epuis quelques jours, le Sénégal est sous le feu des projecteurs. Entre le conflit supposé ou réel entre deux Institutions de la République, que sont le Conseil constitutionnel et l’Assemblée nationale, et une situation politique tendue, tous les ingrédients sont réunis pour que les investisseurs, locaux et étrangers, tombent dans le doute. Disons qu’au-delà de l’abrogation du décret portant convocation du corps électoral, c’est la loi constitutionnelle No 04/2024 portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution, votée à l’hémicycle, lundi dernier, prolongeant ainsi le mandat du Président Macky Sall jusqu’à l’installation de son successeur, qui a davantage créé le court-circuit dans la démocratie sénégalaise.
«La situation délétère, les manifestations politiques, les arrestations, les journées perdues, sont entre autres des facteurs très négatifs qui sont perçus par l’investisseur et qui l’appellent à adopter un peu plus de retenue et un peu plus de vigilance et à moins de ferveur par rapport aux investissements et autres activités économiques»
Conséquence : « La situation est délétère, à travers notamment les manifestations politiques, les arrestations, les procès médiatiques, les sorties de la communauté internationale à ce sujet, certaines activités économiques au point mort et des journées perdues », explique Cheikh Mbacké Sène, expert en intelligence économique, interrogé par Source A. Impactant considérablement sur le fonctionnement de tout business, que ce soit dans le public ou dans le privé, notre interlocuteur renseigne : « Ce sont des facteurs très négatifs qui sont perçus par l’investisseur et qui l’appellent à adopter un peu plus de retenue et un peu plus de vigilance et à moins de ferveur par rapport aux investissements et autres activités économiques. »
«L’idéal aurait été d’avoir un pays qui continue d’attirer les investisseurs et les investissements directs étrangers et de garantir un environnement très propice à l’investissement autant au niveau local qu’au niveau international»
Or, en Afrique et particulièrement au Sénégal, une élection présidentielle est l’un des facteurs qui permet aux investisseurs, de part et d’autre, de se positionner sur le marché local. En effet, toute perspective de coopération par rapport à l’extérieur est suspendue aux élections. « Les investisseurs ne savent pas si c’est un régime qui va rester dans la continuité ou qu’il va changer par la volonté du peuple. Ils raisonnent de cette façon », renchérit M. Sène.
Mieux ou pire. Si en économie, il y a ce qu’on appelle le risque-pays (un environnement qui ne permet pas de sécuriser un investissement : NDLR), qui est un facteur très déterminant dans le choix des investisseurs par rapport au coût, au montant, à l’investissement de façon globale, Cheikh Mbacké Sène constate :‘‘ Depuis un certain temps, les investisseurs sont très dissuasifs à notre sujet’’. « Le Sénégal était ce pays réputé stable, qui vacille mais ne tangue pas – c’est rassurant quelque part – mais de façon récurrente, ça commence à inquiéter d’autant plus que nous avons connu des violences sans précédent durant ces trois dernières années. D’ailleurs, cela peut justifier une pression sur le gouvernement. Car, l’idéal aurait été d’avoir un pays qui continue d’attirer les investisseurs et les investissements directs étrangers et de garantir un environnement très propice à l’investissement autant au niveau local qu’au niveau international. Le jeu politique étant ce qu’il est, naturellement les investisseurs ne sont pas tout à fait rassurés d’investir dans notre pays », expliquera-t-il.
«On constate que de plus en plus les populations sont excédées par la manière dont fonctionne le régime sortant ; on est beaucoup plus proche d’un changement de régime qu’à la continuité. C’est d’ailleurs un facteur qui est intégré par les investisseurs qui sont très bien informés»
Analysant la situation ainsi, Cheikh Mbacké Sène qui, très récemment, transfuge du parti présidentiel, APR, soutient : « On constate que de plus en plus les populations sont excédées par la manière dont fonctionne le régime sortant. On est beaucoup plus proche d’un changement de régime qu’à la continuité. C’est d’ailleurs un facteur qui est intégré par les investisseurs qui sont très bien informés parce qu’ils sollicitent les cabinets pour cela. » Au chapitre des solutions, il préconise « le cumul des élections », déplorant le fait que trois élections, Locales, Législatives et Présidentielle, soient tenues en 3 ans seulement, dans un Sénégal où tout repose sur la politique. « C’est un facteur bloquant », résume-t-il.
«Nous avons des données socio-économiques qui sont quasiment au vert mais qui ne se traduisent pas dans la vie socio-économique des Sénégalais. Problème : Ou l’Etat nous ment ou il manipule les données . Ou il a l’incapacité à traduire ces performances économiques dans la vie des Sénégalais»
Pourtant, indépendamment de tout, le Sénégal enregistre des performances constantes où la croissance est entre 6 et 8% depuis quelques années. Cheikh Mbacké Sène relève : « Ce sont des données socio-économiques qui sont quasiment au vert mais qui ne se traduisent pas dans la vie socio-économique des Sénégalais . Il y a donc un problème qui se pose. Ou l’Etat nous ment ou il manipule les données. Ou il a l’incapacité à traduire ces performances économiques dans la vie des Sénégalais . Ce sont des questions qu’on se pose et qui font que les Sénégalais sont excédés parce qu’ils ne se retrouvent pas sur le plan socio-économique . »
Amadou Dia (Actusen.sn)