Les relations entre colocataires sont souvent heurtées, surtout si l’un d’eux est invivable et irascible. L’intolérance et l’incompréhension peuvent faire vivre une guéguerre sans fin. Tel est le cas de Ana Seynabou Ba et sa colocataire, Khady Diouf. La première nommée a été trainée devant dame justice pour avoir écorché l’œil droit de sa voisine.
Les faits ont eu lieu dimanche dernier, jour de repos de Khady qui est femme de ménage. Alors que cette dernière nettoyait devant sa chambre, Anna est venue lui chercher des noises, disant qu’elle lui a versé de l’eau. La querelle est, ainsi, déclenchée et il s’en est suivi le crêpage de chignons. Après avoir entraîné Khady dans sa propre chambre, Ana l’a bien tabassée jusqu’à lui arracher son œil droit. Partie faire consulter la blessure à l’hôpital, Khady apprend que son œil qui déjà, avait des problèmes, est devenu invalide.
Anna Seynabou Ba : « elle m’a mordue et je me suis débattue en lui donnant des coups. Son œil ne voyait pas »
Venue faire face au juge pour répondre des faits de coups et blessures volontaires sur une personne de sexe féminin, Ana ne ressemble pas du tout à la peinture qu’on a faite d’elle. Elle est physiquement belle, avec un teint clair. Beaucoup moins âgée que la plaignante, elle a des formes généreuses. Devant la barre, elle a rejeté en bloc les faits qu’on lui reproche. Selon elle, elles se sont bagarrées et chacune cherchait à se défendre.
« Elle m’a versé de l’eau, je lui ai demandé pourquoi elle a fait ça. Elle m’a attaquée et m’a entraînée dans la chambre. Elle m’a mordue et je me suis débattue en lui donnant des coups. Elle a appelé au secours, disant que je tentais de la tuer. Je ne sais pas à quel endroit je l’ai frappée. Aussi, il faut savoir que son œil ne voyait pas », s’est-elle défendue.
À en croire la comparante, son dissentiment avec Khady Diouf ne date pas d’aujourd’hui. « Ce sont nos fils qui se sont chamaillés en premier et je l’ai prévenue. Elle m’a dit qu’elle ne sera pas en paix tant qu’elle ne m’aura pas fait du mal », renseigne la vendeuse de friperie. Toutefois, elle a demandé pardon à la victime et promet de rembourser l’argent dépensé pour les ordonnances.
Khady Diouf : « j’ai un certificat médical, je me retrouve avec une Itt de 30 jours »
Après la déclaration de la mise en cause, la partie civile, Khady Diouf a également donné sa version des faits. L’œil droit entièrement couvert d’un pansement, elle est certes une femme frêle mais, a la langue bien pendue. En atteste son comportement devant le juge.
« Je ne passe la journée à la maison que les dimanches. Ce jour-là, je nettoyais l’entrée de ma chambre. Elle est passée derrière moi et m’a demandé pourquoi j’ai versé de l’eau dans le couloir. Pourtant le couloir est assez grand pour qu’elle puisse passer sans s’intéresser à ce que je faisais. Elle a donc pris un seau et m’a menacée avec. Elle m’a assaillie et m’a jeté dans ma chambre. Elle m’a frappée, mais j’ignore si elle l’a fait avec un objet ou pas. Là, j’ai un certificat médical et je me retrouve avec une Itt de 30 jours », narre-t-elle, en remettant au juge le papier que lui a remis le médecin. Très prolixe, elle ajoute : « elle ne passe au couloir que quand je suis là-bas. J’avais des problèmes aux yeux, mais je les avais soignés et finalement je voyais clairement ».
Avocat de la défense : « quand il y a une bagarre, il y a forcément des blessures. Et c’est Khady qui les a subis. Ce n’est pas une preuve que celle-là est une belliqueuse »
Prenant la parole, les deux avocats de la défense ont bien sermonné leur cliente. Selon eux, Ana doit éviter les problèmes car vivons en société. Toutefois, ils considèrent que leur cliente n’a fait que se défendre. « Ce sont des faits qui sont constants. Nous n’avons pas les aptitudes pour contester les dossiers médicaux. Quand il y a une bagarre, il y a forcément des blessures. Et c’est Khady qui les a subis. Ce n’est pas une preuve que celle-là est une belliqueuse. Leur première altercation a eu lieu il y a plus d’un an et depuis lors il n’y a eu aucun problème entre elles. Donc, il ne peut y avoir de préméditation », plaide la robe noire. Et son confrère de renchérir : « c’est la partie civile qui l’a attaquée. Il y a un fait qui a déclenché la bagarre, mais il n’y a pas de préméditation. Son œil avait déjà des problèmes de santé. Ma cliente, aussi, a eu un certificat médical avec une Itt de 7 jours ».
Aussitôt terminé, la plaignante, trop sur la défensive, a commencé à rouspéter depuis le fauteuil dans lequel elle était assise. « Mettez-vous dans la tête que je ne lui ai pas pardonné ! »
Après leurs plaidoiries respectives, les deux avocats ont demandé pour leur cliente une application extrêmement bienveillante de la loi pénale parce qu’elle est mère de famille.
Le Procureur de la République : « la préméditation peut bel et bien être retenue dans ce dossier »
De l’avis du représentant du Ministère public, la culpabilité de la prévenue ne souffre d’aucune contestation. Car, la plaignante n’a pas assez de force pour entraîner Ana dans sa chambre. « Ce qui est clair, c’est qu’il y a eu une bagarre et des coups ont été échangés. A l’issue de la bagarre, Khady Diouf a perdu son œil droit, ce qui peut causer une infirmité. La préméditation peut bel et bien être retenue dans ce dossier », a-t-il estimé. Sur ce, il a demandé à ce que Ana soit déclaré coupable et que la possibilité de sursis soit écartée. « Je requiert 6 mois d’emprisonnement ferme pour la prévenue. Cette peine sera assez dissuasive à son encontre », termine-t-il.
Finalement, le juge a mis l’affaire en délibéré au 31 décembre prochain.
Adja Khoudia Thiam, (Stagiaire-Actusen.sn)