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« Ndut » ou l’initiation des jeunes circoncis chez les sérères : tout savoir sur la cérémonie

La circoncision est une intervention chirurgicale facultative qui consiste à enlever le prépuce qui recouvre le gland du pénis. Chez les jeunes garçons ou même chez les bébés, l’intervention est faite sous anesthésie locale contrairement aux temps anciens. En pays sérère, cette opération revêt une signification particulière. Votre canard s’est rapproché de l’historien Sobel Dione pour en savoir davantage sur les différentes phases de la pré-initiation (le wong) à la dernière étape de l’initiation.

Bien avant la cérémonie de circoncision, les jeunes circoncis se sont préparés à cette épreuve fatidique.  Il s’agit d’une danse traditionnelle dénommée « le woong ». Selon l’historien Sobel Dione, c’est une onomatopée qui rappelle le mouvement des reins du « xaat » (jeune à circonscrire) sous le rythme endiablé du tam-tam et des chants. Le woong dure environ 48 heures. Paré d’argent et d’or, le néophyte porte des habits somptueux.

Le mercredi, après le repas du soir, l’on se faufile, l’on se bouscule pour voir le xaat. Les commentaires vont bon train quant à la comparaison des xaat et des chanteuses ». Toujours selon les explications de l’historien, « l’orchestre est composé de batteurs de tam-tam de différentes sortes et de quatre ou six chanteuses. Les chanteuses toujours choisies dans la caste des griots rivalisent de verve pour acquérir une renommée. Les chants sont du style de la chanteuse Yande Codou Sène. La mission de ses cantatrices est de rappeler les faits et heures de gloire de la famille du néophyte. Afin de galvaniser les candidats à la circoncision et de toucher les cordes sensibles de leurs familles, les louangeuses n’hésitent pas à magnifier l’histoire de leurs descendances.

A l’envi, les membres des lignages paternel et maternel du « Xaat » leur offrent des cadeaux avec force paroles et défis. Elles le comparent à un lion, à une panthère. Elles l’invitent à imiter ses ascendants qui n’ont jamais reculé devant la douleur, à ne jamais engendrer la honte de sa descendance. » Pour montrer qu’il ne faillira pas à son devoir, le xaat se met à faire le « cangtax » (engagement verbal pour montrer qu’il n’aura pas peur).

Sur l’importance de ses belles et héroïques paroles, Sobel Dione précise :   » Ces paroles sont ponctuées par le son d’un tama (petit tambour) manié par un griot qui le côtoie. Le xaat (néophyte) dans le cangtax (psalmodies) promet qu’il ne vacillera pas, ne bougera pas sous l’effet du couteau, affirme qu’il n’a pas la carrure d’un couard. Pendant toute la journée du jeudi et la matinée du vendredi, le tam-tam transmet son message avec accompagnement de danse. Ici, ce n’est pas la batterie qui accompagne la danse, c’est au contraire la danse qui accompagne et met en relief le message rythmé, dont elle capte les ondes. »

Toujours à propos de cette danse symbolique et qui forge la bravoure ? « le futur circoncis frappe deux cymbales de bois appelées « Pagar ». Dansant derrière le griot qui émet un poème rythmé, il élève les « pagar » une première fois vers l’est, une seconde fois vers le sud. A quatre reprises, il se livre à cette danse sacrée des points cardinaux. Les assistants claquent des mains en cadence. A la dernière mesure du tambour, le xaat s’agenouille devant l’assistance et achève ainsi sa danse rituelle du « woong ». Les danses profanes vont commencer. Les griots sortent tout leur répertoire. Au cours de la cérémonie deux bœufs sont abattus : l’un par le père du néophyte, l’autre par son oncle.

Le ndut, étape cruciale de la socialisation du jeune sérère

Durant 48 heures, l’on mange et l’on boit son saoul, l’on danse, l’on bavarde ». Après ce rituel, les jeunes subissent l’épreuve. Parés de beaux habits et de pagnes tissés, ils entrent maintenant dans le « ndut » sous la surveillance des ‘selbés » destinés à leur enseigner les bons comportements et la morale pour la vie d’homme. C’est le « ndut ». En général, les nuits, devant un feu de bois, les jeunes circoncis reçoivent les enseignements par des anciens armés de bâtons. Sur cette étape cruciale de la vie des enfants, Sobel Dione argumente :  » Les chants peuvent se diviser en deux sous-groupes : les chants courts et les chants longs. Les chants courts ont un sens. Ce sont des devinettes orales dont on doit chercher la signification dès qu’on les chante. Les néophytes sont instamment tenus de retenir leurs sens et de pouvoir le rendre. Quant aux chants longs, les néophytes ne sont pas obligés de les commenter. Ce qui ne veut nullement dire qu’ils sont dépourvus de sens. Émaillés de mots étrangers, ils ont une belle sonorité quand on les chante en chœur. » Poursuivant, le chercheur renchérit :  » La deuxième étape éducative concerne les « cax » (devinettes). Il s’agit d’énigmes concrétisées par des mimes, par des objets ou des dispositions d’objets. Ensuite, nous avons une formation physique fondée plus particulièrement sur l’endurance corporelle. La sévérité des punitions, les excursions, les jeux faisant appel à la violence ou jeux de combat achèveront d’endurcir les néophytes. Enfin, la pédagogie nominale ; par attribution de surnoms, on exerce un certain impact sur la personnalité des néophytes. Il s’agit là d’un moyen d’ordre psychologique. On attribue aussi des surnoms aux selbés (les surveillants). Ce sont en général des surnoms d’ethnies, de castes ou d’animaux qui servent de moyens éducatifs aux initiateurs. « 

Chez les Sérères, le « ndut » est une véritable institution sociale dont les structures ressemblent à celles d’une école au sens occidental du terme. Il est encadré par une stricte hiérarchie et accompagné par des castes et des masques. Dans le « ndut », chacun doit connaître sa place et son rôle.

Matar DIOUF Correspondant à Fatick

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