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Cour des comptes : le rapport révèle une gestion calamiteuse de l’Agence de construction des bâtiments et des édifices publics

Dans le rapport de la Cour des comptes de janvier 2024, concernant le contrôle de la gestion de l’Agence de construction des bâtiments et des édifices publics (ACBEP) au titre des exercices 2017-2021, a permis de relever des insuffisances au niveau organisationnel, comptable, dans la gestion des ressources humaines et des marchés publics, mais surtout dans la mise en œuvre des missions confiées par le décret n° 2011-657 du 1er juin 2011 portant création, organisation et fonctionnement de l’agence. D’ailleurs, la Cour recommande au Premier Ministre d’engager la réflexion sur la capacité de l’ACBEP à conduire les programmes de construction de l’Etat.

S’il faut noter que durant la période sous revue, l’ACBEP est dirigée par Madame Socé DIOP DIONE nommée par le décret n°2012-1251 du 05 novembre 2012 et Monsieur Hamady DIENG nommé par le décret n°2020-698 du 04 mars 2020, durant le même période sous revue, le Conseil de Surveillance est présidé par Monsieur Baba NDIAYE.

Toutefois, les contrôleurs ont d’emblée noté l’absence d’acte de nomination à certains postes. Car, les diligences effectuées ont fait ressortir que des agents occupent des postes sans qu’aucun acte de nomination ne soit pris à cet effet. C’est le cas des ingénieurs qui sont considérés comme des chefs de projet en l’absence de décision de la Direction générale. Il en est de même pour la responsable informatique.

Paiement indu d’indemnités forfaitaires globales

Par ailleurs, si le décret n°2021-05 du 06 janvier 2021 allouant une indemnité forfaitaire à certains personnels de l’Etat et ses démembrements permet de couvrir les charges liées à l’amortissement, au carburant, à l’entretien, aux réparations et à l’assurance d’un véhicule antérieurement utilisé pour nécessité de service. Il n’en demeure pas moins que ce décret prévoit la liste des bénéficiaires de l’indemnité forfaitaire globale, rappelle le rapport. Au niveau des organismes publics, le Président de l’organe délibérant, le Directeur ou Directeur général et le Secrétaire général sont les seuls bénéficiaires. Cependant, il a été relevé l’allocation de cette indemnité forfaitaire globale d’un montant de 400 000 FCFA au Directeur technique, au Directeur administratif et financier et à l’Agent comptable de mars 2021 à septembre 2023 ; soit un montant de 37 200 000 F CFA.

Le paiement de cette indemnité forfaitaire globale est indu, dit le rapport. Par ailleurs, le Conseil de Surveillance, lors de sa séance du 23 septembre 2021, avait examiné ce point et conclu que ces derniers n’étaient pas éligibles par le décret ; mais cela n’a pas empêché au Directeur général de continuer à payer cette indemnité.

Le ‘’paaco’’ élargie aux prestataires

A cela s’ajoute que l’ACBEP compte plus de 20 prestataires de service actuellement. D’ailleurs, les contrats de prestations à l’ACBEP sont établis conformément aux dispositions de l’article 434 du code des obligations civiles et commerciales qui précisent qu’« un contrat de prestation est un contrat d’entreprise qui oblige l’entrepreneur à effectuer un travail pour le maître d’ouvrage sans créer entre les parties un lien de subordination ». Or, ces prestataires travaillent à l’Agence comme des agents permanents affectés pour la plupart à la Direction technique et à la Direction administrative et financière.

Dans leurs réponses, le Président du Conseil de Surveillance et le Directeur général soutiennent que le recours aux prestataires est dû à l’insuffisance de ressources financières de l’Agence.

Recrutement de stagiaires sans lien avec leur formation d’origine

Les dispositions de l’article 2 du décret n° 2015-777 du 02 juin 2015 fixant les règles applicables au contrat de stage précisent que « le contrat de stage d’adaptation est celui par lequel l’entreprise d’accueil assure au stagiaire l’acquisition d’une expérience pratique en rapport avec sa formation ». Toutefois, durant la période sous revue, la direction générale de l’ACBEP a signé des contrats d’adaptation au profit de stagiaires dont la formation ou le profil n’a aucun rapport avec les tâches auxquelles ils sont affectés au sein de l’entité. C’est le cas des stagiaires qui ont des diplômes de banque assurance alors qu’ils effectuent des tâches administratives.

Pire, si l’Agence a pour mission de piloter les projets et les constructions de l’Etat, il a été constaté cependant qu’entre 2017 et 2021, plus de la moitié du personnel de l’ACBEP est constitué d’agents de l’ordre administratif. Parmi eux, on peut citer : 13 chauffeurs, 7 assistantes, 3 agents de nettoiement, 3 agents de services, 3 agents courriers, etc. Ainsi, certains services sont en situation d’excédent d’agents alors que la Direction technique a besoin de techniciens pour le suivi des projets de construction. C’est, d’ailleurs, pour combler ce besoin, que l’Agence fait appel à des prestataires de service.

A cela s’ajoute le parc automobile avec plus de 20 véhicules pour 13 chauffeurs.

La Cour relève que, sur un effectif de 53, 29 agents sont administratifs, soit plus de la moitié du personnel. Sur la période de contrôle, un nombre de 16 agents de l’ordre administratif a été recruté.

Une disparité criarde dans le traitement salarial et des primes de fonction différente

C’est pourquoi la Cour demande au Président du Conseil de Surveillance et au Directeur général de mettre fin au recours irrégulier des « prestataires de services » en respectant les dispositions du code du travail et du décret n° 2015-777 du 02 juin 2015 fixant les règles applicables au contrat de stage.

Le chef de la division du matériel et de la logistique, le chef de la division des projets et le chef de la division des marchés, agents de même catégorie, ont perçu respectivement, en 2022, des salaires d’un montant brut de 1 023 186 F CFA, 1 543 986 F CFA et 1 500 000 F CFA, alors même que les disparités ne sont pas corrigées

En plus d’une grille salariale incomplète, les contrôleurs ont aussi noté une disparité notoire dans le traitement salarial. Car, l’analyse de la structure des salaires de l’ACBEP révèle une grande disparité dans le traitement salarial des agents. Ainsi, il a été constaté que des agents de même classe et de même catégorie ont des sursalaires et des primes de fonction différents avec des écarts très importants. Ainsi, on peut constater les disparités importantes des sursalaires entre les assistantes qui assurent les mêmes fonctions et entre le chef de division du matériel et de la logistique et le chef de la division des marchés (Allez lire le tableau, vous serez ébahis). Car, il résulte de ce tableau que des agents de même classe et de même catégorie ont des primes de fonction différentes. C’est le cas du Chef de la Division du matériel et de la logistique, du Chef de la cellule communication et du juriste. D’autres, de catégories inférieures, ont des primes plus conséquentes que des agents de catégories supérieures. Le coordonnateur de la cellule de passation des marchés n’a pas de prime de fonction alors que le comptable en dispose.

Pire, la Cour relève que les disparités ne sont pas corrigées car le chef de la division du matériel et de la logistique, le chef de la division des projets et le chef de la division des marchés, agents de même catégorie, ont perçu respectivement, en 2022, des salaires d’un montant brut de 1 023 186 F CFA, 1 543 986 F CFA et 1 500 000 F CFA.

Défaut de paiement des dettes fiscales

Durant la période sous revue, il a été constaté que l’ACBEP ne reverse pas toujours la TVA précomptée sur les fournisseurs. Il en est de même pour les retenues opérées sur les salaires et sur les sommes versées à des tiers, de la retenue opérée sur les indemnités versées aux membres du Conseil de Surveillance et de la contribution forfaitaire à la charge des employeurs (CFCE).

Défaut de respect des conditions de mise en concurrence

En septembre 2020, selon la Cour des comptes, trois entreprises ont soumissionné à la demande de renseignements et de prix relative à l’acquisition de matériel informatique. Cependant, il a été constaté que les deux entreprises à savoir ORSERS et SARR BUSINESS TRADING disposent curieusement les mêmes adresses et registres de commerce. Cette situation n’a pas empêché la commission des marchés de recevoir leurs offres, de les évaluer et d’attribuer le marché pour un montant de 29 960 000 FCFA TTC à SÉNÉGAL DISTRIBUTION.

Défaut de recouvrement des pénalités de retard

L’analyse des documents de marchés publics révèle que certains marchés de travaux ont été résiliés pour non-respect des obligations contractuelles conformément aux clauses des contrats.

Le nombre de jours de retard pour les marchés concernés ainsi que les montants des pénalités de retard arrêtés à un montant total de 1 626 963 851 FCFA sont d’ailleurs dans un tableau.

Défaut d’autorisation de construire et d’implication des services de l’urbanisme dans le suivi des projets de construction

Les dispositions de l’article 68 du code de l’urbanisme prévoient que « Nul ne peut entreprendre, sans autorisation administrative, une construction de quelque nature que ce soit (…). Cette obligation s’impose aux services et concessionnaires de services publics de l’Etat, des départements et communes, comme aux personnes privées ». Toutefois, il ressort des entretiens menés avec les chefs de service régionaux ou départementaux, que les travaux de construction sont exécutés sans autorisation de construire. Ainsi, c’est seulement lors des contrôles effectués par lesdits services, voire même lors de la réception des travaux, qu’ils sont informés.

Délabrement prématuré des constructions

Le dernier crime noté à l’ACBEP, c’est le délabrement des constructions. Les visites effectuées sur les sites révèlent que certaines constructions connaissent un niveau de détérioration avancé alors qu’elles ont été réceptionnées récemment. C’est le cas du Centre de Formation professionnelle de Agnam Civol réceptionné le 31 décembre 2016 où, faute d’une bonne étanchéité, le bâtiment est sous les eaux pendant la saison des pluies et ne dispose plus d’eau et d’électricité. Le Centre n’accueille actuellement que 22 élèves et certaines filières ne sont plus fonctionnelles.

Au niveau de l’Inspection Régionale du Travail et de la Sécurité sociale de Matam, des fissures sont également constatées et le bâtiment menace ruine alors que les travaux ont été réceptionnés le 25 février 2020.

A Diourbel, le bâtiment qui abrite le Service régional de l’Elevage et des productions animales (SREPA) connaît quelques défaillances : mauvais cadrage des portes ; fissures ; vétusté du matériel sanitaire ; écaillement de la peinture. Concernant le siège de la Cour des Comptes, plusieurs manquements ont été décelés : mauvaise étanchéité du plafond de certains bureaux et toilettes ; systèmes électrique et de climatisation défaillants ; ascenseur non fonctionnel ; refoulement de la nappe phréatique au niveau du parking au sous-sol ; matériel sanitaire défectueux ; mauvaise qualité des portes, du cloisonnement des bureaux ainsi que du vitrage et du carrelage de sol.

Actusen.sn

 

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