Dans son rapport de Décembre 2024, publié hier, la Direction de la Prévision et des Études économiques (DPEE), rattachée à la Direction générale de la planification et des politiques économiques, a estimé les pertes occasionnées par les dernières inondations enregistrées dans la zone nord et nord-est du Sénégal. Globalement, souligne le document transmis à Source A, les pertes sont estimées à 38 milliards dans le secteur agricole, 856 millions dans le secteur de l’élevage et 1,2 milliard dans les infrastructures, soit un total de 39 856 000 000 de pertes.
Les inondations dans les zones nord et nord-est du Sénégal intervenues vers la fin de l’hivernage, ont fortement affecté les populations de ces localités. C’est en tout cas le constat fait dans le rapport de la Direction de la Prévision et des Études économiques (DPEE), rendu public hier. En effet, à la forte augmentation du niveau des trois affluents du fleuve Sénégal (Falémé, Bafing et Bakoye), des crues sans précédent ont affecté les régions nord et nord-est du pays.
Dans la même veine, le débordement du fleuve Gambie a également touché les régions qui sont de part et d’autre de ce cours d’eau. Ces crues ont entraîné des déplacements de populations, des pertes de périmètres agricoles et de cheptels, des dommages en termes dégradations d’infrastructures (pistes de production, écoles, structures de santé, réceptifs hôteliers, etc.) et vont créer un risque majeur sur la santé et l’éducation des populations.
Conséquences : “globalement, souligne le document, les pertes sont estimées à 38 milliards dans le secteur agricole, 856 millions dans le secteur de l’élevage et 1,2 milliard dans les infrastructures”
À cet effet, dès les premières alertes de cette catastrophe, les autorités sénégalaises ont dégagé une enveloppe de huit milliards de FCFA et ont mobilisé l’armée nationale afin de venir en aide aux populations sinistrées. Selon le rapport de la DPEE, les estimations provisoires ressortent des manques à gagner sur les produits agricoles de 38,2 milliards de FCFA dont 80% portent sur l’année 2024 et 20% sur l’année 2025. Ils concernent principalement la culture industrielle destinée à l’exportation, qui représente 28,0 milliards, soit 73,4% des pertes totales, dont 27,8 milliards concernent la production de coton. Les pertes dans la production de fruits sont évaluées à 4,3 milliards, soit 11,1% et portent principalement sur la production de banane. Les céréales, pour leur part, ont été touchées à hauteur de 1,4 milliard, soit 3,7% des pertes totales et concernent principalement la production de riz. S’agissant des légumes, les pertes sont estimées à 691 millions de FCFA et concernent essentiellement l’oignon et la patate.
“Ces dommages devraient affecter la croissance économique de 2024 voire 2025, le déficit budgétaire, le solde de la balance commerciale…”
Au niveau du sous-secteur de l’élevage, ces inondations ont entraîné des pertes dans le cheptel dans les zones de Podor et Bakel. Ces pertes représentent près 0,8% des abattages contrôlés attendus en 2024. Et même si les chercheurs estiment que ces pertes n’auront pas d’incidences majeures sur l’activité du sous-secteur de l’élevage ainsi que l’approvisionnement en bétail en 2024 et 2025, elles pourraient, prévient le document, entraîner une baisse des revenus des personnes affectées au regard de l’importance de l’élevage dans la zone. Ces manques à gagner sont estimés à 856 millions F CFA en 2024.
Plusieurs concessions, cases, infrastructures (routes, pistes de productions, réceptifs hôteliers, centre de santé, école, etc.) ont été affectées par ces inondations. “Toutefois, nous ne disposons que des statistiques dans la région de Tambacounda où le coût des dommages au niveau des infrastructures est estimé à 1,2 milliard de FCFA”, précise le rapport.
Mais globalement, les pertes sont estimées à 38 milliards dans le secteur agricole, 856 millions dans le secteur de l’élevage et 1,2 milliard dans les infrastructures. Ces dommages devraient affecter la croissance économique de 2024 voire 2025, le déficit budgétaire, le solde de la balance commerciale, la demande intérieure en produits agricoles et de l’élevage et par ricochet les prix intérieurs, prévient le rapport.
Pire, “les risques de catastrophes naturelles et leur degré d’occurrence sont devenus aussi de plus en plus élevés”
En effet, ajoutent les chercheurs de la DPEE, le phénomène du changement climatique est devenu un défi pour toutes les économies du monde, notamment, pour les pays à faible revenu, rappelant ainsi que la hausse du niveau de la température, du niveau de la mer et la récurrence des inondations ne sont plus simplement que des risques, mais des certitudes.
Les risques de catastrophes naturelles et leur degré d’occurrence sont devenus aussi de plus en plus élevés, renseigne le rapport qui prévient en ces termes : “ces changements climatiques auront des conséquences néfastes, à long terme, sur les économies du monde, le capital humain, la productivité, la balance des paiements, les investissements ainsi que la stabilité financière.”
Énième alerte : le pays fait face au phénomène de la déforestation très avancée et près de 34,0% des terres cultivables sont menacées par la dégradation liée, notamment, à la salinisation, à l’érosion côtière et au lessivage des sols
En effet, ajoute le document, la hausse des températures, causée sans nul doute par la prolifération des gaz à effet de serre du fait de l’œuvre humaine, a des impacts négatifs sur l’activité économique (agriculture, pêche, élevage, tourisme, etc.) Et même si la position du Sénégal procure beaucoup d’avantages géostratégiques, elle expose cependant le pays à des risques majeurs. Le pays dispose de 700 kilomètres de côtes et fait face à des défis liés à la hausse du niveau de la mer et à l’avancée de la langue salée.
Le niveau de la mer a augmenté de 0,2 mètre entre 1901 et 2018, et cette progression a tendance à s’accélérer, a rappelé le document. L’érosion côtière a touché près de 65% des côtes sénégalaises et s’est traduite par des déplacements de populations (Worlbank, 2022). Plusieurs sites balnéaires ont été également affectés et le secteur touristique a connu des contraintes majeures liées, notamment, à la détérioration des sites (MTTA, 2022).
“Ces pertes sont estimées à plus de 6,0% du PIB pour les premières et de 2,0% du Pib pour la seconde”
Le Sénégal est un pays sahélien avec 8,1 millions d’hectares de forêt (FAO, évaluation des ressources forestières mondiale 2020). Toutefois, indique le rapport, le pays fait face au phénomène de la déforestation très avancée et près de 34,0% des terres cultivables sont menacées par le phénomène de dégradation liée, notamment, à la salinisation, à l’érosion côtière et au lessivage des sols.
D’ailleurs, des simulations ont été faites sur l’impact des catastrophes naturelles sur l’économie sénégalaise. Utilisant le model Dette investissement et croissance développé par les auteurs (Buffie, 2012) (DIG), et adapté par les auteurs (Marto, et al,2017) aux petites économies en proie à des catastrophes naturelles (DIGNAD), les résultats de la DPEE ont montré la nécessité de mettre en œuvre une politique d’infrastructures adaptées aux changements climatiques qui présente des avantages comparativement à la politique actuelle des autorités sénégalaises qui met l’accent sur des infrastructures standards.
Même si les coûts des investissements sur les infrastructures adaptées aux changements climatiques sont très coûteux, les résultats ont montré qu’à l’issue d’une catastrophe naturelle, les pertes de croissance sont beaucoup plus importantes dans le cas des infrastructures standards que des infrastructures adaptées aux changements climatiques.
Ces pertes sont estimées à plus de 6,0% du PIB pour les premières et de 2,0% du Pib pour la seconde. Ensuite, poursuit le document, les délais de retour à l’état stationnaire de l’économie sont plus courts dans le cas d’infrastructures adaptées aux changements climatique (2 années) que les infrastructures standards (5 années). Enfin, ces pertes pourraient davantage s’amenuiser dans le cas où les autorités mettraient en œuvre des réformes pour améliorer la productivité des investissements, ont estimé les chercheurs.
Actusen.sn