La Cour des comptes poursuit la publication de ses rapports comme voulu par le Président Bassirou Diomaye Faye. Dans le rapport définitif consacré à la gestion au sein de l’office national de l’assainissement du Sénégal (ONAS) entre 2012 et 2017, le document fait état de nombreux manquements qui ont été constatés dans le pilotage, la mobilisation et l’utilisation des ressources et dans la gestion de l’activité. Aussi, d’importants efforts sont à faire dans la planification, la mobilisation et l’utilisation des ressources, estime les contrôleurs. De la même façon, la rationalisation des effectifs est un impératif pour permettre à l’ONAS de consacrer davantage ses ressources à sa mission de développer l’assainissement sur l’ensemble du territoire national, ce qui est loin d’être le cas, lit-on dans le rapport. Quant aux ouvrages d’assainissement, la question de leur maintenance et de leur renouvellement est plus qu’à l’ordre du jour eu égard au risque réel attaché à leur dysfonctionnement. En résumé, indique le rapport, l’ONAS a besoin d’un souffle nouveau, d’une nouvelle dynamique résolument orientée vers la performance.
A l’office national de l’assainissement du Sénégal, les contrôleurs de la Cour des comptes ont constaté ce qu’ils ont qualifié d’Abus sur les indemnités octroyées aux membres du comité technique du projet Bill et Melinda GATES. En effet, les financements provenant des PTF sont généralement destinés à la réalisation des investissements. Cependant, l’ONAS bénéficie depuis novembre 2011 d’un don initial de la Fondation Bill et Melinda Gates d’un montant de 3 183 383 dollars US (1 591 691 392 FCFA), avec pour objectif le développement d’un modèle technique et opérationnel qui démontre la capacité à générer de la valeur ajoutée à partir des processus d’assainissement au profit des ménages à faibles revenus.
Pour ce faire, le Programme de Structuration du marché des Boues de Vidange a été créé et l’accord de dons avait exigé que les fonds en principal et intérêts soient exclusivement destinés au projet.
La Cour des comptes épingle les Dg Amadou Lamine Dieng, Alioune Badara Diop, et Lansana Gagny Sakho sur les indemnités octroyées aux membres du comité technique du projet Bill et Melinda GATES
L’exécution des dépenses liées à ce projet fait l’objet d’un rapport annuel validé par le bailleur de fonds. Cependant, il a été constaté l’octroi d’indemnités mensuelles aux membres du comité technique. En effet, les différents Directeurs généraux qui se sont succédé durant la période sous revue ont, tour à tour, pris des notes de service pour attribuer des indemnités mensuelles aux membres du comité technique suivant le poste occupé au sein de l’ONAS et non en fonction du niveau d’intervention dans la gestion du projet. Il s’agit de Monsieur Momar NDIAYE jusqu’en mars 2013 ; Monsieur Ibrahima AGNE, mars 2013, Amadou Lamine DIENG, Monsieur Alioune Badara DIOP, nommé par décret n°2012-1412 du 06 décembre 2012 ; Monsieur Lansana Gagny SAKHO, nommé par décret n°2017-1556 du 11 septembre 2017, selon le rapport.
Pire, un agent du Ministère a été intégré pour bénéficier de cette indemnité. Toutefois, le rapport précise que les rapporteurs n’ont aucune preuve des activités de ce comité du fait de l’absence d’acte attestant le déroulement de leurs activités (PV, rapport d’activités, etc.). En tout état de cause, le document ajoute que l’ancien DG, Amadou Lamine DIENG avait fixé en avril 2012 son indemnité mensuelle à 800.000 francs CFA, le directeur des études et des travaux, l’ACP et le DEX avaient chacun 500.000 FCFA alors que le coordonnateur des travaux et le chef de service assainissement autonome avaient respectivement 300 000 et 100 000 FCFA par mois. Son successeur, Alioune Badara DIOP a procédé à des modifications régulières des montants et des bénéficiaires. Il a d’abord fait passer le nombre de bénéficiaires de cette indemnité mensuelle de 6 à 15 agents en faisant baisser le montant de l’indemnité. L’indemnité mensuelle du DG passe ainsi de 800 000 à 490 000 FCFA par Note de service n°0037 du 25 avril 2013 puis à 400 000 en décembre 2013 avant de remonter à 540 000 FCFA en septembre
2014 puis à 650 000 FCFA en janvier 2015 et en janvier 2016 à 680 000 FCFA. Il en fait aussi bénéficier à plusieurs agents de la tutelle technique à savoir Ababacar MBAYE, CT/MHA, Hameth Baba LY, SG/MHA pour 500 000 FCFA par mois, Arona TRAORE, DA/MHA pour 200 000 FCFA par mois. Par note de service n°0039 du 06 juin 2016, Alioune Badara DIOP a cessé de bénéficier de cette indemnité.
Lansana Gagny SAKHO, pour sa part, a fait passer le nombre de bénéficiaires de 11 à 5 tout en maintenant le SG du Ministère, M. LY et M. Ababacar MBAYE, Directeur de l’Assainissement.
Même s’il s’exclut des bénéficiaires de cette indemnité, le Directeur général aurait dû corriger cet octroi, selon les contrôleurs, alors que ce programme dispose de sa propre administration autour de son coordonnateur et que le comité technique est un organe qui fonctionne sur le modèle d’un CA.
S’ajoute à cela que le Conseil d’administration de l’ONAS n’a jamais été saisi de cette question et n’a pas donné son aval.
Dans sa réponse le Directeur général affirme « l’arrêt de l’octroi d’indemnité mensuelle à des agents qui ne travaillent pas au programme Bill et Melinda GATES ».
Manquement dans la gestion des ressources humaines
En 2017, l’ONAS comptait 766 agents dont 539 prestataires. En outre, le personnel permanent de l’ONAS est composé à 45% d’une population âgée de plus de 50 ans, renseigne le rapport.
Des recrutements sans rapports avec les besoins de l’ONAS
On constate que le personnel dit prestataire représente plus de 70% du personnel utilisé par l’ONAS. La gestion du personnel constitue un enjeu fondamental pour le devenir de l’ONAS. En effet, l’incidence de ce personnel sur les charges est énorme. Les contrats de prestations sont reconduits d’année en année sans tenir compte des besoins de l’Office.
Les abus constatés peuvent s’illustrer par les contrats de prestations signées par l’ancien DG, Alioune Badara DIOP pour 3 agents basés à Saint –Louis sans indication de tâches à exécuter avec un salaire mensuel de 500 000 FCFA (voir annexe n°4).
Une croissance fulgurante de la masse salariale
La masse salariale représente en moyenne 25% des charges d’exploitation de l’ONAS avec un taux de croissance global de 98,55% entre 2012 et 2017, passant de 2 204 027 868 à 4375 839 336 FCFA et un taux de croissance annuel moyen de 15%. Cette situation s’explique, selon le rapport, par l’importance des nouveaux recrutements, le recours abusif au personnel intérimaire et le taux d’encadrement élevé qui accentue l’octroi d’indemnités, poussant les contrôleurs à parler même d’une masse salariale insoutenable.
Défaillance dans le suivi des prêts
Le personnel de l’ONAS bénéficie de prêts à court terme et de prêts à long terme ainsi que de divers systèmes d’avances de fonds approuvés par le Conseil d’administration. Il faut préciser que ces prêts et avances sont cumulés par les employés en raison de l’absence de leur suivi systématique. En 2017, la dette des salariés au titre de ces avantages s’élève à 123 203 553 FCFA. A cela s’ajoute, un abus « abus notoire sur la durée des congés annuels des agents. »
Amadou DIA (Actusen.sn)