« Nous, citoyens de Guédiawaye, et particulièrement de Wakhinane Nimzatt et de Medina Gounass, sommes tous unis et nous nous battrons de toutes nos forces pour sauvegarder notre legs et récupérer tous les quartiers originels qui font partie de notre patrimoine et de notre histoire ».
C’est par ce ton ferme et sans ambages que les populations de cette partie de la banlieue dakaroise déclarent à qui veut les entendre que rien ni personne ne saurait leur arracher « Marché Bou Bess » qu’elles qualifient de patrimoine privé et de legs de leurs anciens.
Regroupées autour de leur porte-parole du jour, Abdou Khafor Touré, les populations de Guédiawaye, qui se sont réunies en Assemblée générale, ce dimanche, se veulent formelles : « ce marché n’a jamais été une propriété de Pikine, mais plutôt celle de Guédiawaye », disent-elles.
Pour elles, « c’est un fait historique et les anciens de Pikine, Thiaroye, Yeumbeul ou Malika peuvent en témoigner : le marché a été créé par et pour les citoyens de Guédiawaye. C’est marché Boubess de Guédiawaye ! ».
La tonalité du discours ne trompe pas. La détermination ne souffre d’aucun doute et le vocabulaire utilisé est celui qui colle bien à la guerre. En effet, en Assemblée générale, ce dimanche, les populations de Guédiawaye, notamment de Wakhinane Nimzatt et de Médina Gounass ont exprimé leur engagement inébranlable de se battre de toutes leurs forces, pour que jamais « Marché Bou Bess », qu’elles qualifient de patrimoine privé, ne leur soit arraché. Pour légitimer leur combat, elles ont égrainé une kyrielle de raisons.
« Depuis sa création, le marché a toujours été occupé par la population de Wakhinane Nimzatt. Les commerçants, qui l’occupent ainsi que ceux qui s’y approvisionnent sont à plus de quatre vingt pour cent (80%) d’authentiques ressortissants de Guédiawaye et de Wakhinane Nimzatt en particulier. Ils se soignent dans les structures sanitaires de Wakhinane Nimzatt, leurs enfants fréquentent les écoles de notre commune et ils bénéficient également de tous les services de la commune de Wakhinane Nimzatt », selon le porte-parole du jour, Abdou Khafor Touré.
En plus, « toutes les populations habitant la zone aux alentours du marché, se font établir leurs actes administratifs (extraits de naissance, actes de mariage, certificat de résidence, et autres) à Wakhinane Nimzatt, la scolarité de leurs enfants est assurée par les écoles de la commune et ils y accomplissent leur devoir civique notamment, le vote pour toujours marquer leur appartenance inaliénable à Guédiawaye », explique Abdou Khafor Touré.
« Comment un quartier irrégulier comme Djeddah Thiaroye Kao peut-il prétendre s’adjuger ce marché… »
Pour lui, « le Maire de Djeddah Thiaroye Kao ne peut pas en faire une affaire politique, allant même jusqu’à chercher des «mercenaires» au lieu de compter sur le soutien de la population, faisant ainsi fausse route ». Et puis, Abdou Khafor Touré glisse une question destructrice en ces termes : « comment un quartier irrégulier comme Djeddah Thiaroye Kao peut-il prétendre s’adjuger un marché au détriment d’une Communauté érigée selon les normes et lois édictées de ce pays? ».
Le porte-parole des populations de Guédiawaye d’en rajouter cette couche : « nous, à Wakhinane Nimzatt, tous les conseillers sans distinction de partis, y compris celui dont il se réclame, sont partie prenante dans le combat pour la sauvegarde de notre patrimoine et la préservation de notre héritage. Par conséquent, notre combat est citoyen et non politique ».
Abdou Khafor Touré : « nous, à Wakhinane Nimzatt, tous les conseillers, sans distinction de partis, y compris celui dont se réclame le maire de Djiddah Thiaroye Kao. Par conséquent, notre combat est citoyen et non politique »
Convaincus que, « de tout temps et même pendant 12 ans de règne du Parti démocratique sénégalais, le problème n’a jamais été soulevé et c’est Guédiawaye qui collectait les recettes de marché Boubess », Abdou Khafor Touré et les siens ne comprennent pas que l’édile de Djeddah Thiaroye Kao veuille s’agripper au marché.
Or, « par son histoire et l’origine des propriétaires des biens marchands, marché Boubess a toujours appartenu à Guédiawaye. En effet, ce marché a été crée en 1975 par les habitants des anciens quartiers de Wakhinane, Nimzatt, Angle Mouss et Bagdad à la suite de leur déguerpissement du centre-ville de Dakar vers Guédiawaye. Cette population délocalisée avait exigé la mise à leur disposition d’infrastructures scolaires, sanitaires et économiques ».
C’est ainsi que, fait noter le porte-parole des populations de Guédiawaye, « nos vieux des premiers quartiers de cette zone ont installé les premiers piquets de ce qui deviendra le « marché boubess ». Il s’appelait alors marché zinc puisqu’il n’y avait au début qu’un seul grand hangar en zinc que l’on apercevait de loin. Ce marché, implanté dans la douleur par une population profondément touchée et dépaysée par le déguerpissement, fait ainsi partie du patrimoine de Guédiawaye ».
L’avertissement sonne ferme : « Guédiawaye ne laissera jamais passer le projet de lui arracher marché Boubess. Nous n’accepterons jamais d’être dépossédés de ce legs de nos anciens ».
Lors de leur Assemblée générale, Guédiawaye s’est montré intransigeant. « Ce marché n’a jamais été une propriété de Pikine mais plutôt celle de Guédiawaye. C’est un fait historique et les anciens de Pikine, Thiaroye, Yeumbeul ou Malika peuvent en témoigner : le marché a été créé par et pour les citoyens de Guédiawaye. C’est marché Boubess de Guédiawaye !
D’ailleurs, « depuis sa création, le marché a toujours été occupé par la population de Wakhinane Nimzatt. Les commerçants qui l’occupent ainsi que ceux qui s’y approvisionnent sont à plus de quatre vingt pour cent (80%) d’authentiques ressortissants de Guédiawaye et de Wakhinane Nimzatt en particulier. Ils se soignent dans les structures sanitaires de WakhinaneNimzatt, leurs enfants fréquentent les écoles de notre commune et ils bénéficient également de tous les services de la commune de Wakhinane Nimzatt.
En plus, toutes la populations habitant la zone aux alentours du marché, se font établir leurs actes administratifs (extraits de naissance, actes de mariage, certificat de résidence, et autres) à Wakhinane Nimzatt, la scolarité de leurs enfants est assurée par les écoles de la commune et ils yaccomplissent leur devoir civique notamment le vote pour toujours marquer leur appartenance inaliénable à Guédiawaye », argumente Guédiawaye.
Quid du statut du marché, avant l’Acte 3 de la Décentralisation ? Abdou Khafor Touré et les siens répondent en choeur : « marché Boubess était compris dans le patrimoine de l’ex-ville de Guédiawaye et avait toujours relevé de la compétence de la Mairie de la Ville de Guédiawaye. Ainsi les taxes municipales y étaient toujours perçues pour le compte de Guédiawaye ».
Mieux, disent-ils, « conformément au décret n° 2014-926 du 23 juillet 2014 fixant les conditions de dévolution du patrimoine et de redéploiement du personnel des régions et des anciennes villes, le Préfet a pris un arrêté portant dévolution du patrimoine, redéploiement du personnel et répartition des actifs et passifs financiers de l’ex-ville à la nouvelle Ville et aux communes.
Pour montrer la légitimité de leur combat, Abdou Khafor Touré et Cie prennent à témoin « les anciens de Pikine, Thiaroye, Yeumbeul ou Malika »
Il est nécessaire d’insister sur le fait que ce marché ne dépendait pas du patrimoine de la Mairie de l’ex-Ville de Pikine, et par conséquent ne devait pas être concerné par la dévolution de son patrimoine. Et aucune commune de Pikine ne peut en revendiquer l’héritage ».
Autre argumentaire : « qu’à toutes ces circonstances, s’ajoute le droit acquis que constitue depuis toujours l’affectation des ressources financières de ce marché à Guédiawaye. La seule vérité est que marché Boubess a toujours appartenu à Guédiawaye, c’est un bien de Wakhinane Nimzatt. Et qu’à cet effet, Guédiawaye ne laissera jamais passer le projet de lui arracher marché Boubess.
« En 1997, il était une fois une première tentative d’expropriation du marché et s’en était suivi… «
Désireuses de se battre jusqu’à leur dernier souffle, afin que le marché ne leur file pas entre les doigts, les populations replongent l’opinion dans un passé vieux de 20 ans. « En 1997, la première tentative d’expropriation du marché s’était heurtée à une forte détermination des populations de Guédiawaye et aussi un refus catégorique des commerçants du marché.
Lors de ce premier conflit ayant opposé la commune Djiddah Thiaroye Kao aux communes de Wakhinane Nimzatt et de Médina Gounass, le Gouverneur Maham Diallo, fort du décret 72-636 qui lui donne le pouvoir de suspendre tout acte dont l’application peut conduire à des affrontements ou à des troubles à l’ordre public, avait décidé en 1997, sur instruction du Ministre de la Décentralisation, de couper la poire en deux en attendant une décision des autorités centrales.
Ainsi la commune de Djiddah Thiaroye Kao devait percevoir les taxes sur les marchés Nietty Mbar et Peund tandis que la ville de Guédiawaye allait faire de même au marché Boubess ».
S’agissant du décret 96-745 qui a amputé Guédiawaye de certains de ses quartiers originels dont Bagdad, une partie de Nimzatt et une bonne partie de Gounass, le Gouverneur avait reconnu « qu’il est une œuvre humaine destinée à des hommes, donc pouvant subir des réaménagements ».
Pikine et Guédiawaye avaient toujours respecté cette décision en attendant une correction définitive de cette incohérence territoriale.
Les décrets et lois sont faits par des humains qui peuvent se tromper et il appartient à tout un chacun d’œuvrer pour la réparation des injustices administratives. C’est dans ce sens que de l’acte 3 de la décentralisation, dans sa deuxième phase, parle de la restauration de la cohérence territoriale ».
Modou Awa Seck, Stagiaire Actusen.com