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Les risques de composer un nouveau gouvernement avant les législatives (par Moussa Diaw, enseignant-chercheur en science politique)

Le Président de la République a décidé de restaurer le poste de premier ministre et de  nommer une personnalité quand il sera désigné à la tête de l’Union Africaine (UA). Le prétexte avancé repose sur un agenda chargé par les affaires  africaines qui l’occuperont de manière à ne pas avoir suffisamment de temps pour traiter les dossiers internes. Cette déclaration et l’injonction donnée aux membres du gouvernement, de préparer les dossiers pour un éventuel changement, n’ont pas été suivies de décisions attendues dans l’option d’une nouvelle monture gouvernementale.

Par la suite plusieurs événements marquants sont venus bousculer l’agenda présidentiel, il s’agit, entre autres, de  la fête des lions qui ont remporté la coupe continentale et l’inauguration, à grande pompe, du stade dénommé « Abdoulaye Wade ». Depuis, les choses piétinent et le gouvernement se réunit comme d’habitude en attendant que le président se décide sur cette question.

Il est vrai qu’il  est maître du jeu et prend son temps pour une évaluation de la situation politique et sociale dans un contexte de mouvements sociaux divers (éducation, santé).

La question  qui revient à l’esprit est la suivante : était-il opportun d’annoncer le retour d’un poste de premier ministre au moment où l’action portait  sur l’évaluation des élections locales pour en tirer des leçons afin  d’initier des réajustements politiques nécessaires ? Ceci est d’autant plus important que des membres du gouvernement, pas les moindres, ont  perdu dans les communes  où ils étaient investis. Au lendemain des résultats, les ministres concernés étaient sous l’effet d’un traumatisme politique qui empêchait certains d’apparaître au grand public, au regard des sommes colossales qui ont été dépensées sans compter avec, au bout du compte, des résultats décevants pour lesquels ils ne parviennent pas  d’ailleurs à donner une explication convaincante. Alors, l’épée de Damoclès d’un éventuel changement de gouvernement vient alourdir l’atmosphère portant des angoisses liées à des départs, signifiant la fin de privilèges et  de  notoriété accordés aux fonctions de ministre.

Cela dit, qu’est-ce qui peut motiver un changement d’équipe gouvernementale dans un tel contexte ? A mon avis, le président était trop pressé de faire une annonce sans une analyse approfondie des élections locales  qui ont montré une percée notoire de l’opposition dans les grandes villes comme Dakar, Thiès, Diourbel, etc. La majorité s’est contentée d’une lecture arithmétique des résultats plutôt que de procéder à une étude objective de la sociologie électorale locale qui aurait permis une approche lucide de ces consultations qui ne ressemblent pas aux précédentes en raison des enjeux, de  leur contexte et des événements récents qui ont marqué la vie politique. De même, les choix politiques  au moment des investitures exigent de se départir de la logique de sanctions contre les perdants  dont les effets pourraient être irréversibles parce que les rapports de forces ont été considérablement modifiés dans  des départements à fortes concentrations électorales. Dans ce cas, il convient de resserrer les liens plutôt que de cherchait des bouc-émissaires d’un scrutin peu favorable, dans son ensemble, à la majorité sans verser dans la surestimation.

Les élections législatives sont fixées au 31 juillet 2022, une période de la saison des pluies, avec des aléas climatiques, que personne ne maîtrise, susceptibles de perturber l’organisation matérielle du scrutin. L’autre point important à souligner ici, c’est de prendre le risque de composer un nouveau  gouvernement à quatre mois des législatives qui pourraient réserver des surprises si elles confirment le poids  consistant de  l’opposition dans le paysage politique. Par conséquent,  il serait plus logique de nommer un premier ministre après les élections législatives pour assurer une cohérence de l’action politique. Mais,  les pratiques n’ont pas vraiment évolué, on agite encore la stratégie de la récupération politique tout en sachant qu’elle est en soi contreproductive car la jurisprudence ou l’expérience du patron de Rewmi (Idrissa Seck) est édifiante. Dans ce tropisme, on évoque également la retrouvaille de la famille libérale sans trop y croire tout comme s’invite dans le débat la constitution d’un gouvernement élargi à l’opposition « timorée »  ou d’union nationale que rien ne justifie actuellement en respectant les principes  et règles démocratiques.

Aujourd’hui, le manque de communication sur les annonces présidentielles, les angoisses d’une probable guerre mondiale, boostant les prix des produits de premières nécessités, constituent des défis sur lesquels les citoyens attendent des gouvernants des politiques claires et rassurantes. Ainsi, Il faut rompre avec la politique politicienne de calculs et de manœuvres pour s’engager dans la voie de la modernisation de l’Etat, de l’amélioration du secteur de la santé, de l’éducation et des institutions pour une gouvernance  transparente et vertueuse.

Moussa Diaw, enseignant-chercheur en science politique, UGB de Saint-Louis.

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