La déclaration de Guillaume Apollinaire selon laquelle « les œuvres d’art sont chez elles au musée du Louvre» a souvent été reprise pour justifier la présence d’œuvres d’art dans les grands musées occidentaux. Pourtant, cette vision universaliste de l’art ne tient pas compte des questions de propriété et de justice qui se posent aujourd’hui. Les exemples tirés de l’histoire contemporaine soulignent les limites d’une telle approche, rappelant que l’art est profondément ancré dans son contexte historique et culturel.
Le vol de la Joconde en 1911 et le pillage du Palais d’été de Pékin au XIXe siècle nous rappellent parfaitement les enjeux liés à la restitution des biens culturels. Ces événements révèlent une tension entre l’universalisme de l’art et les sentiments d’attachement des peuples à leur patrimoine. Le voleur de la Joconde, Vincenzo Peruggia, affirmait vouloir rendre l’œuvre à l’Italie, soulignant ainsi l’importance symbolique de ces objets pour l’identité nationale.
Aujourd’hui, la question de la restitution des biens culturels est plus que jamais d’actualité. Il s’agit moins de restituer des objets que de réparer une injustice historique et de reconnaître le droit des peuples à leur patrimoine. Amadou Mahtar Mbow, ancien directeur général de l’UNESCO, a souligné l’importance de ce retour pour favoriser le dialogue entre les cultures et renforcer la coopération internationale. Cependant, la restitution des œuvres d’art soulève de nombreuses questions complexes : quels critères doivent être pris en compte pour déterminer le pays d’origine d’une œuvre ? Comment concilier les intérêts des musées et ceux des pays demandeurs ? Quels sont les impacts juridiques et politiques de ces restitutions ? Abdoulaye Wade à qui nous devons le magnifique musée des civilisations noires n’avait-il pas écrit dans Un destin pour l’Afrique que les œuvres d’arts d’Afrique sont mieux en Europe qu’en Afrique !
La France, qui possède l’une des plus importantes collections d’œuvres d’art au monde, a entamé un processus de réflexion sur ces questions. Néanmoins, les défis restent nombreux et les solutions ne sont pas toujours faciles à trouver. Il est essentiel de poursuivre le dialogue entre les États et les institutions culturelles pour trouver des réponses adaptées à chaque situation. Comme l’écrivait Victor Hugo, » lors du sac du palais d’été, il y avait deux brigands, la France et l’Angleterre. J’espère qu’un jour viendra où la France délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée. » Ce souhait est aujourd’hui plus que jamais partagé par de nombreux acteurs des chercheurs et des politiques. Il est de notre responsabilité collective de faire en sorte que ce jour arrive pour tous les peuples, et que nous puissions favoriser la circulation des œuvres du Nord au Sud et inventer notre nouvelle humanité commune sur la base d’un universalisme latéral.
Kaaw Paam