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Eaux verdâtres et stagnantes à-tout-va, terre boueuse, sur fond de craintes légitimes de nouvelles inondations aux Parcelles Assainies de Keur Massar : vers un autre drame collectif

Au sortir de sa tournée politico-économique folklorique, le président de la République ferait mieux d’effectuer un saut à Keur Massar. Où lorsque les populations plongent dans leur passé, l’hivernage 2020, comme un iceberg dérivant seul au milieu d’un Océan glacé, émerge de leur mémoire. En effet, des eaux stagnantes à-tout-va, une terre boueuse, des eaux devenues verdâtres depuis le dernier hivernage catastrophique continuent de hanter les populations des Parcelles assainies de Keur Massar.

Dans la crainte  de revivre le même drame collectif, les habitants, seul maître à bord de leur vide intérieur, flottent sur les eaux troubles de leur existence. Comme un navire en déperdition. D’autant que les canalisations construites pour évacuer les eaux pluviales divisent les habitants. Les résidents de la Cité Camille Basse refusent  tout passage des tuyaux d’évacuation des autres quartiers dans leur secteur. Reportage !!!

Les populations des Parcelles assainies de Keur Massar vivent sous la hantise de nouvelles inondations. Les canalisations mises en place, qui devaient régler leurs problèmes augmentent leurs craintes et leur donnent un goût d’inachevé. Elhadji Daouda Mbaye, délégué de quartier, explique que « toutes les eaux du plan Jaxaay, de Diamniadio, d’une partie de Rufisque et autres se déversent sur les Unités 2, 3, 4, 9, 27, Keur Madiabel, Diokoul, Aldji Pathé etc. Donc, il y a plus de 20 quartiers peuplés de 30 mille habitants, 4200 ménages! » Elhadj Daouda Mbaye peine toujours à se remettre du désastre causé par les fortes pluies.

El hadji Daouda Mbaye, délégué de quartier : « toutes les eaux du plan Jaxaay, de Diamniadio, d’une partie de Rufisque et autres se déversent sur les Unités 2, 3, 4, 9, 27, sur Keur Madiabel, Diokoul, Aldji Pathé etc. Donc, il y a plus de 20 quartiers peuplés de 30 mille habitants, 4200 ménages! »

‘’Ce qu’on a vécu pendant l’hivernage passé nous a laissé un sentiment de détresse. Il faut savoir que l’Unité 3 des Parcelles assainies de Keur Massar, ainsi que plus d’une vingtaine de quartiers sont situés sur un bas-fond pas assez confortable parce qu’il faut comprendre que toutes les eaux du plan Jaxaay  se  déversent sur nos Cités. C’est pour cela que l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, avait créé l’Agence nationale de lutte contre les inondations et les bidonvilles’’, narre Elhadj Daouda Mbaye.

C’est avec ce décret qu’est né le plan Jaxaay avec une enveloppe de 52 milliards F Cfa’’, explique le délégué de quartier. C’était, dit-il, pour recaser les populations, les mettre dans des conditions d’habitations décentes. Donc, Jaxaay est sur des sites élevés et nous, nous sommes en dépression, c’est-à-dire que Jaxaay surplombe à 17 mètres de hauteur mais nous, nous tournons autour de 6 mètres. Du coup, toutes les eaux du plan Jaxaay, de Diamniadio, une partie de Rufisque et autres se déversent sur les unités 3, 2, 4, 9, 27, Keur Madiabel, Diokoul, Aladji Pathé etc.’’ Donc, il y a plus de 20 quartiers peuplés de 30 mille habitants, 4200 ménages, plus d’une vingtaine de mosquées et d’écoles publiques. Ainsi, les eaux étaient étalées sur une ère estimée à 65 hectares et des niveaux variant de 0,8 mètre à 1 mètre cinquante ! »

Comment les malfaiteurs ont profité des inondations pour voler les biens des sinistrés

Les eaux avaient dépassé le niveau des lits. Et l’évacuation n’était pas évidente, parce les populations étaient obligées d’y laisser tous leurs effets. Comme plus de la moitié ont déserté les sites inondés, le quartier est devenu une maison fantôme ainsi que tous les quartiers concernés. Les malfaiteurs passaient prendre les biens des habitants. Ils ont profité de l’occasion pour faire des dégâts.

Face à cette situation, le délégué de quartier ne cache pas son amertume : «on a été appauvris par ce phénomène. On a perdu nos véhicules, nos effets, nos appareils électroménagers, les denrées alimentaires et j’en passe. Le fait juste de penser à revivre ce que nous avons vécu nous met vraiment dans une situation de terreur.» Il ajoute : «nos craintes sont constantes. A l’occasion de son discours, le président Macky Sall avait fait quelques promesses. Je suis satisfait de l’évolution chronologique de son discours. Compte tenu de toutes nos requêtes, durant son discours effectivement, il avait donné des instructions pour qu’on favorise le pompage, évacue dare-dare toutes les eaux et pulvérise tous les quartiers. Cela a été fait parce que trois semaines après sa visite, on a pu regagner nos maisons.»

Les résidents de Camille Basse refusent catégoriquement que les tuyaux d’évacuation des eaux traversent leur quartier

El hadj Daouda Mbaye demande à l’Agence de développement municipal (Adm) de penser à l’installation des tuyaux qui traversent l’Unité 3 pour ne pas contraindre la libre circulation. Parce que les tuyaux sont éparpillés de part et d’autre avec des fuites, le quartier divisé par deux, aucun accès vers l’Ouest à cause des tuyaux et à l’Est, la route  est complètement inondée. C’est, du moins, ce qu’a déclaré El hadj Daouda Mbaye.

«Et pourtant, il y avait un marché attribué qu’on devait réfectionner depuis le 18 Octobre 2016 pour un montant de 54 millions. Mais rien n’a été fait. Donc moi, je trouve que c’est injuste qu’on ferme l’œil sur l’impraticabilité», déplore le délégué de quartier de «Camile Basse» qui n’a rien à voir avec les eaux qui stagnent. Un malentendu qui va au-delà de leur pensée car ceux qui demeurent à Camille Basse refusent catégoriquement que les tuyaux traversent leur quartier.

‘’Tant que l’Unité 3 n’est pas entretenue et raccordée à la nouvelle réalisation qui se situe au niveau de Camille Basse, moi je trouve que le problème restera entier’’

«Les travaux ont bien commencé mais le problème est que les 20 quartiers dont on avait enregistré 65 hectares ont un point de passage unique qui est l’Unité 3, les conduites de Camille Basse  et le versant de Mbao. Donc, Camille Basse est une passerelle pour les eaux. Il n’avait pas vécu les difficultés des quartiers dont on vous parle ; là-bas, les zodiaques étaient non navigables parce que le niveau de l’eau n’était pas élevé mais dans les autres cités, impossible de se déplacer à pied ni en voiture’’, indique notre interlocuteur.

Maintenant, fait noter Elhadj Daouda Mbaye, ‘’si on voit que les canalisations ne concernent que le tronçon Camille Basse vers le versant,  comment fera-t-on pour extraire les eaux et les diriger vers la canalisation, même si on doit mettre des systèmes de pompage. Ne nous dites pas qu’ils vont encore barrer la route des deux voies Keur Massar, Jaxaay, pour faire passer des tuyaux, ce serait catastrophique. Bref, tant que l’Unité 3 n’est pas entretenue et raccordée à la nouvelle réalisation qui se situe au niveau de Camille Basse, moi je trouve que le problème restera entier » souligne-t-il.

Madeleine Diagne, une mère de famille : ‘’j’attends juste la fête de Tabaski pour quitter les lieux. Ils nous ont donné des titres fonciers en précisant bien Parcelles assainies, mais ce serait mieux de dire Parcelles non assainies »

Madeleine Diagne a, elle aussi, vécu le calvaire de l’année dernière. Cette mère de famille habite à Keur Massar, depuis plus de 10 ans. Pieds nus, la dame est vêtue d’un grand boubou très léger et est restée sur les abords de sa demeure faisant des inspections, de part et d’autre. Le visage accueillant, malgré les dures épreuves traversées, elle relate la non-assistance des autorités face à leur situation. La sinistrée profite de l’occasion pour mettre en relief ses craintes par rapport à l’hivernage qui vient à grand pas.

‘’Je suis dans ce quartier depuis 2010. L’eau a pris tous nos biens, je n’ai plus de lit, ni de télévision, aucun matériel de valeur n’est dans cette maison. Je vis constamment dans la peur, ce ciel est nuageux et les pluies c’est pour bientôt, on ne voit ni canalisation, ni rien de prometteur. Ils ont amené ces machines hier, il parait qu’ils vont creuser pour pomper l’eau.’’

«Ce que j’ai vécu durant l’hivernage, je ne le souhaite même pas à mon pire ennemi. Personnellement, j’ai l’habitude de quitter ma maison à chaque période hivernale. Je suis dans ce quartier depuis 2010. L’eau a pris tous nos biens, je n’ai plus de lit, ni de télévision, aucun matériel de valeur n’est dans cette maison. Comme vous l’avez vu, je me suis débrouillé pour carreler les façades parce que le sel avait réduit à néant les murs. Cela a failli s’effondrer sur nous.  On est à bout de souffle’’, relate Madeleine Diagne.

Visiblement dépassée par la tournure des évènements, la sinistrée accroche ses derniers espoirs sur Macky Sall. ‘’Seul le président peut nous venir en aide. Cette situation nous appauvrit de plus en plus parce que, chaque année, après l’hivernage, on refait nos maisons pour pouvoir y revenir. On ne peut pas abandonner notre demeure, ce serait une vraie perte. Donc chaque année, je rénove et rends grâce à Dieu. Je vis constamment dans la peur, ce ciel est nuageux et les pluies c’est pour bientôt, on ne voit ni canalisation, ni rien de prometteur. Ils ont amené ces machines hier, il parait qu’ils vont creuser pour pomper l’eau’’, informe Madeleine, l’anxieuse.

Elle fulmine : ‘’les tuyaux pour évacuer l’eau doivent traverser la route, mais ces populations disent niet ; donc l’eau  risque de ravager à nouveau nos demeures. Moi, j’ai déjà fait mes bagages, j’attends juste la fête de Tabaski pour quitter les lieux. Ils nous ont donné des titres fonciers en précisant bien Parcelles assainies, mais ce serait mieux de dire Parcelles non assainies», souligne-t-elle.

Lamine Sène : ‘’Les eaux sont là depuis 2012. Elles ont tellement duré dans cette zone qu’on y trouve maintenant des poissons de tout genre.

Du haut de ses 1m88, Lamine Sène reste figé devant les eaux stagnantes. Avec un short et un t-shirt bleu, ce jeune du quartier s’occupe des machines à pompe et de l’électricité sans contrepartie. Il compte réfectionner les machines et les remettre en place pour se préparer davantage à faire face aux prochaines pluies. ‘’On n’a pas eu l’aide du maire, toutes les machines que vous voyez ici, c’est notre argent. Les eaux sont là depuis 2012. Elles ont tellement duré dans cette zone qu’on y trouve maintenant des poissons de tout genre’’, s’emporte Lamine Sène.

Qui souligne : ‘’notre seul désir est une canalisation dans les locaux concernés. J’ai pris ma journée pour remplacer les machines, on n’attend pas l’Etat. Tout le quartier s’est mobilisé et a collecté le peu de sous qui nous restait pour acheter du gasoil et quelques accessoires pour renouveler les anciens’’, dit-il, dépité. En gros, aucune aide n’a été enregistrée. Les populations, grâce à un réseau social, ont effectué une campagne de collecte de fonds pour acheter des machines à hauteur de 600 000 F Cfa l’unité pour pouvoir extirper les eaux qui stagnent depuis presque une décennie aux alentours de leurs demeures.

Aïssata Tall, (Stagiaire-Actusen.sn)

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