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Nicaragua-Etats-Unis en passant par Honduras, Guatemala et Mexique : misères d’un voyage 

Au moment où l’on pleure les victimes de l’émigration clandestine vers l’Espagne, des jeunes ont découvert le chemin des États-Unis via le Nicaragua. Un voyage à coup de millions, en passant par Honduras, Guatemala et Mexique. Témoignages de candidats au parcours concluant et de jeunes presque sur la ligne de départ. 

Le phénomène de l’émigration clandestine a ressurgi avec son lot de morts. Des jeunes, à la fleur de l’âge, optent pour un départ souvent sans retour. C’est la route pour l’Europe qu’ils considèrent comme l’eldorado. Le pays de l’oncle Sam est aussi une destination rêvée. Ces temps-ci, Nicaragua et la frontière mexicaine sont les chemins qui y mènent pour une certaine catégorie. Habitant à Keur Massar, Doudou Dièye séjourne aux États Unis depuis un mois. Vendeur de poisson au marché de Pikine, il a réussi le périple, en sept jours. «Le voyage a duré une semaine. Le trajet est séparé en plusieurs étapes. La première se fait par avion jusqu’au Nicaragua avec des escales au Maroc et en Espagne. Ensuite, il y a des déplacements par taxis clandestins. Arrivés là-bas, ce sont les automobilistes qui courent vers nous. Ces véhicules nous conduisent à Honduras, Guatemala et ensuite vient la traversée finale par la frontière mexicaine», explique-t-il.

Doudou Dièye : «C’est dans l’illégalité puisqu’il faut solliciter les passeurs. On va de ville en ville, on y passe la nuit pour ensuite poursuivre le périple. C’est la peur constante et des prières pour que ça réussisse. Il faut cacher le peu d’argent dans son caleçon.»

Le projet, Doudou Dièye l’a mûri pour ainsi réaliser le rêve de fouler le sol américain. «C’est au cours d’une discussion au marché que j’ai, pour la première fois, entendu cette possibilité d’aller aux États Unis sans de longues procédures. Ainsi j’ai commencé à économiser et puis je suis entré en contact avec un groupe discret qui recensait des adhérents», souligne-t-il. Un pari risqué mais qu’il fallait bien prendre, selon lui. «C’est dans l’illégalité puisqu’il faut solliciter les passeurs. On va de ville en ville, on y passe la nuit pour ensuite poursuivre le périple. C’est la peur constante et des prières pour que ça réussisse. Il faut cacher le peu d’argent dans son caleçon», relève-t-il.

Moustapha, déjà arrivé aux Etats Unis, confesse : «Arrivé au Nicaragua, il faut vivre en cachette car c’est une zone de transit. C’est un melting-pot. On sent la ferveur des mafias mexicaines. Des agressions surgissent.»

C’est une tentative également réussie pour Moustapha. Il est aussi commerçant. Pour lui, le départ a eu lieu le 1er août 2023. Arrivé au Nicaragua, les difficultés ne l’ont pas épargné. «Arrivé au Nicaragua, il faut vivre en cachette car c’est une zone de transit. C’est un melting-pot. On sent la ferveur des mafias mexicaines. Des agressions surgissent. En attendant le jour convenu pour la traversée, certains sont obligés de dormir à la belle étoile ou dans les bidonvilles s’ils n’ont pas de parents ou de quoi payer un hôtel», répond Moustapha sur WhatsApp. Aujourd’hui, après le succès de ce voyage mouvementé, il s’entretient constamment avec de jeunes qui nourrissent le même rêve. Arrivés aux États Unis, les migrants sont accueillis dans les camps. «Moi, j’ai intégré le camp de Tijuana. C’est moins peuplé, tu peux en sortir en moins de cinq jours et rejoindre tes parents établis dans les différentes villes américaines », explique Doudou.

Daouda : «Pour réussir le voyage, c’est au minimum 4.500.000 francs Cfa. Le billet Dakar Nicaragua et les prestations des passeurs m’ont coûté 4.800.000 de francs Cfa. Entre le Nicaragua et les États Unis, c’est la loi du plus offrant. Les passeurs et les transporteurs te demandent de l’argent en euros à chaque étape.»

Une fois arrivés au Nicaragua, ces candidats à l’émigration vers le pays de l’Oncle Sam peuvent connaître la barrière linguistique. Mais ce n’est pas assez grave. Dans ce milieu, c’est l’argent qui parle et non la bouche. Pour Daouda, le voyage peut être moins risqué si tu as de quoi satisfaire les différentes requêtes. «Pour réussir le voyage, c’est au minimum 4.500.000 francs Cfa. Le billet Dakar Nicaragua et les prestations des passeurs m’ont coûté 4.800.000 de francs Cfa. Entre Nicaragua et les États Unis, c’est la loi du plus offrant. Les passeurs et les transporteurs te demandent de l’argent en euros à chaque étape. Moi, par exemple, j’ai donné 300.000 francs Cfa et ensuite 400.000 francs. Malgré tout, j’ai été refoulé. Devant cette situation, il faut attendre deux jours pour une nouvelle tentative. Et là, j’ai donné 120.000 FCfa en complément. La deuxième tentative a été la bonne », indique Doudou. À l’en croire, le candidat refoulé retourne au Nicaragua pour préparer une prochaine tentative dans un intervalle de 2 à 4 jours.

C’est une affaire de millions, confirme Moustapha. Pour y aller, il lui a fallu glaner 4.000.000 F Cfa pour le billet, les pots-de-vin et l’argent de poche. «C’est un nouveau chemin. Et la plupart du temps, c’est la réussite. Au départ, tu es informé de tout par une équipe bien organisée. Ainsi, si tu as de l’argent, tu passes après deux ou trois tentatives», relate Moustapha. Installé au pays de l’Oncle Sam, loin de sa banlieue dakaroise, il s’attend à un séjour couronné de réussite professionnelle et sociale.

Boubacar : «J’ai vendu ma moto et des marchandises de mon magasin. Aujourd’hui, mon seul rêve c’est de réussir aux États Unis. Tout est déjà planifié et le départ est imminent.»

L’arrivée de certains jeunes sur le sol américain aiguise l’appétit de leurs camarades. Ils sont en contact permanent. Ainsi, un nouveau voyage se prépare. Pour un petit, il est prévu ce 1er septembre. Amath sera parmi les candidats. Après le départ de son meilleur ami, il est soutenu financièrement par sa sœur établie en France. «Si l’expérience est bonne pour mon ami, ça peut également l’être pour moi. Donc, je vais tenter le coup car depuis l’obtention du Baccalauréat, je n’arrive pas à trouver un emploi. Peut-être, une fois arrivé là-bas, je pourrai gagner ma vie dignement», espère-t-il. Également candidat aux prochains départs, Boubacar nourrit la même ambition. C’est un chemin couronné de succès et une émigration réussie. «J’ai vendu ma moto et des marchandises de mon magasin. Aujourd’hui, mon seul rêve c’est de réussir aux États Unis. Tout est déjà planifié et le départ est imminent», confie le jeune homme.

Les départs réussis ont aiguisé l’appétit des autres. Et actuellement, tous les chemins mènent au Nicaragua…aux États Unis. Même s’il n’a pas encore les moyens, Abdoulaye Fall en rêve. Habitant à Thiaroye, il compte les passages réussis. «Le seul frein pour moi, c’est le manque de moyens. Si j’ai de l’argent, je n’hésiterai pas faire le voyage. Là-bas, on est sûr d’avoir de l’argent et du travail. Trois de mes amis ont réussi à effectuer le voyage», souligne-t-il. «Si c’est bon pour eux, ça peut également l’être pour moi. Donc, il n’y a pas lieu de réfléchir », ajoute-t-il.

Facebook, un lieu de recrutementUn homme, sa femme et leur fils de 2 ans sont aux États-Unis, via le même trajet 

Sur Facebook, il suffit de taper Nicaragua sur la barre de recherche pour recevoir une palette de propositions. «Billet d’avion et dossier à 3.000.000 F Cfa », « voyage garanti », lit-on sur ce réseau social. Certains qui ont déjà réussi le passage font même des lives pour expliquer le processus. Ces ainsi un lieu de rencontre entre passeurs et migrants. « La plupart du temps, c’est le canal utilisé par les passeurs. C’est à partir de Facebook que des équipes sont constituées pour l’achat de billet et les départs. C’est également Facebook qui a donné de l’ampleur au phénomène. Aujourd’hui les candidats sont assez nombreux », souligne Amath. C’est également le lieu pour certains voyageurs de retracer leur périple. « Le chemin n’est pas aussi dangereux qu’on le pense. J’ai vu un homme partir avec sa femme et son fils de 2 ans. J’ai également une cousine, qui est partie il y a dix jours et elle a réussi à s’installer aux États-Unis », témoigne une internaute.

Adja Khoudia THIAM (Actusen.sn)

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