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Diamniadio : Abdou K. Pouye tue son demi-frère qui le taxe de bâtard

La représentante du ministère public a requis, hier, une peine de 20 ans de réclusion criminelle contre le sieur Abdou Karim Pouye. Poursuivi pour assassinat avec préméditation, il a été jugé, hier, à la chambre criminelle de Dakar.  Abdou K. Pouye avait porté dans la nuit du 15 mai 2018 un coup de couteau mortel sur la personne de son frère consanguin, Cheikh Adramé Pouye. Il sera fixé sur son sort le 13 décembre prochain.

La vie n’est pas un long fleuve tranquille. Le schéma familial dans lequel ont grandi sera constamment modifié par des vagues de bonheur et parfois de difficultés auxquelles il faudra apprendre à faire face.  La famille Pouye vivait dans une parfaite harmonie. L’ainé Abdou Karim Pouye dont la mère avait été très tôt arraché de sa tendresse a été respecté et suivi par ses cadets. En guise de reconnaissance, il donna le nom de sa fille à la mère de ces derniers. Mais cette vie de famille épanouie connaîtra son épilogue le jour où le père de famille rejoindra le ciel. Un secret qui jusque-là n’a jamais été connu se dévoile, créant ainsi la dislocation de cette famille.

Abdou Karim a appris qu’il était né hors des liens du mariage le jour du partage des biens de son défunt père. Cette nouvelle qui le ronge du plus profond de son âme créa un homme de rancœur. Cette haine a valu la vie à son frère cadet consanguin Cheikh Adramé Pouye.

Tout a pour point de départ une altercation qui opposait Abdou Karim Touré à sa belle-sœur Rokhaya Ciss. Cette dernière qui criait parce que son beau-frère lui donnait des coups de poing a alerté toute la maison et le voisinage qui subitement sont venus à son secours. Ayant mal accueilli la façon dont son demi-frère Cheikh Adramé le séparait de son adversaire, A. Karim s’en est pris à celui-ci. Pis, il se dirige vers sa chambre pour y ressortir avec un couteau qu’il implanta au thorax de son frère. Ce dernier est passé de vie à trépas au cours de son évacuation à l’hôpital. C’était le 15 mai 2018 aux environs de 21 heures.

Les éléments de la brigade de Diamniadio ont reçu un coup de fil les informant du drame. Le transport des lieux subitement effectué a permis l’interpellation de Abdou Karim et la saisie de l’arme du crime après les constats d’usage.

Le prévenu, depuis l’enquête préliminaire, plaide la légitime défense

Entendu par les enquêteurs, Abdou Karim a reconnu avoir poignardé son frère, disant que ses rapports avec sa famille s’étaient détériorés depuis le décès de son père. À l’en croire, s’il a agi ainsi, c’est parce que cheikh Adrame était armé d’une machette et menaçait de la lui asséner. C’est sur ces entrefaites qu’il a saisi le couteau pour se défendre, soutenant qu’il n’avait aucunement l’intention d’attenter à sa vie. S’agissant du différend qui l’opposait à Rokhaya Ciss, Abdou Karim soutient que cette dernière, depuis qu’elle a eu connaissance qu’il était né hors des liens du mariage, ne cessait de l’injuriant en l’appelant « Domou Haram » (Bâtard).

Rokhaya Ciss, belle-sœur de l’accusé et du défunt : « c’est moi qu’il frappait. Cheikh est intervenu et nous a séparés. Estimant que Cheikh a pris ma partie, Abdou Karim lui a dit que c’est la dernière fois qu’il va faire une telle chose »

Ainsi pour des faits d’assassinat avec préméditation, Abdou Karim Pouye faisait face au juge de la chambre criminelle du tribunal de Dakar. Avant de lui donner la parole pour expliquer son acte, le juge a d’abord interrogé sa belle-sœur Rokhaya Ciss sur les raisons de leur bagarre qui a entraîné la mort de la victime. D’emblée, la dame en état de grossesse avancé explique qu’elle entretenait dés rapport conflictuels avec l’accusé.  Ainsi, le jour des faits, elle avait constaté que les membres de la famille utilisaient directement l’eau du robinet pour faire leurs ablutions. Pour éviter ce gaspillage d’eau, elle a décidé d’aménager un endroit destiné à faire les ablutions.

Malheureusement cet aménagement n’a pas duré car Abdou Karim a tout détruit. Par la suite, raconte la belle-sœur de l’accusé, celui-ci s’est mis à proférer des injures et des menaces de mort à son encontre. « Il a tout détruit et enlevé les pierres. C’est par la suite qu’on s’est rencontré dans la cour de la maison et il m’a menacé disant qu’il va me tuer. Aussitôt il s’est agrippé à moi et a commencé à me frapper. Cheikh est intervenu et nous a séparés. Estimant que Cheikh a pris ma partie, Abdou Karim lui a dit que c’est la dernière fois qu’il va faire une telle chose », narre-t-elle.

À la question du juge de savoir si Cheikh avait tenté de la défendre en frappant l’accusé ou menacé celui-ci, Rokhaya rétorque : « Je ne peux vous dire exactement comment Cheikh a réagi mais ce dont j’en suis sûre est que ce dernier ne l’a pas frappé. On est tous entrés dans l’appartement les laissant dans la cour. On a juste entendu les cris alertant que Abdou Karim avait poignardé Cheikh ». S’agissant de l’insulte que lui reproche son beau-frère, Rokhaya déclare n’avoir jamais eu l’audace de tenir ces injures à l’encontre de Karim. « Je n’ai jamais osé dire à Abdou Karim qu’il était né hors mariage. Il est de nature très belliqueux et rancunier ».

Les aveux pitoyables de l’accusé à la barre sur sa situation de fils illégitime

 Né en 1979, Abdou Karim Pouye a réfuté le caractère violent qu’a voulu lui imputer sa famille. En ce sens, il vide son cœur en racontant le calvaire qu’il vivait au quotidien. « Les problèmes de la famille sont nés après le décès de mon père. C’est en ce moment que j’ai appris que je suis né hors des liens du mariage. Tout le monde me disait que je suis un « domou Haram ».  Je ne peux même pas revenir sur le mot parce que ça fait mal au plus profond du cœur. Même les enfants du quartier prononçaient ce mot, me faisant allusion, quand je passais devant eux. Je ne valais rien aux yeux des personnes », confie l’accusé, le cœur gros.

Revenant sur les faits qui lui valent sa comparution, il raconte : « c’est avec Rokhaya que je me suis bagarré. Elle avait mis des pierres sur le Canaris d’eau alors qu’on buvait de cette eau. J’ai dit à un enfant d’aller lui dire d’enlever les pierres. Elle lui a chargé de me dire que j’étais un bâtard. Cela m’a mis hors de moi et Je l’ai frappée.  Elle a crié partout disant que j’ai tué son fœtus car elle était enceinte. C’est ainsi que Cheikh est venu m’étrangler avant de me frapper. Naturellement, j’ai riposté. On nous a séparé. Il est allé chercher une machette et moi aussi je suis entré dans la chambre pour en ressortir avec un couteau ».

Selon les témoins entendus à la barre, le défunt n’a pas été détenteur d’une arme. Au contraire, soutiennent-ils, c’est l’accusé qui a sorti un couteau dans sa chambre et la trouve au seuil de la sienne pour la lui asséner.

La famille du défunt réclame 200.000.000 de francs CFA, le parquet requiert 20 ans de réclusion criminelle

Pour le conseil de la partie civile, Me Babacar Ndiaye, les faits portés à l’encontre de l’accusé ne souffrent d’aucune contestation. « La victime a été poignardée au seuil de sa chambre. S’il invoque la légitime défense c’est juste parce qu’il veut justifier son acte ignoble. Tous les témoins ont déclaré n’avoir pas vu le défunt détenir une machette”, plaide la robe noire qui demande une  réparation de 200.000.000 de francs pour le compte de ses clients à savoir les membres de la famille du défunt.

Quant à la représentante du ministère public, elle a requis une peine de 20 ans de réclusion criminelle contre A. Karim Pouye. « Il était en colère contre tout le monde pour avoir appris qu’il était né hors des liens du mariage. On peut le comprendre certes mais ce n’est pas un justificatif du fait qu’il n’est pas responsable de ce qui lui arrive. Il est décrit comme une personne particulièrement belliqueuse. Il a donné volontairement la mort à son frère. C’est lui-même qui est allé au niveau de la véranda où vivait son frère pour le poignarder », estime la parquetière. À la suite du conseil de La Défense qui a sollicité une application bienveillante de la loi pénale, le juge a mis l’affaire en délibéré pour décision être rendue le 13 décembre prochain.

 Adja K. Thiam (Actusen.sn)

 

 

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