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Chronique de Alioune FALL : Entre santé et politique, on préfère détourner le regard

Au Sénégal, on sait bien s’étonner, on se délecte du scandale, même quand c’est à notre dépend. Le plaisir qu’on y éprouve est tellement malsain que quand on en subit les affres, on se refuse d’en tirer des leçons.

Quand on a connu le «Joola», Aicha Diallo ne peut être qu’un sujet d’actualité de la semaine. Ces propos aussi choquants, soient-ils, ne sont qu’à la mesure du traitement qu’on a voulu réserver à ce fait triste. Le sort de Aicha n’a même pas pu s’imposer devant le débat de l’éventualité d’un troisième mandat du Président SALL.

Au moins, pour cette question, des universitaires et autres personnes, avec une légitime connaissance en droit constitutionnel, ont été interpellés et les hommes politiques, peu à l’aise, dans les sujets sérieux s’en sont saisis.

Mais pour un enfant qui meurt d’un défaut de prise en charge, on a plutôt assisté à un débat aux allures de lutte syndicale opposant les indignés aux travailleurs de la santé. Quand les premiers rejettent la faute sur les seconds, ceux-ci se disculpent et tentent de se soustraire, autant que faire se peut, de la guillotine populaire. On n’est pas encore sorti de l’auberge, me dirait-«elle».

En réalité, les indignés constituent l’ensemble variable des rapports conflictuels. Ils sont, les enseignants, les médecins, les ouvriers, les chauffeurs, les mareyeurs, les magistrats…bref! Tout le monde, sauf les mis en causes du moment. Ils sont très prompts à critiquer, à juger, à porter la censure, mais peu enclins à l’autocritique et au recul par rapport à certaines questions. On appelle cela corporatisme. C’est un repli sur soi. C’est la dimension à la fois primaire et perverse de la solidarité de corps.

Le réflexe d’autodéfense, dont les travailleurs de la santé ont fait montre dans l’affaire Aicha Diallo, est comparable à celui manifesté par les journalistes après la publication des bonnes feuilles du livre de Ousmane SONKO. On critique sans aimer les critiques. On ne les aime que quand on en est l’auteur. Ce corporatisme étouffe tous les élans de progrès.

Le premier problème des structures d’Etat recevant du public est l’accueil. On se demande même si certaines personnes ont pleine conscience de ce qui leur est demandé, en échange de l’argent qu’ils perçoivent à la fin de chaque mois.

Cela impliquerait qu’ils se disent déjà que dans les hôpitaux, plus qu’ailleurs, les personnes, qui se présentent, ont, à priori, un problème auquel il faut apporter une solution. Souvent, dans les structures publiques, on a la malchance de croiser des agents qui ont tellement une haute opinion d’eux-mêmes qu’ils en oublient leur devoir.

D’autres fois, ce sont des agents dont la dignité est prise de court par des frustrations découlant de leurs conditions d’existence en tant que travailleurs. Et le patient dans tout cela ? Bah, il n’a qu’à être patient, le temps qu’une solution définitive soit trouvée.

On a peur de situer les responsabilités ; du coup, personne n’est responsable de ce dont il a la responsabilité. L’Etat a la responsabilité de la santé publique. Il est alors le responsable d’une politique publique efficace dans le volet de la santé.

On ne peut garantir le développement, la croissance, l’émergence ou tout ce qu’on veut nommer et qui renvoie en quelque sorte au progrès sans s’intéresser à l’éducation et à la santé. Je défonce encore une porte ouverte. Pourtant, il est légitime de se demander si cette évidence sonne comme telle, dans l’esprit de nos gouvernants.

Pourtant, des mécanismes ouvrant droits à une prise en charge des malades existent. Dans le cadre de l’assurance maladie obligatoire, les IPM et les Mutuelles de santé ont vocation à offrir une palette de prises en charge des populations. Leur rôle est d’amoindrir, pour le patient, les charges occasionnées par la maladie.

Les IPM sont des Institutions de Prévoyance sociale, qui font partie intégrante du système de sécurité sociale. Elles sont obligatoires et concernent les travailleurs. Ceux qui ne seront pas pris en compte par ce système, parce qu’ils n’ont pas de travail salarié, peuvent recourir aux Mutuelles de santé qui sont volontaires.

Autant d’alternatives éviteraient aux gens de mourir, inutilement, s’ils respectaient les mécanismes de fonctionnement de ces systèmes. Mais comme on ne respecte rien dans ce pays, on se suffit juste de mettre le cadre, sans en rechercher l’efficacité. Le peu d’effort que cela nécessite nous est presque impossible à consentir. On n’accusera pas sans fondement. Mais tout le monde est responsable.

L’Etat détenteur de la contrainte légitime est le premier à fausser le jeu. Son pouvoir dissuasif est mis en mal à partir du moment où il se refuse, pour de curieuses raisons, de contraindre les Institutions de Prévoyance sociale à se conformer aux règles de gouvernance propres à garantir la pérennité du système et l’efficacité de la prise en charge.

L’Etat est défaillant, quand il cède à la pression des employeurs qui accumulent les impayés et, en même temps, empêchent les choses de tourner. Il est surtout défaillant, lorsque c’est lui qui ne verse pas ses cotisations, alors qu’il est le plus grand employeur.

On finit par croire qu’on ne peut faire autrement ; que bien faire les choses nous est impossible ou qu’on n’a pas de ressources nécessaires pour assurer le minimum de bien-être à nos concitoyens. Pourtant, la première qualité d’un dirigeant est l’altruisme. C’est ce caractère, qui nous dispose à bien penser les choses qui améliorent le sort de notre peuple. Mais qu’un inconnu meure, on s’en moque.

On préfère se battre pour que Macky SALL ne pense pas à cette brèche, que lui aurait offerte la Constitution pour briguer un troisième mandat. Et c’est presque insultant que la classe politique, dont la mission devrait être, sinon de proposer des solutions, offrir une alternative dans les domaines où le régime pèche, se laisse divertir par un débat sur un hypothétique troisième mandat, quand le président n’en est qu’à son premier mandat.

C’est surréaliste. Mais je n’en dirai pas plus, je préfère attendre 2024. En attendant,  pensons à nos écoles et nos hôpitaux. Ils méritent un meilleur sort. L’école fait les hommes et les hôpitaux les réparent.

Chronique de Alioune FALL 

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