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Infertilité masculine : quand des femmes portent la faute des hommes

Comme partout dans le monde, le Sénégal a célébré la Journée internationale des droits des femmes sous le thème : «Pour toutes les femmes et filles : droits, égalité et autonomisation». Un thème d’une importance capitale, notamment pour ces milliers de femmes qui aspirent à devenir mères mais qui se heurtent à un obstacle insoupçonné : le refus de leur mari de faire un test de fertilité. Dans une société où la stérilité est systématiquement attribuée aux femmes, celles-ci sont souvent mises au banc de la société avec des pressions insoutenables. SourceA a recueilli les témoignages de deux femmes dont les parcours diffèrent, mais qui ont toutes deux connu la douleur de l’infertilité présumée. L’une a fini par devenir mère après huit ans de mariage, tandis que l’autre a atteint la ménopause sans avoir pu concevoir. Et pourtant, toutes deux sont médicalement fertiles.

Mariée à l’âge de 34 ans, Aissatou Kane (Nom d’emprunt) a dit oui à «l’homme de sa vie» en 2009. Elle a connu Modou à l’université et tous les deux ont décidé d’unir leur vie, une fois leurs études terminées.  «Modou et moi sommes tombés amoureux dès le premier regard, je me souviens nous avions cour de droit pénal», se remémore l’assistante juridique. Avant de poursuivre: «j’étais très convoitée par les hommes et cela rendait Modou très jaloux. A telle enseigne que notre couple battait toujours de l’aile. Heureusement on a su faire face à tous ces obstacles». Normale qu’elle ait été courtisée dans sa jeunesse. Du haut de ses 1,70m, cette belle nymphe au teint noir avec une silhouette bien taillée des dents aussi blanches que de l’ivoire garde toujours cette beauté envoutante.

Mais très vite, sa vie devint un calvaire. N’ayant pas enfanté dans ses premières années de mariage, Aissatou est mise au banc de la société. «Femme stérile, infertile, tu es incapable de nous donner un petit fils», Aissatou a essuyé des salves de critiques venant de sa belle famille, son entourage, ses amis. Pire, de son mari. Qui lui reprochait de ne pas lui avoir donné d’héritier. Et comme pour le punir, ce dernier jouait la carte de l’infidélité. Les jours passaient, Aissatou déprimait. Comme beaucoup d’autres, elle a été la cible de jugements hâtifs de la part de son entourage, avant de découvrir qu’elle n’était pas en cause. Jusqu’en 2015, où elle donne naissance à son premier enfant. En cette journée de sensibilisation aux droits des femmes, il est essentiel de revenir sur ces histoires poignantes qui montrent à quel point le fardeau de l’infertilité repose injustement sur les épaules des femmes.

«Certains me jettent en plein figure que je suis incapable de concevoir»

«J’ai subi toutes sortes d’humiliations de la part de ma belle-famille. Certains me disaient en face que j’étais incapable de concevoir, d’autres pensaient que j’étais possédée. Pourtant, mes examens médicaux confirment que je n’avais aucun problème», raconte Aïssatou. Elle poursuit : «Mon mari avait des problèmes de fertilité et il me l’a caché pendant des années». Elle explique que Modou avait décidé de rester vivre à l’étranger après leurs études, venant régulièrement au Sénégal. Après deux ans sans enfant, elle entame des consultations et traitements, sans succès. En 2014, elle rejoint son époux, mais la situation ne change pas. «J’ai passé d’autres examens et les médecins m’ont assuré que je n’avais aucun souci de fertilité. On a alors demandé à mon mari de faire un test, et il s’est avéré que le problème venait de lui. Pourtant, il me l’a caché et a suivi un traitement en secret», dit-elle. Ce n’est qu’en enquêtant sur les médicaments qu’il prend qu’elle a fini par découvrir la vérité.

«Il m’a caché sa maladie»

Fort heureusement, le traitement de son mari a porté ses fruits, et elle est tombée enceinte en 2017. «Un jour, alors que nous nous disputions, il m’a avoué que ses parents voulaient qu’il prenne une seconde femme. Je lui ai répondu qu’il se ridiculisera car je savais déjà qu’il était le vrai responsable de notre infertilité», confie-t-elle. Pourtant, les parents de son époux ignorent encore la réalité et continuent de la juger. Malheureusement, toutes les histoires ne connaissent pas un dénouement heureux. C’est le cas de Dieynaba (nom d’emprunt), née en 1970. Après des années d’attente et de souffrance, elle est aujourd’hui en ménopause sans avoir eu d’enfant.

«Mon mari refuse de faire un test sous prétexte qu’il a déjà un enfant»

«Dès le début, j’ai voulu qu’on fasse les tests ensemble, mais chaque discussion finissait en querelle. Pour lui, j’étais possédée et devait consulter un marabout. J’ai tout essayé, mais les médecins étaient formels : je suis fertile. Pourtant, il refusait de faire un test, prétextant qu’il avait déjà un enfant. Aujourd’hui, je ne peux plus espérer. Je me contente de m’occuper des enfants de la femme du frère de mon mari, sous les moqueries constantes de ma belle-famille», témoigne-t-elle, résignée. Avant d’ajouter que sa belle famille ne rate jamais l’occasion de lui rappeler son «incapacité» à enfanter. Ces récits mettent en lumière l’injustice dont sont victimes de nombreuses femmes. Toutefois, il faut retenir que l’infertilité n’est pas uniquement féminine. Mais la pression sociale repose presque exclusivement sur les femmes. Dès lors, un changement de mentalité est essentiel pour que les tests de fertilité deviennent une étape systématique pour les deux conjoints. Seule une prise de conscience collective permettra de briser ces injustices profondément ancrées dans nos sociétés.

Seynabou FALL (Actusen.sn)

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