Ce que je déplore dans la garde à vue de CYS, c’est moins le principe de la garde à vue que la promptitude discriminatoire avec laquelle certains dossiers sont traités contrairement aux louvoiements habituels du gouvernements dans des dossiers d’une flagrance absolue. Une garde à vue pour un journaliste, c’est à la limite une médaille d’honneur décernée à sa profession.
Mais au-delà de l’émotion qu’elle suscite, la garde à vue de CYS pourrait, à mon sens, s’expliquer doublement.
D’abord la déclaration de CYS selon laquelle les Fares financeraient le Hezbollah est d’une gravité telle que sa vie pourrait être en danger quand on connait la terreur que représente ce mouvement. Les quatre milliards évoqués me semblent être un motif pas très suffisant pour précipiter sa garde à vue à, moins de redouter un fourvoiement de l’enquête par de tels propos.
Ensuite, cette déclaration pourrait mettre le Sénégal mal à l’aise dans ses rapports avec les États-Unis. Pour couper court à la propagation de ce « bruit » de journaliste, ce ne serait donc pas maladroit de la part de l’État de le mettre au froid. Car si de telles pratiques peuvent avoir cours dans ce pays depuis longtemps à l’insu de nos institutions sécuritaires et de notre justice, ce serait la preuve que notre État court un très grave danger.
Au cas maintenant où CYS serait abusé par sa source, son arrestation n’aurait désormais d’autre justification qu’une nécessité d’enquête, car la crédibilité et la probité des enquêteurs seraient ici en jeu. Mais par-dessus tout CYS pourrait bien être une source pour les enquêteurs dans la mesure où ils auraient besoin d’aller encore plus loin dans un dossier qui pourrait bien cacher beaucoup de secrets. Espérons que quand les enquêteurs sauront ce qu’ils veulent savoir, CYS retournera chez lui. S’il est légitime que la gendarmerie exige que cette affaire soit tirée au clair pour son honneur et pour la sécurité de notre pays, un emprisonnement de CYS serait un recul démocratique à éviter.
Ce qu’il faut déplorer, c’est pourquoi la justice ne fait pas preuve de la même promptitude quand il s’agit de graves propos tenus par les membres de la galaxie présidentielle ? Quand Moustapha Cissé Lô a déclaré que la drogue qui circule dans le pays est l’œuvre de grands pontes du régime, personne ne l’a interpellé. Quand il a parlé de détournement de semences et d’engrais par une vieille mafia, personne ne l’a inquiété. Pourquoi dans l’affaire Prodac, dans celle des 94 milliards, etc. il n’y jamais eu d’avancée significative ?
Alassane K. KITANE