Le représentant du ministère public a requis, hier, l’acquittement au bénéfice du doute en faveur de l’accusé Abdou Aziz Ndoye. Il comparaissait devant la barre de la chambre criminelle du tribunal de Dakar pour des faits de meurtre sur la personne de son ami Souleymane Bâ.
Écroué il y a 3 ans, le ”coxeur“ Abdou Aziz Ndoye a des chances de recouvrer bientôt la liberté. Accusé d’avoir abrégé les jours de son ami Souleymane Ba, il comparaissait, hier, devant la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar. Heureusement pour lui, le parquet, lors de ses réquisitions, a requis son acquittement au bénéfice du doute. Faisant ainsi du père du défunt, Amadou Bâ, le grand perdant dans cette histoire. Car, si le juge, en rendant son verdict, suit le ministère public, il ne va pas non seulement connaître le meurtrier de son fils, mais il n’aura pas gain de cause pour les 50.000.000 de francs qu’il a réclamés pour la réparation de son préjudice.
En effet, sur ces faits qui ont fait l’objet d’un jugement hier, devant la chambre criminelle de Dakar, il résulte de l’accusation que courant janvier 2019 à hauteur de la station Oil Libya de Diamniadio vers les coups de 22h, le « coxeur », Souleymane Ba, a été lâchement abattu à coups de couteau. Son corps inerte abandonné sur l’aire de stationnement de la station gisait dans une mare de sang.
Naturellement, les éléments de la brigade de Diamniadio ont été alertés. Sur les lieux, les pandores ont constaté une personne couchée sur le flanc, présentant des blessures sur le ventre et l’omoplate. Cette victime, après son évacuation à l’hôpital de Diamniadio, est malheureusement passée de vie à trépas. Le certificat de genre de mort établi par l’homme de l’art a conclu que l’examen du cadavre faisait état d’une mort dûe à une plaie pénétrante dans la face interne de l’omoplate (…) provoquée par un objet dur et contondant ayant occasionné une hémorragie externe de grande abondance.
Le médecin révélait en outre que le défunt avait reçu au total 3 coups de couteau sur l’omoplate et sur le ventre. Aussitôt, une enquête a été ouverte et les recoupements rondement menés ont désigné Abdou Aziz Ndoye comme étant l’auteur du meurtre de son ami, Souleymane Ba. Voulant interpeller le suspect, les agents ont appris, qu’après la commission des faits, il avait pris la fuite.
Finalement alpagué, le mis en cause, Abdou Aziz Ndoye, a contesté les faits de meurtre qu’on voulait lui imputer. Toutefois, il a expliqué dans les moindres détails le déroulement des faits dont il disait être témoin. D’après sa narration, le drame est survenu le 31 janvier 2019 vers 20h. À l’origine, il expliquait aux policiers qu’il s’agissait d’une commission qui était la pomme de discorde entre le défunt et un autre individu.
«Quand il s’est agi de se partager le mandat, Souleymane qui avait reçu 300 francs Cfa s’est offusqué car il estimait cette somme modique. C’est sur ces entrefaites qu’il s’est battu avec l’apprenti. Et ce dernier a saisi un couteau sur le tableau de bord avant de le lui planter. L’apprenti qui avait minimisé sa blessure l’avait invité à s’asseoir. Ce, avant qu’il ne tombe dans les pommes. Comme j’étais déboussolé, je l’ai abandonné seul sur les lieux», avait-il confié aux enquêteurs. Hélas, ces déclarations servies par Abdou Aziz Ndoye, il y a de cela 3 ans, ont été complètement changées, hier, devant la chambre criminelle.
L’accusé qui a un lourd passé pénal pour avoir été condamné par le passé à des peines de prison a varié dans sa déposition. Après avoir persisté à contester les faits de meurtre, Abdou Aziz Ndoye a, cette fois-ci, déclaré être absent sur les lieux du drame. «Au moment du meurtre, je n’étais pas présent. Je ne me rappelle plus de l’heure exacte. Mais je me souviens vaguement que c’était aux environs de 20h. Toutefois j’ai eu écho qu’ils se bagarraient à l’arrêt de Thiès avec un apprenti. Le lendemain des faits, alors que je m’apprêtais à me rendre à Diamniadio, j’ai été arrêté. Je ne me suis jamais bagarré avec la victime. Les gens ne font que des supputations», nie-t-il.
Contrairement aux déclarations des enquêteurs selon lesquelles il avait pris la fuite après les faits, l’accusé conteste : «Quand le gendarme est arrivé, il m’a intimidé l’ordre de le suivre. Je n’ai pas jugé nécessaire de prendre la fuite parce que je n’avais rien fait de mal. À la gendarmerie, on m’a demandé pourquoi je ne suis pas intervenu pour séparer mon ami et l’apprenti qui se bagarraient. Je leur ai dit que je n’étais pas présent au moment des faits.» Pourtant, tous les témoins entendus dans le cadre de cette affaire ont unanimement soutenu qu’il était bel et bien présent au moment de la bagarre.
Malgré la douleur, le père du défunt, Amadou Ba, qui s’est constitué partie civile, n’a pas manqué de montrer la face sombre de son fils. «Après que j’ai appris qu’il était désigné comme l’auteur du meurtre de mon fils, je leur ai dit qu’ils étaient des amis. Ils étaient tout le temps ensemble puisque parfois Aziz passait la nuit chez moi. Toutefois, il y avait un antécédent entre les deux. Ils ont une fois été jugés tous les deux pour vol de portables. Parfois il y avait des embrouilles entre eux. Mon fils et lui semaient la pagaille là-bas. Ils volaient des portables dans les transports en commun. Ce n’est pas parce qu’il est mon fils que je ne vais pas dire la vérité sur lui», a-t-il révélé. Néanmoins, le vieux a réclamé la somme de 50.000.000 de francs en guise de dédommagement.
Prenant la parole pour ses réquisitoires, le procureur a fait noter que le problème qui se pose dans cette affaire, c’est l’imputabilité des faits. D’après le parquet, c’était juste des rumeurs colportées ça-et-là qui ont installé Abdou Aziz Ndoye dans cette cause. «L’auteur des faits peut être lui et si tel était le cas, ses clients n’allaient pas rester sans rien faire pour des faits aussi graves. M. Le président, je ne peux pas dire avec exactitude qui a ôté la vie au défunt», a-t-il fulminé tout en sollicitant qu’il soit acquitté au bénéfice du doute. Évoquant le même doute, les avocats de la défense en l’occurrence, Mes Khady Seye et Seyba Danfakha ont aussi plaidé pour son acquittement. Délibéré le 18 mai prochain.
Adja K. THIAM (Actusen.sn)