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Dormir à longueur de journée pour tromper la faim,  habillement sexy, rendez-vous galants après la coupure du jeûne : quand les jeunes n’en font qu’à leur tête durant le ramadan  

Même si l’observation des règles du jeûne reste personnelle, le libertinage sur la pratique chez les jeunes est manifeste.  Ne tenant pas rigueur des obligations du ramadan ancrées dans les textes, cette génération cherche tous les moyens de déviation. Pas de prise de tête, pas de changement d’attitude, juste faire la diète et suivre la mouvance.

 Des jeunes musulmans, précisément les adolescents, adoptent des libertés face à cette pratique obligatoire pour tout croyant en mesure de le faire, d‘après les écrits. Quatrième pilier de la pratique cultuelle islamique, le jeûne induit une dimension de maîtrise de soi, de solidarité fraternelle, de partage et d’entraide.  Au-delà de sa spécificité d’interdire aux adultes et aux enfants ayant atteint l’âge de puberté de boire, de manger et/ou s’accoupler de l’aube au coucher du soleil, il est synonyme d’un bienfait diététique voire même thérapeutique.

Dans la plupart des familles musulmanes, pendant le mois de Ramadan, l’enfant est initié dès le bas âge à travers une éducation qui embrasse les cultes initiaux. Au fil du temps, cette tradition semble interrompue. Personne ne saurait dire la raison. En tous cas, le constat est là; plus les années passent, plus le libertinage de pratiques religieuses prend place. De jeunes ‘’audacieux’’ défient les instructions des textes. Certains pensent que ceci reste de l’ignorance. Dans sa dimension, à la fois personnelle, transversale impliquant une élévation spirituelle, nul ne peut garantir le jeûne de son prochain. Peut-être une raison de plus, pour les jeunes sénégalais qui le pratiquent comme il leur convient pour des raisons qu’eux seuls peuvent révéler. Ainsi, rien de mieux que de donner la parole à la nouvelle génération audacieuse.

 Amina : «Cependant, mon copain et moi faisons ensemble notre séance de sport. Qu’à chaque rupture après avoir bien mangé, on se  retrouve sur la corniche ou à la salle»

Retrouvés dans un restaurant sur la corniche, trois trois jeunes accomplissent une dernière sortie avant le ramadan. Pizzas, salade et jus de fruits sur la table à gogo et du chicha sont au menu. Une ambiance particulière anime la salle d’une musique afro-américaine qui résonne à tout bord. Ils chantent, se prennent en vidéo selfie sur snap, jouant avec la pipe  qui diffuse l’odeur de l’essence d’un cocktail de fruits. Des rires éclatants au niveau de la table à quatre qui laisse une vue sur le parking. Papis, Moiz, Kiné et Amina, à première vue, semblent se régaler de cette sortie.

Pour eux, faire le ramadan reste chose facile car ils le pratiquent « sans prise de tête ». Même si ce mois béni est une occasion en or pour se purifier et se départir des mauvaises habitudes, ces quatre  ne risquent pas de tenir rigueur de tous ces interdits, disent-ils. Juste la diète, prières parfois, ils s’assument car selon eux, observer scrupuleusement les règles du culte, du jeûne,  pour à la fin reprendre les comportements immoraux, reste de l’hypocrisie qui est tant condamnée par la religion.

Amina : «Les gens n’ont pas besoin de voir sur ton visage que tu as faim ou que tu es fatigué, non. Je reste gaie, souriante, bien habillée. Mettre du maquillage si j’en ai envie».

Amina n’a pas dit le contraire, dans sa robe fleurie bleue, elle a de longs braids couleur caramel. Faux cils, faux ongles, les jambes croisées, le verre à moitié rempli, elle dit : «Depuis mes 17 ans, je fais le ramadan. Cela ne veut pas autant dire que je vais arrêter de mettre mes pantalons et de m’habiller comme avant. Je suis musulmane et pratiquante. Je m’abstiens au mieux de faire le haram. Cependant, mon copain et moi faisons ensemble notre séance de sport. A chaque rupture après avoir bien mangé, on se  retrouve sur la corniche ou à la salle. Rien de grave, on parle juste, rigoler ensemble et c’est tout. Pas plus ni moins. De toutes les façons, on se parle pratiquement toute la journée. Il n’y a pas de pression. Du moment où on ne fait pas de mal et aussi dès le coucher du soleil, le jeûne compte plus.»

Poursuivant, la jeune femme campe sur sa décision et s’explique dans la foulée: « Les gens n’ont pas besoin de voir sur ton visage que tu as faim ou que tu es fatigué, non. Je reste gaie, souriante, bien habillée. Mettre du maquillage, si j’en ai envie. Je ne vais pas me voiler non plus si je le fais pour l’enlever juste un mois après, car ce n’est pas intéressant voir même hypocrite.  Ce qui est le plus condamné par notre religion. Parce que la personne qui ne s’est pas encore repentie est mieux vu que celle qui s’est repentie et qui renoue  quelque temps après avec ses mauvaises habitudes. En tout cas, je compte jeûner et m’abstenir de tous les interdits.»

Papis : «Je reste éveillé toute la nuit à surfer sur les réseaux, parler avec des amis ou regarder une série jusqu’à 5 heures du matin. Je me prépare à manger, prier et aller rejoindre mon lit pour un long sommeil de plus de 8 heures»

Son ami à côté, Papis, avec le sourire, avance sur le sujet en révélant son stratagème  qu’il juge beaucoup moins compliqué pour quelqu’un qui compte s’abstenir tout le mois. «Vu que je suis en vacances, la majeure partie de la journée, je le passe au lit. Je sens rarement la faim m’abattre. C’est trop difficile de trouver le sommeil de la nuit pendant le mois de ramadan, donc je n’ai pas le choix. Je reste éveillé toute la nuit à surfer sur les réseaux, parler avec des amis ou regarder une série jusqu’à 5 heures du matin. Je me prépare à manger, prier et aller rejoindre mon lit pour un long sommeil de plus de 8 heures. Parfois, il peut arriver que je me réveille à 14 heures voire même 15 heures. Si je suis trop fatigué et que j’ai du mal à tomber dans les bras de morphée, il peut m’arriver de me lever vers 18 heures. Rattraper mes prières et attendre la rupture», indique-t-il avant d’ajouter : «Je trouve mon système plutôt rentable parce qu’au moment où je dors, je suis exclu à faire ou dire des choses qu’il ne faut pas. Je préfère largement cela que de jeûner pour rien.  Si je reprends mes cours, j’essayerai au mieux de m’y abstenir.»

Rama Sané : «C’est trop difficile de jeûner quand on est tenu d’aller à l’école tous les jours. Avec la faim, je n’arrive même pas à me concentrer».

Même si le temps est frais, les élèves se réfugient à l’ombre, sous les arbres. Chez un des groupes en cercle, le scrabble au milieu,  des adolescents sont tous concentrés sur le jeu. Après une partie et le décompte du nombre de points et la révélation du gagnant, on les a interpellés sur l’objet de notre entretien. Toujours, même discours, pas de grands changements de comportement, juste faire la diète, les prières parfois oui, parfois non. Et la liberté vis-à-vis de la pratique cultuelle est la même. Si Papis et Amina dessinent au préalable le déroulement de leur ramadan, ici au Cem educazur, Rama Sané ne compte même pas se prêter au jeu.  La lycéenne assume et n’a rien à se reprocher. Dans son uniforme rouge et rose, elle indique son incapacité à jeûner car ne pouvant pas supporter d’avoir faim tout en faisant cours. « C’est trop difficile de jeûner quand on est tenu d’aller à l’école tous les jours. Avec la faim, je n’arrive même pas à me concentrer. Je suis en classe d’examen  et c’est trop compliqué. Même si je ne pratique pas le ramadan, je ne mange presque pas de la journée ; mais je ne peux non plus  ne rien manger. Cependant, je ne vois pas mon petit-ami, bien évidemment qu’il me manque! Mais je m’abstiens dans la mesure du possible », lâche la lycéenne en tresse américaine.

Aïssatou TALL, (Actusen.sn)

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