Le représentant du Ministère public a requis, hier, une peine ferme de 5 ans contre Emmanuel Boniface Dzou. Qui comparaissait à la barre des flagrants délits de la deuxième Chambre correctionnelle du tribunal de Dakar pour répondre des faits d’exercice illégal de la médecine, de mise en danger de la vie d’autrui, d’homicide involontaire sur la personne de Momar Diop et de faux et usage de faux dans un document administratif.
Emmanuel Boniface Dzou risque de ne pas rentrer de sitôt dans son pays natal, le Cameroun. La raison : le représentant du Ministère public a demandé, hier, au juge des flagrants délits de la 2ème Chambre correctionnelle du tribunal Dakar de le condamner à une peine ferme de 5 ans. Il comparaissait à la barre pour répondre des faits d’exercice illégal de la médecine, de mise en danger de la vie d’autrui, d’homicide involontaire sur la personne de Momar Diop et de faux et usage de faux dans un document administratif. En effet, le prévenu, propriétaire d’une clinique établie à Ouakam, a injecté une forte dose de vitamine C à la victime qui est finalement passée de vie à trépas.
Aby Diop, sœur du défunt : «après la mort de mon frère, Emmanuel Boniface Dzou nous a réclamé le paiement d’une facture de 800.000 francs avant de faire la fête le jour de l’enterrement»
La sœur de Momar Diop qui le désigne comme principal responsable de la mort de son frère a saisi la justice. À la barre des flagrants délits, hier, la plaignante raconte que le prévenu avait administré un traitement moyennant la somme de 3.000.000 de francs à son frère qui souffrait d’un cancer. Mais, regrette la dame Aby Diop, le traitement n’a fait qu’aggraver l’état de santé de son frangin car, celui-ci avait le pied enflé et des infections cutanées sur tout le corps. Comble de tout, déplore la partie civile, la mort de son frère n’a même pas affecté le prévenu qui se réclamait ami de la victime. Alors qu’elle faisait le deuil de leur parent, Aby indique qu’Emmanuel Boniface Dzou a réclamé à la famille du défunt le paiement d’une facture de 800.000 francs. Ce, « avant de faire la fête le jour de l’enterrement alors qu’il disait que mon frère était son ami ».
Le juge au prévenu : «selon les recherches, vous n’êtes pas connu en Ukraine et vous n’avez pas soutenu. Vous avez plutôt obtenu vos attestations via WhatsApp car le Recteur est votre ami»
Écroué depuis le 22 février 2021, Emmanuel Boniface Dzou a été appelé à la barre des flagrants délits de la deuxième chambre correctionnelle du tribunal de Dakar. Invité à servir une explication au juge sur les faits qui lui valent sa comparution, le ressortissant camerounais a tout battu en brèche. À l’en croire, il est médecin généraliste même s’il avoue ne s’être pas inscrit à l’ordre des médecins du Sénégal. « J’ai fait aussi une spécialisation en maladie dégénérative au Canada. J’ai eu mon diplôme d’État en Ukraine où j’ai passé sept ans. Quand je suis venu au Sénégal, j’ai commencé à travailler à l’hôpital Principal », soutient-il. Au juge de lui lancer : « Selon les recherches, vous n’êtes pas connu en Ukraine et vous n’avez pas soutenu. Vous avez plutôt obtenu vos attestations via WhatsApp car le Recteur est votre ami.» Le prévenu de répliquer: «C’est parce que le Cameroun n’a pas payé pour que j’obtienne le diplôme.»
Interpellé sur sa non-inscription au tableau de l’Ordre des médecins du Sénégal, le prévenu a évoqué la méconnaissance de la législation sénégalaise. Selon lui, il n’a jamais fait l’objet de reproche à l’hôpital Principal de Dakar, à Philippe Maguilène Senghor et autres structures sanitaires publiques où il a eu à exercer. Le juge lui rappelle à cet effet que le médecin qui le supervisait à l’hôpital Principal a dit qu’il exerçait là-bas en tant que stagiaire et qu’il lui a finalement demandé de partir parce qu’il pratiquait mal.
Prévenu : «la victime était malade depuis longtemps. Je lui ai fait une perfusion qui n’est pas passée car ses veines étaient roses»
Concernant l’infraction d’homicide involontaire, Emmanuel se défend : « Docteur Momar Diop était malade depuis longtemps. Je lui ai fait une perfusion qui n’est pas passée car ses veines étaient roses. Sa sœur n’a jamais assisté au traitement. J’ai mis de la vitamine C. Quand son état s’est empiré, c’est moi qui ai appelé l’ambulance.» Selon le juge, le médecin-chef du centre de santé Philippe Maguilène Senghor de Yoff, Dr Diop, lui a fait savoir qu’il n’a jamais vu quelqu’un être à la fois cardiologue et cancérologue. « Donc vous êtes le premier à l’être», déclare le magistrat.
Parquet : «le prévenu a eu à faire des interventions et qu’il y a un lien direct ou indirect entre son intervention et la mort de la victime»
Convaincu de la constance des faits, le substitut du procureur a requis une peine ferme de 5 ans contre Emmanuel Boniface Dzou. « Nous avons des éléments qui nous prouvent qu’il se comportait comme un médecin. Il vendait des médicaments et avait des factures et des bulletins d’analyse », affirme le parquet. Pour l’infraction d’homicide involontaire, il indique que le prévenu a eu à faire des interventions et qu’il y a un lien direct ou indirect entre son intervention et la mort de la victime.
Pour les conseils de la défense, en l’occurrence, Mes François Senghor et Alioune Badara Ndiaye, seules deux choses peuvent être reprochées à leur client : la négligence professionnelle et l’exercice illégal de la médecine. À les en croire, si Emmanuel n’avait pas de diplôme, il n’aurait pas exercé dans une structure étatique. Les robes noires estiment également que seule l’autopsie pouvait élucider les causes de la mort de Momar Diop. L’affaire mise en délibéré, le juge rendra sa décision le 14 avril prochain.
Adja K. Thiam (Actusen.sn)