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Entretien-Amadou Kah (Enseignant-chercheur à l’UGB) : «Si la coalition Wattu Mankoo Senegaal parvient à cristalliser les mécontentements, elle peut faire mal.»

L’opposition s’est retrouvée autour d’une nouvelle coalition dénommée ‘’Front pour la défense du Sénégal – Mankoo Watù Sénégal’’ (Fds). Est-ce qu’elle a les moyens de pouvoir face au régime du Président Macky Sall ?
Les moyens ne sont pas seulement de l’ordre du donné. Ils sont aussi de l’ordre des choses qui se construisent. Donc, une fois mise en place, il appartient à cette coalition de se donner les moyens de son existence et de son maintien dans l’échiquier politique sénégalais. Il faut également dire que tout dépend du contexte de naissance de cette coalition, de la composition du cadre et de sa volonté de faire aboutir les revendications.

Mais quand on fait une observation de la scène politique sénégalaise de ses vingt-cinq dernières années, on se rend compte que les coalitions, le plus souvent, naissent à la veille de scrutins pour pouvoir les préparer, ou après une présidentielle dans un souci de contestation du verdict électoral. Ce qui est original dans cette coalition, c’est ce que nous ne sommes pas à quelques encablures d’une élection présidentielle. Pourtant, ils sont arrivés à mettre sur pied une organisation. Ce qui n’a pas été le cas avec la coalition pour l’alternance, créée à un an de la présidentielle de 2000, de même que Macky 2012. Ici, nous sommes à un an des législatives, mais à deux ou trois ans de la présidentielle. Donc, il semble que les choses sont allées plus vite par rapport à ce qui se faisait.

On a eu pas mal de coalitions au sein de l’opposition. Il y a le Fpdr, le C2O et bien d’autres. Mais avec ‘’Watù Sénégal’’ composé de figures notables, n’a-t-on pas un cadre plus renforcé capable de poser problème au pouvoir ?
On ne peut pas dire que ce qui passe actuellement doit être regardé comme déterminant. Il est vrai que l’on a eu d’autres coalitions avec l’opposition, mais depuis quelques semaines, on voit un cadre plus renforcé avec des personnalités comme Abdoul Mbaye ou Malick Gackou qui ont eu à exercer des responsabilités au sommet de l’État. Maintenant, il est très tôt pour dire que cette coalition va perturber le régime. Cependant, si on doit partir de la représentativité des uns et des autres pour arriver à la conclusion qu’elle peut être un danger pour le pouvoir, il faudra également être nuancé car certains ne se sont jamais mesurés au suffrage des Sénégalais.

L’électorat d’Idrissa Seck s’est érodé au fur et à mesure de son évolution. Mais il faut dire qu’il existe des éléments qui peuvent inquiéter le pouvoir. La question majeure est de savoir si cette coalition peut être une alternative pour les Sénégalais. Presque toutes les coalitions se sont fissurées après ou avant les élections. Mieux, on a vu ce qu’elles peuvent avoir sur des formations politiques. Les cas du Ps ou de l’Afp sont patents, et pourtant leurs leaders restent accrochés au pouvoir. Il y a aussi l’éclatement d’Aj-Pads en plusieurs formations. Donc, ces coalitions ne font pas totalement avancer la démocratie sénégalaise. Elles existent le temps de régler un problème ponctuel. Quand elles s’inscrivent dans le long terme, ce n’est que pour la promotion des principaux animateurs au détriment des communautés vivantes que sont les partis politiques.

Quelles peuvent être les forces réelles de cette coalition d’opposition ?
Les véritables forces de cette opposition, c’est simplement de pouvoir profiter des maladresses du pouvoir qui en commet. Mais je reste sceptique sur ses possibilités de représenter un danger pour le pouvoir. Dans tous les cas, la réponse appartient à l’avenir. Ce qui est sûr, c’est que si elle arrive à cristalliser les mécontentements – car les gens ne sont pas contents – elle peut faire mal. La question est de savoir jusqu’où ils peuvent aller.

Quelles seraient ses faiblesses ?
On verra bien. S’il s’agit de gérer les mécontentements, de profiter des erreurs du pouvoir, ils peuvent marquer le pas. Mais le jour où il s’agira d’aller plus loin dans leur regroupement, par exemple gérer les affaires du pays dans le cadre de la préparation d’une élection, même s’il faut rappeler que leur coalition n’est pas une coalition électorale, s’il s’agira de mettre en avant un homme, à cet instant, on décèlera leurs faiblesses. Il ya certaines personnalités comme Idrissa Seck, Pape Diop, Mamadou Lamine Diallo, Malick Gackou et tant d’autres. Maintenant, on verra bien ce que leur coalition va produire dans la prise en compte des problèmes des Sénégalais.

Vu les difficultés rencontrées dans la mise sur pied de  ce cadre, quel conseil donneriez-vous à ses initiateurs ?
Je ne sais pas si je dois donner des conseils. Mes conseils concernent l’intérêt suprême des Sénégalais et leur devenir. En tout cas, l’histoire des coalitions a prouvé qu’elles ne sont là que pour promouvoir le destin des hommes qui l’animent et non des Sénégalais. Les gens tiennent à tout prix à combattre le pouvoir. On peut effectivement dire que le pouvoir ne nous convient plus et se mettre d’accord pour le combattre.

Pour autant, cela ne signifie pas que l’on doit se regrouper pour exercer le pouvoir quand on gagne. Je me rappelle de la remarque d’un responsable socialiste français qui disait qu’ils vont constituer un front républicain pour appeler à voter Chirac et barrer la route à Jean Marie Le Pen. Pour lui, cela ne voulait pas dire que les socialistes allaient exercer le pouvoir si jamais Chirac gagnait. Malheureusement, ce n’est pas le cas au Sénégal où les gens s’attendent à des récompenses après avoir soutenu un candidat. Pour moi, la première préoccupation est d’élaborer des programmes et réfléchir à un mieux-être des Sénégalais.

(Abdoulaye Mbow)

+ : Enseignant-chercheur en droit public à l’Université Gaston Berger (Ugb) de Saint-Louis et observateur de la scène politique sénégalaise, Amadou Kah est l’auteur de deux ouvrages. Le dernier en date est De la lutte des classes à la bataille des places : le tragique destin de la Gauche sénégalaise publié il y a quelques semaines. Il ne se réclame pas politiste, mais observe les faits politiques qui sont une passion chez lui.

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