La violence en milieu scolaire a défrayé la chronique ces dernières semaines. Ce phénomène qui se manifeste sous différentes formes verbales ou physiques entre élèves entache les relations au sein de la communauté scolaire. Aucune de ses composantes n’est à l’abri des dérives qui impactent sur la relation pédagogique et l’environnement scolaire de manière générale.
L’ insécurité qui règne au sein des établissements scolaires s’amplifie; on peut citer la succession des scènes de violences répétées, le plus souvent verbales: entre les simples incivilités , des agressions corporelles qui virent de temps à autre au drame entraînant des pertes de vie humaine. Dans les Rues de Colobane , précisément dans la cour du lycée Blaise Diagne, Monsieur Ndour, professeur de français , souligne: « Tout débute dans leurs maisons, le comportement qu’ ils adoptent à la maison ils l’emmènent à l école, on s’occidentalise de plus en plus , la reproduction des comportements appris dans la société mais surtout au cinéma , à la télévision sont souvent des sources de violences et on n’y peut rien , les meurtres s’ accroissent entre jeunes. C’est le cas du petit garçon de 17 ans qui a étranglé une jeune fille à Rufisque.» L’ environnement lettré éduque mais l’éducation de base, soutient M. Ndour, joue un rôle important dans la tenue des apprenants . « La démission des parents en matière d’éducation des enfants est aggravée par la pauvreté ; les parents sont totalement absorbés par la quête de la dépense quotidienne. Les parents, éducateurs naturels, n’ont plus le temps des enfants face au coût de la vie. Ils se battent plus pour subvenir aux besoins des enfants . » En milieu scolaire, il existe des disciplines internes qui permettent des relations de qualité avec des professionnels de l’éducation qui favorisent des activités supervisées et structurées «dans chaque établissement , on met en place un règlement intérieur qui est parfois bafoué par des élèves qui manquent d’éducation de base, de ce fait d’autres se permettent d’échanger des coups de poing avec des enseignants. A notre époque, c’était impensable», déplore-t-il. Madame Fatou bintou Diop Cissé, professeur d’anglais, indique que certains élèves n’hésitent pas à insulter ou même poignarder leur professeur parce qu’ils ont tout simplement récolté de mauvaises notes.
L’apparition des armes blanches au sein des établissements devient inquiétante et témoigne de l’ampleur de ce phénomène. L’absence de structure de dialogue entraîne aussi cette violence selon l’enseignante qui souligne: «Les conflits interpersonnels qui se reflètent dans les relations avec les autres engendrent souvent des violences, certains élèves n’ont pas d’autre alternative que la violence comme moyen de régler les conflits.»
Mbaye, professeur de mathématiques et Léon Boukha professeur d’Espagnol : «L’École, aujourd’hui, a démissionné. Les violences ne sont pas de même degré»
Dans la salle des professeurs du CEM John Fitzgerald Kennedy, Monsieur Mbaye regrette : « Non seulement les parents ont démissionné mais aussi les écoles car nous, on instruit mais on n’éduque pas, on ne parle plus d’éducation à l Ecole mais d’instruction », explique- t- il . Pour Mbaye, la problématique de l’école sénégalaise a commencé avec l’introduction des nouvelles réformes. Les enseignants n’exercent plus la même autorité sur les apprenants de peur d’être poursuivis en justice par ces derniers ou les parents de ces derniers. « Il faut que les familles soient solidaires de l’école et comprennent que l’on éduque les enfants pour qu’ils deviennent savants » soutient-il . En effet, tout commence à la maison où on a une éducation, un désir d’atteindre un objectif . C’est la séduction du savoir qui emmène les plus jeunes à adhérer. De ce fait, tout doit partir de la maison . « Les violences ne sont pas de même degré, elles s’alignent aussi de manière morale » , ajoute -t il . La violence psychologique semble encore plus difficile à circonscrire et est plus fluctuante que la violence physique . « il y a certains élèves qui sont menacés et se renferment sur eux-mêmes. L’école est la société en miniature » , avance son collègue, Léon Boukha, professeur d’Espagnol. Pour lui , les violences psychologiques ont un impact négatif sur le système éducatif, elles entraînent la dépression, le repli sur soi-même, le manque d’estime, le découragement, le traumatisme et la baisse de résultats. Elles se présentent sous la forme d’une menace, d’une injure.
«Certains établissements manquent de suivi régulier avec les parents puis le ministère de l’éducation doit mettre l’accent sur des assistants sociaux et de mettre au point certaines structures»
Dans les rues de Colobane, Madame Sarr Rahma tenant son enfant d’une main suggère: « les écoles ont besoin d’assistance psychologique.» En effet, les écoles ont besoin d’assistants sociaux, elles ont besoin d’éducateurs spécialisés qui préviendraient les difficultés chez les enfants. Elle ajoute : « On doit mettre au point certaines structures et les écoles devront élaborer une charte des droits et des responsabilités et mettre en place une Coopération scolaire ». Pour Sarr Rahma, ces structures inspirent des valeurs que le projet éducatif veut promouvoir . C’est une liste de droits et de responsabilités à assumer, à élaborer et à approuver démocratiquement .
L’école doit, comme tout milieu de vie, se doter des règles susceptibles d’en garantir le bon fonctionnement. De ce fait ,toutes ces mesures préconisées permettront non seulement la réduction de la violence mais constitueront un outil efficace d’apprentissage.
Sophia Nzengue, Stagiaire