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Coronavirus : la distanciation sociale est bien partie pour durer

Depuis le début de la pandémie de coronavirus, nous avons tous changé nos comportements en adoptant des mesures de distanciation sociale. Même si le confinement s’arrête, ces dernières devraient persister encore pendant de longs mois et entraîner un changement dans nos habitudes.

Dans l’Hexagone, les Français sont entrés dans leur troisième semaine de confinement. De l’autre côté de la Manche, les Britanniques n’en sont qu’à leur deuxième. Mais déjà, du côté des autorités, certains s’interrogent sur la sortie de cette période de « lockdown ». Selon Jenny Harries, la cheffe adjointe des services sanitaires britanniques, le Royaume-Uni n’est pas près de retrouver une vie normale.

Lors d’une conférence de presse, dimanche 29 mars, elle a estimé qu’il serait « dangereux » de lever subitement le confinement auquel la population est actuellement soumise pour trois semaines, même s’il s’avérait efficace pour ralentir la progression de la maladie, car cela pourrait entraîner une résurgence de la pandémie. « Si nous arrêtons, tous nos efforts auront été vains et nous pourrions faire face à un second pic », a-t-elle expliqué, avant de préciser que les mesures mises en place pour contenir la maladie seraient réexaminées « toutes les trois semaines [durant] probablement six mois », voire plus.

Mais « cela ne veut pas dire que nous resterions en confinement total pour six mois », a précisé la cheffe adjointe. « Nous pourrons, espérons-le, progressivement adapter certaines mesures de distanciation sociale et progressivement retourner à la normale ».

Deux ans de restrictions ?

Le Royaume-Uni n’est pas seul pays dans lequel les autorités ont prévenu que les mesures pourraient être prolongées au-delà de la période initialement annoncée. L’Italie, l’État européen le plus durement touché par la pandémie, a déjà dit que le confinement pourrait durer jusqu’au 31 juillet, malgré l’impact sur l’économie.

En Allemagne, Lothar Wieler, le président de l’institut Robert-Koch, l’autorité fédérale de la santé, a également expliqué qu’il faudrait probablement environ deux ans pour que s’arrête la pandémie de coronavirus, en soulignant que la durée de cette crise sanitaire dépendrait en grande partie de la rapidité d’élaboration d’un vaccin. Il estime qu’au bout du compte, environ 60 % à 70 % de la population mondiale aura été contaminée, guérie et immunisée contre la maladie. « Notre hypothèse de travail est que cela prendra environ deux ans », a-t-il déclaré le 17 mars dernier lors d’une conférence de presse.

William Hanage, professeur adjoint d’épidémiologie à l’université de Harvard, admet lui aussi que « des mesures de distanciation sociale devraient être encore nécessaires pour au moins six mois ». « Celles qui sont déjà en place arrêtent les nouveaux cas. Ceux qui sont déjà infectés devraient se remettre dans les deux mois, mais après, le but sera d’empêcher une nouvelle vague », précise-t-il auprès de France 24.

Ce spécialiste ne partage pas pour autant le point de vue de l’institut Robert-Koch, selon lequel deux ans vont être nécessaires pour arrêter la pandémie. « Cela dépend de ce que l’on entend par restrictions. Deux ans, comme ce que nous vivons aujourd’hui est peu probable, mais deux ans sans grand rassemblement est une autre chose », souligne William Hanage.

De son côté, Greg Gray, épidémiologiste à l’université de Duke, aux États-Unis, estime que la pandémie pourrait être stoppée de trois façons. Premièrement, « grâce un programme de vaccination massif, mondial et sûr », explique-t-il à France 24. Deuxièmement, par « l’emploi de mesures prophylactiques efficaces contre la transmission », comme le confinement, « combiné avec du contact tracing » [protocole mis en place pour retracer tous les déplacements d’un patient testé positif au Covid-19]. Enfin, « quand une large proportion de la population sera immunisée et que l’épidémie ralentira, estime-t-il, le virus continuera à circuler tant qu’il trouvera quelqu’un susceptible d’être infecté ».

Paradoxalement, une levée plus précoce des mesures pourrait se révéler plus efficace dans les zones les plus touchés par la pandémie. « Comme le virus a touché le Royaume-Uni et l’Italie très brutalement, ces pays pourraient atteindre l’immunité collective plus rapidement », souligne Greg Gray. Dans ce cas, « six mois de restrictions de déplacement pourraient paraître raisonnables pour le Royaume-Uni », alors que « deux ans seraient nécessaires en Allemagne où la contamination reste faible ».

Le coronavirus « va changer notre façon de vivre »

En diminuant le nombre de personnes infectées par le coronavirus, le confinement protège les plus vulnérables. Mais cela ne permet pas d’immuniser la population totale. Les scientifiques s’attendent donc à ce que le virus resurgisse une fois les mesures levées. Une étude de l’Imperial College de Londres, mise en lumière pour avoir persuadé le Premier ministre britannique Boris Johnson et le président américain Donald Trump d’adopter une approche plus combative face au coronavirus, a prédit que si les mesures se terminaient après cinq mois, une seconde vague de contamination pourrait émerger à la fin de l’automne.

À la lumière de ces données, « la plupart des épidémiologistes pensent qu’une fois que la distanciation sociale sera relâchée, il faudra procéder à plus de tests et à un isolement des personnes contaminées pendant une période de quatorze jours », insiste Charles Horsburgh, professeur d’épidémiologie à l’université de Boston.

Alors que les gouvernements vont devoir mettre en place des tests massifs et continuer à procéder au « contact tracing », la population va aussi devoir modifier son comportement. « Le virus a déjà et va continuer à changer notre façon de vivre, nos traditions et nos interactions », résume Greg Gray.

Quelques changements sont déjà bien visibles. Les masques, si habituels en Asie, sont désormais devenus banals dans les villes occidentales, tandis qu’en France, la traditionnelle bise est maintenant devenue proscrite. Le monde de demain ne sera plus celui d’hier. Comme le prévoit Lynn Goldman, doyenne de la Milken Institute School of Public Health de l’université George Washington : « Alors que de moins en moins de personnes ne se serrent les mains et s’embrassent, les salutations du coude pourraient devenir la norme. »

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