« Mieux vaut réfléchir avant d’agir que regretter après avoir agi » (Démocrite)
Sans surprise, le Conseil constitutionnel dans sa Décision n° 5/E/2017 du 14 août 2017, a proclamé définitivement, le résultat des élections législatives du 30 juillet 2017, en rejetant les recours déposés auprès de lui.
Même, si le holdup des élections législatives, par le président Macky Sall et, ses amis, dans le département de Dakar, est fort probable, les républicains, démocrates et légalistes se rangent malgré eux, derrière la décision du Conseil Constitutionnel qui a confirmé, irrémédiablement le résultat de ces élections. Au-delà des évènements relatifs au département de Dakar, les recours sur les incidents en Europe de l’Ouest, du Nord et, du Centre et, ceux de la commune de Touba, demandaient plus d’approfondissement. C’est d’ailleurs pourquoi, nous critiquons vigoureusement, la position du juge constitutionnel, par son absence de rigueur, avec une analyse complètement erronée, ou encore, en ne motivation pas (assez) les rejets.
A notre grand regret, ces différents cas (Europe de l’Ouest, du Nord et, du Centre, Département de Dakar, Touba…) auraient pu, juridiquement, recevoir, un traitement plus explicite sur le fond, pour mieux nous éclairer. Mais, la manière dont l’arrêt, de validation du résultat des élections législatives, est rédigé, tendrait à montrer que le juge constitutionnel n’est nullement disposé à s’engager dans du juridisme, en se livrant à un étayage de ses affirmations et, à devoir irriter son donneur d’ordre (Macky Sall). Pourtant, il pouvait/devait se saisir de cette occasion, pour marquer le début de son indépendance, et faire taire les reproches sur sa soumission au pouvoir exécutif. Mais, il a préféré l’ambiguïté pour ne mécontenter aucune des parties, ce qui est fort discutable.
En décidant de ne pas prendre position, le Conseil constitutionnel confirme, qu’il ne veut pas mécontenter le pouvoir, d’où plus de discrédit sur cette institution. Et, au-delà de la recevabilité des recours dont il était saisi, il consent tacitement à la réalité des faits poursuivis, puisque sur l’affaire de Touba sa position ne convainc personne lorsqu’il affirme, qu’il n’est pas établi que « les incidents survenus à Touba lors des opérations électorales (…) ont pu avoir pour effet de fausser les résultats du scrutin au profit ou au détriment d’une liste ». Cette analyse est très inexacte, parce que la votation sereine et effective, dans les bureaux concernés, aurait pu changer significativement le résultat des élections, au profit d’une des parties en compétition.
De même, dans le Département de Mbacké, le juge des élections estime qu’il « n’y a lieu ni d’invalider le scrutin ni de le reprendre ». Cette allégation peut être étendue ou, transposée à des faits faisant l’objet de recours en annulation, et s’étant déroulés dans d’autres localités, puisque, cela ressort implicitement des rejets prononcés. Cependant, avec pareille formulation, il a fait preuve de manque de clairvoyance et, se retrouve en rupture d’objectivité.
Avec l’émiettement du corps électoral, dû à la pléthore des listes déposées, les résultats, confirmés par le Conseil constitutionnel, étaient très prévisibles. Par contre, la grande inconnue était le nombre de députés au profit de Benno Bokk Yakaar (BBY), à savoir majorité absolue ou majorité relative, ou d’autre part, le score de l’opposition politique au soir du 30 juillet 2017.
Aussi, nul ne doit être surpris du résultat des élections, au mois de mai dernier, après la scission de « Mankoo Taxaawu Senegaal » (MTS), dans sa version originelle de dix Partis politiques en discussion de coalition. Dans un article titré « De la multiplication des coalitions de Partis politiques», nous mettions en garde contre la prolifération des listes électorales.
Et, dans notre article cité, nous affirmions « sans être défaitistes, nous voulons seulement restés lucides, mais la victoire de l’opposition aux élections législatives du mois de juillet prochain, reste très hypothétique ». Et plus loin nous écrivions « à part participer pour participer, quelle est l’utilité ou, la stratégie d’une coalition de Partis politiques d’avoir, par exemple, une liste avec 60 candidats à cette élection législative sur liste nationale (scrutin proportionnel), pour se retrouver avec zéro député, ou au plus avec deux députés. Avec l’émiettement de l’électorat, telle sera la triste réalité au soir du 30 juillet 2017, pour certaines d’entre elles malheureusement ».
Les élections législatives nous donnent raison. Donc, nul ne peut dire qu’il ne savait pas. Peut-être par naïveté ou, par méconnaissance de la configuration politique du pays et/ou des systèmes électoraux applicables aux élections législatives. Certains leaders politiques ont pensé, en toute bonne foi, que leurs seuls noms suffiraient à engranger autant de voix pour la liste qu’ils dirigent, pour remporter autant de sièges. Abdoul Mbaye, Ousmane Sonko, Mamadou Sy Tounkara, Cheikh Tidiane Gadio pour ne citer, que ceux-là, seront de notre avis.
Bien que, les inscriptions sur les listes électorales aient augmenté passant de 5 368 783 électeurs inscrits en 2012, à 6 219 446 électeurs inscrits en 2017 ; que le taux de participation qui était en 2012 à 36,67%, soit passé en 2017 à 53,66%. De notre point de vue, ces différentes augmentations n’ont pas profité substantiellement à la majorité législative sortante (BBY), d’où sa victoire doit être fortement nuancée.
Même, si nul ne doute, ou ne conteste que BBY ait remporté les élections législatives du 30 juillet 2017, selon notre analyse, il a peu progressé. Puisque, aux élections législatives de 2012, il avait obtenu 119 députés et, en 2017 il se retrouve avec 125 députés (6 députés en plus) ; et pendant le même temps, l’opposition politique passe de 31 députés en 2012, à 40 députés en 2017 (9 députés en plus).
Pour ne pas avoir à regretter, il faut agir juste, malheureusement, très imbus de leurs personnes, les politiques (les femmes et les hommes politiques) font rarement leurs autocritiques. Et assez souvent, ils se refusent de réfléchir, sur leurs échecs, simplement par narcissisme. Nous prenons date, car il est peu probable que l’insuccès subi aux élections législatives de 2017, leur serve d’exemple. D’où, ils vont reproduire les mêmes erreurs, d’une foultitude de candidats, aux élections présidentielles de l’année 2019.
Mais enfin, de ce que nous avons constaté et, appris des élections du mois de juillet 2017, seule une coalition forte, solide, unie et décidée peut venir à bout de Macky Sall et, de ses dérives liberticides. Tout comme, mettre un terme aux souffrances du peuple, et rétablir la démocratie ainsi que, la légalité républicaine. Donc, gageons que, sans concession, l’opposition politique va analyser sereinement sa déconvenue, réfléchir et, trouver les moyens de sécurisation du processus électoral, des futures élections présidentielles de l’année 2019.
Daouda NDIAYE
Juriste/Analyste politique
Article dédié à Mamour DIOP