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Contribution

Réflexion : le défi des réalités dans l’exercice du pouvoir : entre posture à adopter et bonne appréciation des priorités politiques

Le 24 Mars 2024, la coalition Diomaye Président remporte l’élection présidentielle de manière éclatante. Zéro contestation. Zéro recours. Une transition assurée. Il était là noté une ère nouvelle pour le Sénégal. Le meilleur départ pour un régime pouvait être noté puisque le choix des sénégalais était fait de manière claire et responsable. Toutefois, au-delà du choix clairement exprimé, le vote sénégalais exprimait solidement le retour à certains grands principes et à certaines démarches qui cimentent le commun vouloir de vie commune.
Pour rappel, le Sénégal connaissait au sortir de ces dix dernières années une fracture sociale jamais constatée née de querelles politiques, la majeure partie du temps, causées par des considérations très lointaines des réels problèmes auxquels faisaient face les sénégalais
Revenons à ces problèmes auxquels font face les sénégalais et qui semblent n’être perçus par celles et ceux qui nous gouvernent.
La sécurité dans le pays :
– À Thiaroye, récemment, deux enfants de mêmes parents ont été retrouvés morts dans des circonstances non encore élucidées.
– Des habitants du village de Cap Skirring, dans la commune de Diembéring, ont organisé, il n’y a pas longtemps, une marche pour dénoncer les “nombreux cas de meurtres et d’assassinats” enregistrés dans leur localité.
– ⁠A kafountine, le même problème lié à l’insécurité des populations a été posé sur la table.
– A Dakar, les agressions n’ont pas diminué.
Le chômage endémique des jeunes :
Il faut régler le problème lié au chômage chronique des jeunes.
Il passe par favoriser les conditions de création d’emplois et de richesse.
Pour ce faire, il faut instaurer un climat économique favorable à la captation de partenaires pour le renforcement des investissements directs étrangers et mettre le secteur privé national dans les meilleures conditions de compétitivité et de croissance.
Ce dispositif existe déjà par le biais de la direction du développement du secteur privé et des partenariats, logée au ministère de l’économie, du plan et de la coopération. Il faut juste veiller à son application rigoureuse.
Au constat, c’est le tout fiscal qui semble être usité. Il est vrai que dans un premier moment les ATD (avis à tiers détenteur) et autres pressions brandies contre certaines entreprises permettent de capter des ressources disponibles. A terme, cependant, outre le fait de tuer les entreprises présentes, ça ne promeut pas l’initiative entrepreneuriale.
L’ingéniosité doit être orientée à assurer un climat social et des affaires favorables à la création de l’emploi et de la richesse. L’ingéniosité est aussi à orienter dans la recherche de voies moins contraignantes pour les entreprises débitrices et qui permettent, à moyen et long terme, à l’Etat de capter ces ressources fiscales dues.
Aujourd’hui, sur un autre plan, nous constatons un retour de l’immigration clandestine. L’arrivée au pouvoir du Pastef a suscité énormément d’espérance chez les jeunes. Il faut que la flamme soit maintenue afin de pouvoir les maintenir au Sénégal. Nous avons besoin de mains d’œuvre. Le pays est à construire.
La flamme ne peut pas être maintenue par la nomination de jeunes à certaines postes stratégiques. Fondamentalement, ça ne règle le problème.
La flamme peut, par contre, être maintenue par montrer aux jeunes que la question du chômage qui les touche durement reste une priorité absolue.
L’autre constat porte sur la continuation de ce que le régime du président Macky Sall faisait pour répondre à la problématique du chômage. Alors qu’il était promis une nouvelle politique pour l’emploi et l’insertion des jeunes.
Toutefois, le constat est le maintien de la Délégation à l’Entreprenariat Rapide, le 3FPT, le PRODAC et autres instruments dédiés à la promotion de l’emploi des jeunes.
Toutes ces structures continuent à faire ce qu’elles faisaient. Le seul changement majeur est intervenu à leurs têtes.
A l’évidence, noté et rappelé l’appréciation il y’a de cela quelques mois de ceux qui ont le pouvoir aujourd’hui sur ces structures, elles ne résolvaient pas, pour eux, le problème lié au chômage endémique des jeunes.
Il est à donc à réfléchir sur la nécessité de changer de stratégies et nous proposer d’autres alternatives plus efficientes et plus efficaces.
Nous concernant, nous proposons par exemple la mise en place d’une technostructure plus large et plus coordonnée, dotée de moyens suffisants pour réfléchir rigoureusement sur la lancinante question du chômage des jeunes et pouvoir par la suite agir.
Il est à réfléchir sur la pertinence d’une diversité d’acteurs pour régler cette question complexe.
La loi des rendements non proportionnels nous renseigne et enseigne que pour qu’un problème soit bien résolu il faut rationnaliser et normaliser ceux qui y travaillent. A défaut, il y’aura du vacarme et très peu de résultats.
Sur le même sujet, pour terminer, il peut être organisé des états généraux dont l’objectif principal est de trouver réponse définitive, sur la base d’un traitement sérieux de la question et par les meilleures ressources humaines du pays clairement identifiées, à la problématique liée au chômage des jeunes.
Au demeurant, la question de la sécurité routière est tout aussi problématique.
Les accidents meurtriers se comptent de plus en plus nombreux. Sous le régime du Président Macky Sall, c’était pareil. Il y’a eu beaucoup d’accidents et beaucoup de morts sur les routes.
Il n’était indexé, toutefois et au diagnostic, les chauffeurs.
Les causes étaient recherchées, besogne alors de ceux qui nous gouvernent aujourd’hui, et trouvées sur l’impertinence des préposés par le Président Sall du très névralgique secteur des transports terrestres.
Les mêmes maux persistent.
Il faut, en conséquence, une réponse plus pragmatique à la question de l’insécurité routière. Déceler la réelle ou les réelles cause(s).
La morosité économique ambiante vécue présentement :
Au sortir de l’élection présidentielle, les institutions de Breton Woods avaient projeté une embellie économique née de la situation héritée et de l’apaisement du climat social.
Le rapport au FMI au sortir de sa visite au Sénégal du 25 avril au 3 Mai 2024 pour faire le point sur le développement économique et politique récent disait ceci :
« En 2023, l’économie sénégalaise a fait preuve de résilience en dépit d’un contexte difficile. Malgré les tensions politiques autour de l’élection présidentielle et les chocs extérieurs, la croissance économique a dépassé les attentes (4,6 %), reflétant une bonne campagne agricole et un secteur tertiaire solide. L’inflation a également connu une baisse plus rapide que prévu, retombant à 5,9 %. Des dépenses élevées de subventions à l’énergie (620 milliards de francs CFA, soit 3,3 % du PIB) et d’intérêts sur la dette ont été compensées par des réductions des dépenses d’investissements afin de contenir le déficit budgétaire à 4,9 % du PIB, conformément à l’objectif du programme. En outre, le gouvernement a constitué des réserves de liquidités en prévision de l’élection présidentielle, ce qui a contribué à une augmentation de la dette du gouvernement central (73,4 % du PIB) au-delà du plafond de dette fixé dans le cadre de l’UEMOA. Le déficit du compte courant est resté important (18,8 % du PIB), reflétant la faiblesse persistante des exportations de biens. »
Ce qui ressort de ce rapport contraste avec la réalité actuelle, le quotidien des sénégalais marqués par une morosité économique ambiante.
Les causes sont à chercher ailleurs.
Il n’est compris aussi la baisse d’activités du port autonome de Dakar qui va vers un glissement annuel de l’ordre 9, 6 pour cent de baisse.
Source agence eco fin.
A y revenir.
Il est à se demander, conséquemment aux renseignements des institutions de Breton Woods, pourquoi le nouveau régime nous parle d’un Sénégal en ruine et abimé financièrement !
Encore que ce n’est pas à dire. C’est un couteau à double tranchant. On a besoin de faire venir les partenaires ou investisseurs et non de les faire fuir ou de leur donner le sentiment qu’on aurait plus besoin d’eux.
Abîmé, par ailleurs ? Oui, constaté la fracture sociale !
Raison pour laquelle, l’objectif, le seul d’ailleurs, devait être de réconcilier les sénégalais et de les inviter au travail.
Au contraire, la division est plus patente. Les querelles plus vives. Les cœurs moins apaisés.
Ça a des relents d’échec. En atteste, le débat nauséabond sur le voile à l’école.
Le Sénégal se singularisait par la coexistence pacifique entre les religions, d’abord ; entre les confréries, ensuite.
Il proposait le meilleur modèle de syncrétisme religieux.
Le dialogue islamo-chrétien constituait la force du pays et pouvait constituer un rempart contre toute tentative de déstabilisation du pays.
Il faut donc éviter, et d’où cela puisse venir, à saborder cette force du pays enviée par tous les autres pays du monde.
Cela va de notre intérêt car les démons de la division sont présents.
N’oublions guère que le Sénégal est devenu pays pétrolier et gazier et beaucoup de puissances n’ont d’yeux que sur ces ressources.
Le seul avantage, puisqu’en tout débat, et même parmi les plus sordides, il est possible d’en trouver un gain, reste l’impérieuse nécessité de restauration du prestige de l’école publique.
Le Sénégal est un modèle de laïcité. Sur les textes ! Et, plus dans la praxis !
Le débat n’est donc à ce niveau. Il est sur la nécessité de réconcilier les sénégalais, de restaurer le prestige de l’école publique, de favoriser les conditions de création d’emplois et de richesse, de combattre l’insécurité en tous genres, de revoir les conditions de détention, de voir comment diminuer l’impôt sur le revenu à défaut d’augmenter le salaire afin que le travailleur sénégalais vive mieux.
Tout cela peut être décliné à l’occasion d’une déclaration de politique générale qui nous édifiera sur la vision du Président de la République Bassirou Diomaye Diakhare Faye.
La nécessité de repenser et de réajuster les discours politiques.
Il doit être mis fin à la méthode classique de structuration des forces politiques au Sénégal. Structuration constatée depuis toujours.
Une opposition qui critique avec véhémence et priant et travaillant pour l’échec du régime qui gouverne. Un pouvoir dans les dénégations systématiquement et dans l’opération musèlement de celles et ceux qui pourraient intellectuellement tenir tête ou montrer l’impertinence de ce qui est fait.
Avec le PASTEF, une autre défense est usitée. Une critique contre leur leader est appréciée comme une déclaration de guerre.
Aujourd’hui, il est de rigueur de dépasser cette conception arrêtée à la limite contreproductive des rapports politiques.
L’opposition doit être républicaine. Elle doit étudier ce qui est fait et apporter critiques et suggestions. Elle ne doit souhaiter l’échec du régime en place. Elle doit toujours travailler pour penser, élaborer et mettre à disposition du public un projet alternatif meilleur.
Le pouvoir, quant à ceux qui l’incarnent, doit écouter, entendre, bien accueillir les critiques et songer à apporter rectificatifs de son travail, au besoin. Mieux, il doit respecter son opposition. Se glorifier d’une majorité même au lendemain d’une victoire électorale c’est méconnaitre la rudesse de la tâche et de l’impossibilité de satisfaire tout le monde qui fait perdre en voix ou soutien tous les jours.
Le comprendre, c’est appeler au relativisme et s’exiger une tenue et une retenue en tous lieux et en tous temps.
Si les rapports, pour terminer, sont heurtés et sur fonds de menaces entre opposition et pouvoir, ce n’est ni  la démocratie ni le pays qui se porteraient mieux.
L’histoire est récente et très fraiche pour nous édifier.
A bon entendeur
Aboubacry Thiam :
Financier – chef d’Entreprise
Boubacar Mohamed SY
Juriste – Analyste politique
Auteur des livres :
– Le Sénégal sous laser politique. Aout 2023. Ed. Harmattan
– Présidentielle 2024 au Sénégal : Echec et Mat. Juillet 2024. ED Harmattan

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