La première édition de la Commémoration du 80e massacre de Thiaroye s’est tenue ce dimanche 1er décembre 2024, en présence de plusieurs Chefs d’Etats, dont Adama Barro de la Gambie, Umaro Sissoco Embalo de la Guinée, Mouhamed Ould El-Ghazaouani de la Mauritanie, par ailleurs président de l’Union africaine (Ua).
Dans son allocution, le Président de la République a rappelé l’horreur de ce massacre, ces fils du Sénégal et de 16 autres pays d’Afrique francophone, sous l’empire colonial français, ont subi. Ce fameux « 1er décembre 1944 ici à Thiaroye quand le Général Dagnan ordonna de tirer sur des innocents désarmés dont le seul tort a été de réclamer le paiement de leurs indemnités, primes et autres allocations ». Un acte jugé « prémédité » qui visait « à réprimer des revendications légitimes, à dissuader d’autres et à perpétuer l’ordre colonial ».
Dès lors, déclare le Chef de l’Etat sénégalais, « par devoir de mémoire, de vérité et de justice, nous ne pouvons oublier l’horreur des exécutions sommaires au camp de Thiaroye. Il est impératif de rappeler l’histoire, toute l’histoire, sans trou de mémoire. C’est ce qui fonde l’essence universelle des valeurs de paix, de liberté et d’égale dignité attachées à la nature humaine ».
« Un acte prémédité visant à réprimer des revendications légitimes, à dissuader d’autres et à perpétuer l’ordre colonial »
« Toutes ces raisons ont renforcé notre conviction de commémorer l’anniversaire du massacre de Thiaroye pour, d’une part, rendre hommage aux victimes et graver leur mémoire dans notre conscience collective et, d’autre part, jeter les bases de la restauration de la vérité historique en mettant fin à l’omerta sur cet épisode tragique voulu et entretenu par l’autorité coloniale », a-t-il précisé.
Ainsi, pour faciliter les travaux de recherches, le Président Diomaye a sollicité du Président Macron, la mise à disposition de tout document d’archive « pouvant contribuer à la manifestation de la vérité, et leur collaboration, le moment venu, dans la localisation des sépultures et d’identification éventuelle des victimes ». Une demande à laquelle les autorités françaises ont accédé.
C’est dans cette optique que, informe le locataire du Palais, « avant cette commémoration, des membres du comité international de chercheurs se sont rendus en France et ont eu des séances de travail avec les autorités françaises et les responsables des sites où sont présumées gardées les archives manquantes. Les recherches se poursuivront après la commémoration ».
Cette coopération pour le moins inattendue, fait dire au Chef suprême des Armées que la France a franchi « un pas important dans la restauration de la vérité grâce au Président Emmanuel Macron » qui lui a adressé « une lettre, il y a trois jours, pour assumer que les évènements de Thiaroye en 1944 ont abouti à un massacre ».
« Identifier les victimes et situer les responsabilités est essentiel pour ouvrir la voie à une réconciliation sincère »
« Je salue son courage moral. Par ce geste, la France accède à une vieille et légitime demande de reconnaissance. Il s’agit d’une avancée appréciable dans le processus de réhabilitation de l’honneur et de la dignité des tirailleurs victimes, à la suite de la déclaration du Président François Hollande au cimetière de Thiaroye le 30 novembre 2014, « saluant la mémoire d’hommes qui portaient l’uniforme français et sur lesquels les français avaient retourné leurs fusils ».
Toutefois, reconnait Bassirou Diomaye Diakhar Faye, « il reste encore beaucoup de zones d’ombre de cette histoire, notamment le nombre exact de tirailleurs exécutés. Deux rapports contradictoires des autorités coloniales parlent de 35 et 70 morts pendant que d’autres témoignages évoquent des centaines de morts et de nombreux blessés ».
Ces zones d’ombre seront éclairées avec le travail colossal que les équipes de chercheurs auront à mener. « Les archives réclamées permettront d’après les chercheurs de savoir comment on en est véritablement arrivé à la tragédie de Thiaroye ; d’avoir une lecture plus fidèle de l’état d’esprit des tirailleurs rapatriés, de leur nombre exact, de leur identité et leurs origines, des lieux où ils sont enterrés, des épreuves endurées, des frustrations et humiliations subies, ainsi que du montant de ce qui est dû à chacun ».
« Par ce geste, la France accède à une vieille et légitime demande de reconnaissance. Il s’agit d’une avancée appréciable dans le processus de réhabilitation de l’honneur et de la dignité des tirailleurs victimes (…) »
« Ce travail est complexe. C’est pourquoi je lance un appel aux acteurs étatiques et non étatiques de tous les pays concernés, y compris la France, aux historiens et chercheurs de tous bords, afin de joindre nos efforts pour porter un regard lucide sur cet épisode sombre de notre histoire commune. Identifier les victimes et situer les responsabilités est essentiel pour ouvrir la voie à une réconciliation sincère ».
Le Chef de l’Etat a profité de la Commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye pour rendre un vibrant hommage à tous les africains et non africains qui se sont toujours battus pour que l’histoire des Tirailleurs et du massacre de Thiaroye soit préservée de l’oubli et de la falsification.
« Je pense aux précurseurs, aux hommes et femmes politiques, intellectuels, écrivains, poètes, cinéastes, artistes et bonnes volontés, personnes physiques ou morales. Sans la synergie de tous ces efforts, le combat pour la justice et la vérité n’aurait pas prospéré. Mais cette vérité exige encore d’être pleinement révélée, transmise et reconnue. Nous devons encourager cette dynamique pour restaurer la mémoire et la dignité des tirailleurs sénégalais, conclut-il.
Actusen.sn