins étaient convoyés par les privés. Quant à la Guinée Conakry, les pèlerins convoyés par le gouvernement avaient payé chacun 57 millions de franc guinéen (équivalents à 4 millions 93 mille 802 Fcfa). Nous voyons donc ici que ces pays africains avaient régulé et homologué les prix pour le voyage à la Mecque.
Qu’est-ce qui empêche le gouvernement sénégalais de réguler et homologuer les packages du gouvernement et des privés en affichant un prix plancher à ne pas dépasser ? L’Etat sénégalais devrait aussi inciter les convoyeurs privés à démystifier les hôtels 5 étoiles. Dans cette lancée politique, le gouvernement sénégalais devrait libéraliser le volet transport aérien en lançant des appels d’offres pour que toutes les compagnies aériennes soumettent leurs services, ce qui permettrait une concurrence des prix sur les billets d’avion.
A défaut de subventionner le hadj comme certains pays africains l’ont fait, la Côte d’Ivoire, le Cameroun etc., le gouvernement devrait au moins détaxer les prix du billet d’avion. Voilà des pistes qui peuvent baisser le package de la Mecque au Sénégal qui avait dépassé de loin en 2023 tous ces pays africains en matière de prix. Certains privés affichent déjà 5 millions pour le hadj 2024. Si le gouvernement n’y prend pas garde, certains sénégalais risquent de ne jamais effectuer le hadj qui est un pilier obligatoire pour tout musulman qui en a les moyens. Mais cela ne veut pas dire que les convoyeurs privés et l’Etat rendent inaccessible le prix de la Mecque.
D’ailleurs, certains privés qui promettent à leurs pèlerins un logement de luxe près des harams (Makka-Médina) ne respectent pas souvent leurs engagements (d’ailleurs, au lendemain du hadj 2023, des privés sont sanctionnés faute de respect de leurs engagements). Nous invitons la délégation générale à faire des visites inopinées dans les hôtels Makka-Médina pour s’enquérir de la situation dans laquelle ils vivent.
Ce qui fait la cherté du pèlerinage est que le gouvernement a imposé aux privés un cahier de charges sans aucune concertation préalable. Dans ce cachier de charges, il est fait obligation à toute agence de voyage de convoyer la moitié (50¨%) de ses pèlerins par une compagnie aérienne saoudienne, dont la plus connue au Sénégal est FlyNass. L’autre moitié (50¨%) de son quota étant convoyée par n’importe quelle autre compagnie aérienne établie à Dakar et qui organise des vols réguliers comme Turkish Airlines, Emirati, Ethiopian Airlines, Royal Air Maroc ettc. D’ailleurs, on nous dit qu’il n’y a aucun accord, aucune convention dans ce sens entre les deux Etats. La preuve est qu’au temps du commissaire général au pèlerinage, Général Dia, lors d’une réunion en Arabie Saoudite, le Général avait demandé au ministre saoudien du hadj pourquoi on impose au Sénégal, la moitié de ses pèlerins (50¨%) par une compagnie aérienne saoudienne – FlyNass – ledit ministre lui avait répondu que ce n’est pas une obligation de convoyer 50¨% de ses pèlerins par FlyNass. Cette année-là, les privés avaient convoyé leurs pèlerins par des compagnies aériennes de leur choix. Hélas, depuis le départ du Général Dia et la prise de fonction du Professeur Abdou Aziz Kébé, on impose aux privés de convoyer 50¨% de leur quota par FlyNass. Et pourtant, cette compagnie FlyNass n’est pas connue dans beaucoup de pays africains. Cela veut dire que ce que le Sénégal a accepté, les autres pays africains ne l’ont pas accepté. Ces Etats africains et leurs convoyeurs privés choisissent librement n’importe quelle compagnie aérienne (Ethiopian Airlines, Turkish Airlines, Egypt Airlines, Soudan Airlinnes, Royal Air Maroc, Emirati etc.). Tant qu’on octroie le monopole du transport aérien à Air Sénégal ou à FlyNass, le prix du billet d’avion devient cher parce que ces compagnies n’ont pas de concurrence. Donc l »intérêt des pèlerins est qu’il y ait libéralisation du transport aérien.
Rationalisation des quotas
Revenons sur le quota. S’il est de 12.000 pèlerins, pourquoi octroyer le plus gros lot aux privés ? Cela les pousse à s’entendre tacitement sur les coûts de voyage. La preuve qu’il existe une collaboration entre eux est que quand un privé fait le plein de pèlerins, il reverse l’excédent à un autre privé moyennant une commission. En vertu de quoi l’Etat se donne-t-il 1.800 pèlerins ? Qu’est-ce qui l’empêchait de s’octroyer 5.000 ou plus ? En plus de revoir son quota à la hausse, l’Etat doit revoir à la baisse son package. Non seulement le package des 4 millions que l’Etat a fixé l’année dernière est excessif, mais aussi il avait logé très loin ses pèlerins, les obligeant à prendre les bus et à parcourir de longues distances pour aller au haram. L’Etat doit loger ses pèlerins dans des hôtels acceptables près des lieux de culte.
Aussi, la délégation générale doit revoir son personnel pléthorique et ses charges, Elles sont si lourdes qu’elles justifient en partie le coût élevé du package. Dans le personnel, il y a des agents embauchés avec un salaire mensuel, et ils sont en même temps des rabatteurs qui trouvent des candidats à des privés ou qui facilitent aux candidats les opérations d’inscription et d’enrôlement dans la délégation. Ce n’est pas honnête. Il y a aussi des agents qui travaillent pour la délégation, mais qui ont un GIE parallèle confié à leur épouse, enfant ou parent proche. C’est une concurrence déloyale. Ces pratiques peu orthodoxes alourdissent les charges de la délégation et renchérissent le package.
Réorganisation du secteur privé
Qu’on soit clair, le hadj n’est pas du business, c’est un acte d’adoration. Ainsi, dans l’intérêt des pèlerins qui sont des consommateurs de services, la délégation générale devrait augmenter considérablement le quota de l’Etat et de faire baisser le package de la délégation, ce qui va obliger les privés à revoir leurs packages à la baisse. D’ailleurs, il y a trop de privés qui s’activent dans le hadj parce que c’est un marché florissant. Il y en a qui n’ont aucun personnel et se contentent d’un garage aménagé pour recevoir leurs candidats au pèlerinage.
Ces derniers veulent jouir des mêmes privilèges que les grandes agences professionnelles de voyage connues pour la qualité de leur service (ces agences sont dotées d’IATA, paient des charges sociales telles que l’IPRES, la caisse de sécurité sociale et un personnel permanent etc.), ce qui n’est pas possible. La cherté du package de ces agences professionnelles peut se comprendre.
Cheikh Oumar Tall
Directeur de publication du mensuel « le jour – Al yawmou »