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Fin de mission de Serigne Abdou Rahmane Mbacké : le monde Mouride pleure son ascète 

C’est dans l’après-midi du mercredi dernier que l’ange de la mort a rendu visite à Serigne Abdou Rahmane Mbacké dans son domicile à Darou Mouhty, le conduisant ainsi vers son Seigneur avec sa charge de bonnes actions que le soleil ramassait chaque jour au cours de sa belle vie. Mais ce n’est que tard dans la nuit que la triste nouvelle est tombée. Le rappel à Dieu du grand savant et érudit mouride est considéré comme une perte inestimable par les Talibés inconsolables. Le petit-fils de Mame Thierno Birahim Mbacké repose dans l’enceinte de la mosquée qu’il a lui-même construite devant sa maison. Serigne Abdou est parti comme il a vécu, calmement et paisiblement.

Né en 1954, Serigne Abdou Rahmane Mbacké est le fils du deuxième khalif de Borom Darou, Serigne Abdou Khoudoss Mbacké. Son père donna son nom à Serigne Abdou Rahmane Mbacké, fils de Mame Thierno Mbacké, qui était établi à Touba Darou Marnane. Dès le bas âge, il fut confié à Serigne Abibou à Touba pour son initiation au Saint Coran. C’est là-bas où Serigne Abdoul Ahad, fils et troisième khalif de Cheikh Ahmadou Bamba, a fait sa connaissance. En effet, Cheikh Abdoul Ahad cherchait un livre qu’il ne trouvait plus et dont il avait besoin. Après l’avoir vainement cherché chez des érudits, il décida un jour d’aller tenter sa chance chez Serigne Habibou. Mais un miracle s’est produit. Quand il est arrivé chez le marabout, Cheikh Abdoul Rahmane est venu le saluer et lui a fortuitement rendu le livre qui était la raison de son déplacement alors qu’il n’en avait pas encore parlé. Étonné, Serigne Abdoul Ahad est allé à Darou Mouhty auprès de son frère Serigne Abdoul Khoudoss, père de Serigne Abdou Rahmane, pour lui demander de lui confier celui-ci. Ce que son père a accepté sans difficulté.

Un jour, l’érudit Serigne Abdou Rahmane a remis au 3ème khalife des Mourides, Cheikh Abdoul Ahad Mbacké un livre que ce dernier peinait à trouver et dont il ne lui a jamais parlé

Sa petite taille n’entrave en rien son attachement fervent à la religion. Il ne sortait de sa chambre qu’à l’heure de la prière. C’est à sa sortie de la mosquée qu’il avait construite en face de sa maison qu’il recevait les invités à qui il n’accordait que quelques petites minutes. L’hôte, quel que puisse être son rang social ou son statut, était contraint à attendre qu’il revienne de la mosquée. À ces qualités religieuses, Serigne Abdou Rahmane joignait des qualités humaines rares en ce siècle. L’altruisme, la commisération, la courtoisie et l’amour de son prochain dénotent chez lui des vertus dont ont pu bénéficier toutes les personnes qui l’ont approché. Il ne regardait jamais les gens, droit dans les yeux. La tête  toujours baissée, il avait le visage affable. Malgré sa discrétion et son désintéressement pour la vie mondaine, Serigne Abdou Rahmane était très adulé par les disciples. Des personnes venaient de partout , de tous les coins du pays pour solliciter ses prières.

Le chrétien originaire de la Casamance, son rêve et Serigne Abdou Rahmane qui l’a converti à l’Islam

Confié à Serigne Abdou Rahmane depuis 1999 alors qu’il avait 5 ans, Mame Thierno Ndiaye a grandi auprès du saint homme. Le jeune disciple, contacté, raconte que l’oncle de son marabout, Serigne Abdou Khoudoss Diop Koki, lui a fait savoir qu’étant jeune, Serigne Abdou Rahmane ne s’adonnait jamais aux jeux d’enfant. Tout ce qui l’intéressait, c’étaient le Coran et le savoir. En atteste son engagement dans l’enseignement du livre saint, du savoir et des Xassida de Serigne Touba. Il traduisait ces derniers pour faciliter sa compréhension aux personnes qui ne pouvaient pas lire les écritures arabes et dévoilait les secrets que cachaient ces poèmes de Khadimou Rassoul. Mame Thierno Ndiaye, à l’autre bout du fil, nous gratifie de quelques anecdotes dont il a été témoin. « En 2006, nous étions partis avec lui à Khelcom, répondre à l’appel de Serigne Saliou Mbacké pour les travaux de ses champs. Mais son dévouement dans le travail malgré sa petite taille nous intriguait. Il effectuait des tâches que nous, jeunes, ne pouvions pas faire. À treize heures, nous arrêtions les travaux pour observer une pause et remplir nos ventres. Mais, lui, il était toujours sous le soleil continuant ses activités. La nuit, alors que nous dormions afin d’avoir quelques heures de répit vu le travail qui nous attendait le lendemain, je le voyais sous sa tente en train de lire le saint Coran», raconte le ‘’ndongo daara.’’

Selon Mame Thierno Ndiaye, son marabout était un homme de Dieu qui avait des assises mystiques. « Un homme chrétien qui habitait dans un village de la Casamance avait fait un jour un rêve. Plongé dans les ténèbres, il était confronté à de véritables difficultés. Tout d’un coup, un homme de petite de taille, tout de blanc vêtu, est venu à sa rescousse l’extirper de l’obscurité. Le lendemain, il est allé s’en ouvrir auprès d’un talibé de Serigne Abdou Karim établi en Casamance. Celui-ci lui a demandé de décrire la personne qu’il a vue. À la fin de ses explications, il lui a demandé d’aller à Darou Mouhty et demander Serigne Abdou Rahmane parce que ses explications renvoient à celui-ci. Ce que l’homme a fait. Quand il est arrivé dans la deuxième capitale du mouridisme et conduit chez Serigne Abdou, les chambellans l’ont installé dans la chambre réservée aux hôtes avant de lui demander d’attendre que le marabout sorte à l’heure de la prière afin qu’il soit reçu.

À son retour de la mosquée, le marabout avait été informé de la visite du gars et il nous a demandé de le lui amener dans sa chambre. Ce qui nous a un peu ahuris car Serigne Abdou ne recevait pas les hôtes dans sa chambre. Dès que le gars a vu Serigne Abdou, il est tombé en transe disant que c’est la même personne qui l’a sauvé dans son rêve. Le marabout a subitement souri. C’est ainsi que l’homme s’est converti à l’Islam et le marabout lui offrit deux de ses cassettes dénommées « Yoonou Ngueum » et « Kham Farata ». Mais le monsieur avait peur de rentrer chez lui craignant d’être répudié par sa famille. Mais le marabout a tout facilité. Sa femme s’est convertie et lors du Magal 2018, c’est son grand frère chrétien qui l’a amené jusqu’ici.»

Serigne Abdou Rahmane a 6 Daaras où sont internés des milliers de jeunes qui apprennent le Coran et qui sont totalement pris en charge par le saint homme

À en croire Mame Thierno Ndiaye, Serigne Abdou Rahmane ne donnait jamais d’ordre à quelqu’un. Même à ses talibés. En guise de conseils, il te faisait savoir ce que faisait Serigne Touba et ce que Dieu a dit dans le Coran. Serigne Abdou Rahmane a 6 Daaras où sont internés des milliers de jeunes qui apprennent le Coran. Ils sont totalement pris en charge par lui. Selon notre interlocuteur, ce sont des enseignants aguerris qui sont recrutés pour inculquer du savoir aux apprenants. Chaque 2 mois, des personnes exclusivement chargées de superviser la qualité de l’enseignement viennent dans les Daaras. Si des retards sont décelés sur le niveau du disciple, l’enseignant est renvoyé. Aussi, renseigne-t-il, le disciple ne se limite pas seulement à l’apprentissage du Coran. Ils vont dans les champs à l’hivernage. Pour les récoltes, il y a toujours la part du khalife de Serigne Touba et celui de Borom Darou, tout le reste est distribué aux démunis. Avec les tiges de mil, informe-t-il, plus de 15 maisons sont réfectionnées. Il en fait des palissades. Mieux, quand ils partent faire le travail, il leur recommande de ne pas accepter la plus petite tasse d’eau venant du propriétaire de la maison en guise de remerciement.

Le défunt qui ne mangeait et ne buvait presque pas, vivait de sa foi et s’abreuvait à la source de l’Islam et de Serigne Touba

«Des personnes sont aussi recrutés uniquement pour veiller à ce que tous les talibés effectuent les cinq prières. Celui qui rate une ou deux prières est contraint d’aller aux champs qui se situent loin pour ramener des fagots. Ce qui fait que personne ne rate la prière, car c’est plus facile de prier que d’aller aux champs qui se situent à quelques kilomètres du daaras.» Véritable homme de Dieu, Serigne Abdou Rahmane jeûnait tous les jours, mettant même sa santé en péril. Contraint à manger ou à boire 1,5 litre d’eau par jour par son médecin pour son équilibre corporel, l’ascète n’obtempèra pas. Il en est sorti étonné au contraire. Car il ne comprenait pas comment un homme peut boire cette quantité d’eau en une journée. Le défunt vivait de sa foi et s’abreuvait à la source de l’Islam et de Serigne Touba.

La rédaction de Actusen présente ses sincères condoléances à toute la famille de Mame Thierno Birahim Mbacké. Que Dieu soit satisfait du défunt et prête longue vie à son khalif Serigne Abdoul Ahad Mbacké.

Adja Khoudia Thiam (Actusen.sn)

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