Le ministre des affaires étrangères de la France a pris part, ce dimanche, à la commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye. Jean-Noël Barrot qui reconnait l’horreur de carnage a condamné le sort réservé à ces valeureux soldats.
« Quand vint la Libération, pour certains d’entre eux, le doux parfum de la victoire fut bientôt gâché par le goût amer de l’injustice. Démobilisés avant les autres, privés de la solde qui leur était due, ces héros africains furent déconsidérés par leurs chefs. Ces valeureux tirailleurs furent traités comme des soldats de second rang », a fustigé le représentant du Quai d’Orsay. Qui ajoute : « ils avaient tout quitté, et parfois tout donné à la France de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. Une France qui semblait subitement trahir sa promesse, manquer à son devoir d’égalité, manquer à son devoir de fraternité. Ils ne purent faire autrement que de le lui rappeler ».
Avant de poursuivre son propos, Jean-Noël Barrot a rappelé les deux vives protestations que ces victimes de la France coloniale avaient tenues, d’abord à Morlaix et puis, à Thiaroye et qui leur sera fatale, pour réclamer ce qui leur était dû. « Et c’est au matin du 1er décembre 1944, ici même à Thiaroye qu’ils réclamèrent justice dans un immense cri de colère qui retentit encore 80 ans plus tard. Un cri de colère que la France réprima dans le sang en ouvrant le feu sur ceux-là même qui avaient risqué leur vie pour qu’elle puisse être libérée. Rien ne peut justifier que des soldats de la France aient ainsi retourné leurs canons contre leurs frères d’armes », dira-t-il.
Transmission des archives
« Les douleurs encore si vives provoquées par cette plaie béante dans notre histoire commune, seul un travail de mémoire peut conduire à les apaiser. Il n’y a pas d’apaisement sans la justice. Il n’y a pas de justice sans la vérité. La vérité, l’histoire et la mémoire ne sont pas des postures, mais des processus portant une part de complexité devant lesquels nous ne devons pas reculer ».
C’est pourquoi, soutient M. Barrot, « la transmission des archives a été décidée en 2014. C’est pourquoi la France a accueilli une mission d’étude des archives que vous avez mandatée, qui contribue aux travaux du Comité dirigé par le Professeur Mamadou Diouf. C’est la raison pour laquelle le Président de la République vous a écrit, Monsieur le Président, pour vous dire que la France se doit de reconnaître que ce jour-là s’est déclenché un enchaînement de faits ayant abouti à un massacre ».
Bien que le souvenir de cette tuerie reste vivace, et que la colère et le sentiment d’injustice subsistent, le ministre des affaires étrangères de la république française invite le Sénégal à cultiver l’amitié entre les deux pays. « Et si la France reconnait ce massacre, elle le fait aussi pour elle-même, car elle n’accepte pas qu’une telle injustice puisse entacher son histoire. (…) Cultivons l’amitié entre le Sénégal et la France sur les fondations d’une mémoire qui rassemble plutôt qu’une mémoire qui divise ».
Actusen.sn