Annoncé par la presse depuis la semaine dernière, c’est ce mardi, 11 novembre, que Barthélémy Dias a fait face au Tribunal des pairs de l’Assemblée nationale ce, dans le cadre de sa levée d’immunité parlementaire.
Poursuivi par la Chambre criminelle du Tribunal de grande instance de Dakar pour coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, association de malfaiteurs, rassemblement illicite et détention d’arme à feu sans autorisation administrative, le maire de Mermoz-Sacré-Cœur n’a cessé de clamer son innocence depuis ce fameux 22 décembre 2011.
Et pour que justice soit faite, il a demandé, en sa qualité de député, la levée de son immunité parlementaire pour faire face au juge. Chose qui est en passe d’être fait. Devant ses pairs de la commission ad hoc de l’assemblée nationale, Barthélémy Dias ne s’est pas débiné.
Tout au contraire, l’ancien Secrétaire général du Mouvement national des Jeunesses socialistes a, à nouveau, chargé la procédure affirmant, du coup, que «personne ne lui fera retourner sa veste ni renier» ses propos. Actusen.com publie in extenso sa déclaration.
Conformément aux dispositions de l’article 52 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale, je suis présent devant vous.
A ce stade, mon souhait est de reprendre, dans leurs grandes lignes, le fil des événements afin de mettre à bon niveau d’information, celles et ceux d’entre vous qui ignoraient mais aussi de rafraîchir la mémoire de ceux qui auraient oublié après tout ce temps.
Militant du Parti Socialiste (PS) et, à l’époque, Secrétaire Général du Mouvement National des Jeunesses Socialistes, j’étais comme mon Parti, en opposition politique face au régime en place dirigé, alors, par le président Abdoulaye Wade, Secrétaire Général National du PDS.
Le 21 Juin 2011, à la tête de mes camarades jeunes, nous avions engagé, au marché Sandaga, au cœur de Dakar, un mouvement de protestation contre le régime. Cette manifestation, réprimée, eut un grand écho, d’autant qu’elle coïncida avec la réunion que la Raddho avait convoqué pour le 22 Juin 2011, au Centre Daniel Brottier de Dakar et qui devait rassembler l’essentiel des leaders politiques et de la société civile. Une fois en salle, les jeunesses socialistes, ainsi que des membres du mouvement « y’en a marre », forceront les personnalités présentes à renoncer à discourir pour sortir affronter les lacrymogènes des forces de l’ordre.
L’écrasante majorité s’exfiltra par une porte dérobée mais nous autres, sortîmes pour faire face aux grenades lacrymogènes. Ceux qui en ce temps là qualifiaient leur formation politique de « fan’s club », ceux là étaient absents de la lutte. C’est ce qui amena le 23 Juin 2011 avec comme conséquence centrale, le retrait du projet de loi anticonstitutionnel visant à permettre la dévolution monarchique du Pouvoir et devant ramener la majorité de victoire électorale lors de la présidentielle à 25% des suffrages exprimés au lieu des 51% démocratiques.
Ce jour là tous les patriotes véritables étaient mobilisés devant l’Assemblée Nationale tandis que les députés du Peuple ferraillaient dans l’hémicycle ; les opportunistes, les situationnistes, eux, étant inscrits aux abonnés absents.
Voilà ce qui ouvrira la voie, en 2012, à un deuxième tour et, par la suite, à la victoire du président Macky Sall. Sans ce combat, dont je suis fier d’avoir été l’un des initiateurs depuis le 21 Juin, le président Sall n’aurait pas pu accéder au Pouvoir car au premier tour, le président Abdoulaye Wade avait rassemblé sur son nom quelques 32% des suffrages valablement exprimés.
Le pouvoir en place m’en voulut, viscéralement, de cette victoire du Peuple, au point qu’il n’eut de cesse de tenter de m’éliminer physiquement ou, à défaut, de le réussir politiquement.
C’est ainsi que le 22 décembre 2011, dans la matinée, quelques centaines de nervis à bord de 6 véhicules pick-up, armés de tous les moyens (barres de fer, armes blanches, armes à feu, bidons d’essence, etc…) sont venus attaquer violement la Mairie de Mermoz Sacré-Cœur sise à la Sicap Baobabs avec des jets de pierres, des propos menaçants et injurieux contre le maire que je suis. Certes, ils étaient auparavant passés devant le domicile de M. Abdoulaye Bathily de la LD et par le siège de la Raddho mais ce n’était que pour faire diversion ; le but de la mission était bel et bien l’attaque de la mairie.
J’appelai la Police- y compris le commissariat central- qui fit la sourde oreille.
Ultérieurement, le Commissaire de Dieuppeul arrivera à bord d’un véhicule avec un seul élément. Quand je me rendis à l’évidence de l’incurie voulue et entretenue de l’Etat, je sortis de la mairie. Dès lors, les assaillants ont amplifié leur attaque à mon endroit. Face à cette violence, j’ai effectué, conformément à la loi des tirs en l’air dits tirs de sommation. Automatiquement, ce furent des tirs directs de pistolets en ma direction et un échange de coups de feu s’en est suivi ainsi que le confirmeront le commissaire de Dieuppeul et le film de la Tfm.
Dans un sursaut de conservation de ma vie, de défense et de protection de l’institution publique qu’est la mairie où se trouvaient un nombre important de femmes dont des usagers, j’ai riposté légalement car j’étais l’agressé.
Finalement, au péril de ma vie, j’ai réussi à mettre en déroute cette bande de nervis c’est-à-dire de mercenaires (comme le disait, en ces temps là, Monsieur Macky Sall, secrétaire général de l’apr), de voyous, d’hommes de mains, de bandits.
Alors que sur place, sur le théâtre des opérations, pour parler comme les militaires, personne n’est tombé, aucune flaque de sang n’a été constatée, voilà que 2 ou 3 heures après, mes assaillants véhiculèrent la nouvelle d’un mort alors que ces individus s’étaient repliés sur la VDN au siège du PDS d’où ils étaient initialement partis.
Le lendemain, 23 Décembre 2011, je répondis à une convocation du commissaire central de Dakar. Face à la pression populaire, je ne fus pas retenu d’où ma présence au meeting de l’Opposition où je reçus un accueil triomphal qui étranglera le pouvoir de jalousie et de rancœur.
Aussi, le 24 Décembre 2011, une autre convocation me fit-t-elle retourner au commissariat central où je fus gardé à vue puis quelques jours plus tard déféré au parquet et enfin mis sous mandat de dépôt. Je dois rappeler que le jour de mon transfert au parquet, la foule hostile était si compacte que je pris sur moi, avec l’accord des policiers, de descendre du véhicule de police pour inviter les manifestants à se disperser et à laisser les policiers faire leur travail.
Par la suite on eut droit à une enquête partiale dénoncée par tout le pays. Elle ne fut dirigée que contre moi. De fait, l’ingérence et les manipulations du ministre de l’intérieur furent telles qu’aucune enquête sérieuse ne fut menée en direction des commanditaires qui ont planifié cette opération criminelle ainsi que leurs complices; on notera la libération immédiate du commanditaire Baye Moussa Ba dit «Bro», garde du corps du Président de la République; placé sous mandat de dépôt et remis en liberté provisoire à peine la porte de Rebeuss franchie; aucune perquisition chez les nervis alors que, plus tard, dans l’assignation servie à certains d’entre eux il est clairement spécifié qu’ils sont accusés d’«…avoir établi une entente dans le but de commettre un ou plusieurs crimes ou délits contre les personnes ou leurs propriétés ; d’avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, participé à un rassemblement illicite suivi d’actions diverses, lesquelles ont occasionné des violences ou voies de fait contre des personnes ; d’avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu détenu une arme sans autorisation administrative ; d’avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu proféré des menaces de mort…». Autrement dit des terroristes ! Sans compter trois nervis fuyards contre qui avaient été lancés des mandats d’arrêt depuis Janvier 2012 mais qui demeureraient introuvables.
Je signale que, contrairement aux allégations, je suis bel et bien autorisé à détenir une arme à feu conformément à l’arrêt de la Cour Suprême qui a anéanti le retrait initialement formulé par le ministre de l’intérieur de l’époque.
Par la suite, après plusieurs mois de détention dite préventive, une liberté provisoire me fut accordée après plusieurs rejets. Puisque ma détention était préventive, c’est à bon droit et légalement que je pouvais me porter candidat aux élections législatives. Tous les documents de candidature avaient été vus par le Juge d’instruction pour ne pas dire qu’ils ont transité par lui. Ce ne fut donc pas une faveur.
Tout comme vous, je fus élu Député en 2012. De cette date à 2014, rien ne se passa.
A la veille de la campagne électorale en vue des élections locales, intervint une ordonnance me renvoyant devant le tribunal correctionnel. L’information fut rendue publique mais ne m’empêcha pas de réussir ma réélection comme maire, bien qu’ayant tout le camp présidentiel contre moi. Malgré certaines dénégations de mauvaise foi vite démontées ces jours ci, chacun de vous se souviendra que je vous ai tous saisi, en Mai 2014, d’un courrier vous invitant à lever mon immunité parlementaire au cas où vous en seriez saisis.
Je demeure dans cette position et je ne varie pas.
J’insiste, cependant, pour que lors du procès soient attraient à la barre tous les commanditaires et leurs complices et que les témoins cités se présentent tous. C’est ce qui est juste et équitable. Que personne ne se défile sous aucun prétexte !
Il a fallu attendre cette année 2016, au moment où, avec la majorité effective de mon Parti, je prône l’indépendance du PS que je souhaite voir aller à la compétition sous sa bannière propre ou à la tête d’une coalition autre lors des élections législatives et présidentielle à venir, pour que, ce qui, tout ce temps là, avait été agité par des partisans du pouvoir actuel comme une épée de Damoclès, soit, brusquement, relancé au mépris du respect de la procédure. Ce qui a mené les gens à placer la charrue devant les bœufs.
Personne ne me fera retourner ma veste ni me renier.
A travers la présente déclaration, vous m’avez entendu. Admettez, mes chers collègues, que la commission ne constitue ni un groupe d’enquête ni un tribunal. En conséquence, je n’ai pas convenance à aller au-delà de ces propos.
J’attends un rapport fidèle notamment en ce qui concerne les commanditaires et j’ai confiance que vous aurez à cœur, à votre tour, d’insister là-dessus.
Je vous remercie de l’attention que vous avez bien voulu me prêter.
Barthélemy DIAS