L’imam Ousmane Galadio Ka a finalement été jugé hier à la barre de la Chambre correctionnelle du tribunal de Grande instance de Dakar. Il a été traduit devant cette juridiction par le collectif des veilleurs chrétiens pour propos « offensants », à l’endroit de leur communauté.
L’imam Ousmane Galadio Ka encourt 2 ans dont 6 mois d’emprisonnement ferme, si la Chambre correctionnelle suit le réquisitoire du Ministère public. Il a été attrait devant cette juridiction par le collectif des veilleurs chrétiens. Ces derniers l’accusent d’avoir tenu des propos «offensants» à l’encontre de la religion chrétienne, lors d’une conférence religieuse publique, à Gorée en septembre 2018.
Dans une salle pleine à craquer, l’imam se dirige lentement au parloir. Face aux juges, il conteste les faits d’injures qui lui sont reprochés. Agé de 54 ans, l’homme religieux, qui est soutenu par ses condisciples qui étaient nombreux dans la salle d’audience, précise qu’en faisant ses prêches, il n’a cité aucune communauté religieuse. «Je n’ai insulté personne. J’ai tenu ces propos, le 18 septembre 2018. Je voulais juste expliquer aux gens que parmi ces 95% de musulmans, il y a des gens qui négligent les préceptes de l’Islam», a-t-il expliqué.
A l’en croire, il n’a pas cité la minorité qui représente 5%, pour jeter sur elle le discrédit. «Je me suis inspiré d’un hadith. Ce hadith stipulait qu’à une certaine époque, les musulmans, malgré le fait qu’ils soient majoritaires, seront nombreux à commettre les pires péchés », a-t- poursuivi.
Pour sa part, la partie civile Efrenne Manga soutient : « C’est à travers les réseaux sociaux que j’ai vu la vidéo de deux minutes. J’ai cru que les propos de l’imam sont sortis de leur contexte. De ce fait, j’ai tout fait pour avoir l’intégralité. Et je l’ai bien entendu dire que la religion chrétienne admet l’adultère et d’autres péchés. Ça m’a fait mal». Le plaignant, en sous-entendant que l’imam, lors de son discours, rangeait tous les péchés sous le compte des 5%, fulmine : «même le dixième commandement nous interdit ces péchés. Pour préserver la cohésion sociale, j’estime qu’il n’aurait pas dû tenir ce genre de propos. Le mal ne vient d’aucune religion, ça réside dans le cœur des gens », insiste-t-il. Puis, il a confié avoir lancé une pétition sur internet pour collecter les signatures des gens qui se sont sentis vexés par les propos de l’imam.
Me Etienne Dionne de la partie civile : «ce n’est pas une race qui est mauvaise, ni une religion. C’est l’homme qui est mauvais»
Pour Me Etienne Dionne, un des conseils de la partie civile, il est nécessaire d’arrêter l’extrémisme qui gerbe de part et d’autre. Selon la robe noire, cette affaire ne devrait même pas atterrir à la barre. Favorable à la cohésion sociale entre musulmans et chrétiens, Me Dionne affirme : « ce n’est pas une race qui est mauvaise, ni une religion. C’est l’homme, qui est mauvais». Quant à Me Ousseynou Gaye, il soutient que le prévenu a fait une reculade à la barre, en ne réitérant pas ses propos. Pour les dommages et intérêts, la partie civile n’a réclamé que le franc symbolique.
Dans son réquisitoire, la représentante du Ministère public a estimé que les faits sont constants. A cet effet, elle a requis deux ans dont 6 mois d’emprisonnement ferme contre Ousmane Galadio Ka. «Les faits sont d’une particulière gravité qui risque de causer des troubles. Les gens doivent se plier aux lois et règlements du Sénégal qui est un Etat laïc. On ne doit pas permettre ce genre de discours. Ne tentons pas le diable!», a relevé la substitut du procureur.
Me Ndoumbé Wane : «en tant qu’imam, en 2018, lors de cette conférence, l’imam était dans son rôle. On ne prêche pas pour caresser…»
Les avocats de la défense, à tour de rôle, ont sollicité le renvoi de l’imam des fins de la poursuite. Selon eux, les faits ne sont pas caractérisés. «Il n’a jamais prononcé le nom des chrétiens ni celui des animistes ou encore moins des juifs. Il sollicite le renvoi de l’imam des fins de la poursuite», a plaidé Me Babacar Ndiaye. Et Me Ndoumbé Wane de renchérir : «en tant qu’imam, en 2018, lors de cette conférence, l’imam était dans son rôle. On ne prêche pas pour caresser. On le fait pour dire la vérité. Il assume ses propos et nous ses conseils nous l’assumons ».
Selon Me Moussa Sarr, le ministère a été sévère à l’égard du prévenu. A en croire l’avocat, les propos de leur client ne constituent pas un trouble à l’ordre public, c’est plutôt l’enrôlement de ce dossier qui est troublant. Au terme des plaidoiries, la Chambre correctionnelle a mis l’affaire en délibéré. Le jugement sera rendu le 10 décembre prochain.
Maguette Ndao (Actusen.sn)