Les deux côtés de la Méditerranée réunis à Paris pour parler migrations. Un mini-sommet à l’Elysée a rassemblé dirigeants européens – français, italien, espagnol, allemand – et dirigeants africains – nigérien, tchadien et libyen. L’idée est de mettre en place une feuille de route sur la question des migrations, alors que 140 000 personnes ont perdu la vie en Méditerranée depuis 2014. Il s’agit aussi de s’atteler aux différentes étapes de cette migration, des pays de départ à ceux de passage jusqu’aux pays de destination.
Premier point : lutter contre les réseaux de passeurs. A ce sujet, Emmanuel Macron a précisé que la France avec l’Europe allaient renforcer leur coopération avec les pays d’origine et les pays de transit pour, à terme, démanteler ces réseaux de trafiquants illégaux. Sur ce point le président français a salué le travail entrepris par le Niger depuis juin 2016. « C’est cela que nous voulons généraliser » a-t-il expliqué, en annonçant qu’une aide au Tchad et à la Libye serait apportée pour faire de même.
Deuxième point : les pays présents vont approfondir leur action commune pour améliorer la situation sécuritaire en Libye. Sans aller dans le détail, le président français a promis que l’Europe allait aider le pays à améliorer le contrôle de ses eaux territoriales. Il a parlé d’équipement, de formation des garde-côtes, mais également de développement d’infrastructures humanitaires avec le Haut-Commissariat pour les réfugiés et l’Organisation internationale des migrations (OIM).
Troisième point : Emmanuel Macron a annoncé des actions très concrètes en amont de ces flux migratoires, en particulier au Tchad et au Niger. Ce qui a été acté, c’est que les ressortissants africains candidats à l’asile pourront désormais faire leur demande depuis ces deux pays. La France viendrait donc dans un second temps pour favoriser leur arrivée légale et sécurisée en Europe.
L’Europe face à un casse-tête migratoire
Malgré ce nouveau plan d’action, l’Europe reste empêtrée dans le casse-tête de l’immigration. Depuis plusieurs années, l’UE tente des initiatives, souvent en ordre dispersé, multiplie les sommets, les annonces, sans trouver la parade. Ce lundi 28 août, les différents partenaires du sommet ont réaffirmé vouloir briser les réseaux de passeurs, reconduire dans la dignité les migrants économiques, améliorer les contrôles aux frontières ou encore former les gardes-côtes.
Seule annonce nouvelle : l’envoi de missions de protection, afin d’identifier au Tchad et au Niger, des demandeurs d’asile déjà listés par les humanitaires, et leur permettre de rejoindre l’Europe de façon légale et sécurisée. Depuis fin 2015, et le sommet de Malte, l’UE peine à trouver un véritable plan. A La Valette, l’Union avait créé un fonds pour les pays africains d’environ 2 milliards d’euros. Mais à Paris, les participants ont rappelé qu’il était indispensable de donner des moyens à ce projet encore sous-financé.
Coopération
Sur Niamey et Ndjamena, Emmanuel Macron a promis davantage de coopération sécuritaire, judiciaire, avec une présence militaire sur le terrain, pour prévenir les flux vers la Libye. La France participerait ensuite à l’organisation du retour dans leur pays d’origine des migrants non éligibles au droit d’asile. « Le fardeau ne doit pas aller qu’au Niger et au Tchad », a déclaré le chef de l’Etat.
Les Européens veulent ouvrir une voie légale d’immigration vers le vieux continent en évitant la Libye où les migrants sont maltraités et meurent pour beaucoup dans leur traversée de la Méditerranée. L’Allemagne, l’Espagne, la France et l’Italie s’engagent ainsi à envoyer des représentants au Niger et au Tchad, deux pays de transit, afin d’auditionner et évaluer les migrants les plus vulnérables, identifiées au préalable par le HCR et l’OIM. Le but est de leur accorder un droit d’asile de façon légale et sécurisée. Il s’agira de listes fermées, pour éviter que le dispositif n’attire les migrants en masse, ce que craignaient Niamey et Ndjamena.
Une équipe ira sur le terrain pour le suivi de cet accord. Le Niger, le Tchad et la Libye vont préciser leurs besoins sur le terrain et d’autres réunions suivront d’abord en Espagne dans quelques mois, puis au prochain sommet Europe-Afrique.
Sécurité
Devant la presse, le président nigérien, Mahamadou Issoufou a rappelé pourquoi le Niger était fortement impliqué dans la lutte contre l’immigration : « La première raison est morale, parce que le dirigeant africain que je suis trouve insupportable que des milliers d’Africains viennent mourir dans le désert et en Méditerranée. […] Mais le Niger est aussi fortement engagé pour des raisons sécuritaires, parce que les passeurs qui amènent les migrants en Libye reviennent au Niger avec des armes. Cela pose donc un problème de sécurité. »
Pour le président tchadien, la question ne sera résolue que par le développement. « Il faut des ressources » a martelé Idriss Déby, qui souligne aussi l’importance de mettre fin à la crise libyenne.
L’ONU monte au créneau
La Libye. Un territoire où les migrants sont victimes des trafiquants, des passeurs, des groupes armés et des forces de sécurité, affirme António Guterres, le secrétaire général de l’ONU, dans un rapport. Il appelle les autorités libyennes à relâcher immédiatement les migrants les plus vulnérables enfermés dans les centres de détention.
Pour António Guterres, ces personnes les plus vulnérables sont notamment les femmes en danger, les femmes enceintes, les familles avec enfants, les enfants seules et les handicapés.
Une équipe de l’ONU a travaillé depuis le mois de mars sur ce rapport et dresse un constat : celui des violences que subissent les migrants en Libye. Des « violences extrêmes », a déclaré le secrétaire général de l’ONU, qui évoque des cas de travail forcé, de détentions arbitraires, de viols ou encore de prises d’otages.
Ces violences viennent de toutes les parties prenantes à cette situation, ajoute-t-il. C’est-à-dire aussi bien les trafiquants, les passeurs, que les membres des groupes armés et les forces de sécurité libyennes.
Avec RFI