ACTUSEN
A LA UNENewsSociété

Réforme sur le foncier proposée par le député Amadou Ba du Pastef : un vent de contestation

Après avoir déposé un projet de loi visant à abroger partiellement la loi d’amnistie – le Bureau de l’Assemblée nationale a jugé cette proposition recevable – Amadou Ba ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Le député du Pastef, qui veut faire face aux nombreux problèmes liés au foncier au Sénégal en tant que parlementaire, compte proposer une réforme visant à suspendre la compétence des collectivités locales en matière de gestion foncière jusqu’à la prochaine élection.

Si ni l’Association des maires du Sénégal (AMS) ni le Réseau des élus locaux du Sénégal (RÉELS) ne se sont prononcés sur cette réforme annoncée la semaine dernière, nous notons cependant un vent de contestation. Hors du territoire national, le maire de Pikine Nord a tenu à réagir et à faire réagir ses collègues maires, contre ce projet de loi en gestation. Dans un texte qu’il a transmis à votre canard hier, Amadou Diarra parle d’emblée de “réformette proposée par le député Amadou Ba du Pastef”. Pour dire que sur le plan institutionnel, elle remet  en cause la décentralisation, non sans mettre en garde contre un recul démocratique. « La réforme proposée constitue un retour en arrière en centralisant une compétence qui appartient aux collectivités territoriales depuis plus de 30 ans. Il y a une contradiction avec les principes de la gouvernance locale. Car l’État sénégalais a ratifié des engagements internationaux (Union africaine, CEDEAO, ONU) en faveur de la décentralisation. Reprendre le contrôle du foncier va à l’encontre de ces engagements », interpelle l’ancien député libéral.

Si Amadou Bâ estime que sans une réforme complète du système foncier, le Sénégal ne pourra pas progresser économiquement, proposant ainsi que l’État reprenne le contrôle total du foncier pour le confier à l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (ANAT), qui aura pour charge, selon lui, de définir avec précision les différentes vocations des terres (agricoles, industrielles, résidentielles ou forestières) afin d’éviter toute utilisation anarchique, le maire de Pikine Nord y voit une volonté d’affaiblir les collectivités territoriales. « Retirer la gestion du foncier aux collectivités, c’est réduire leur pouvoir et limiter leur capacité à répondre aux besoins des populations locales », prévient Amadou Diarra.

Ce n’est pas tout, car l’ancien député sous le régime Wade estime que cette réforme d’Amadou Ba n°02, sur le plan économique et social, est une “menace pour les populations locales”. Très en verve, il ajoute qu’elle constitue un « risque d’accaparement du foncier par l’État et des intérêts privés ». Et pour preuve, il dira : « La centralisation de la gestion du foncier ouvre la porte à des décisions opaques, favorisant potentiellement des groupes d’intérêts au détriment des populations locales.  »

Rappelant par ailleurs que « les  collectivités territoriales utilisent la gestion foncière pour financer des infrastructures et des services de base », Amadou Diarra soutient que « cette réforme pourrait ralentir ces dynamiques locales », impactant négativement, selon lui, sur le développement local. Il met en garde ainsi sur ce qu’il a appelé les risques de conflits fonciers accrus. « La gestion locale permet de prendre en compte les réalités du terrain. Une recentralisation pourrait engendrer des tensions et des conflits fonciers entre les communautés et l’État », alerte l’ancien député.

D’ailleurs, sur le plan juridique, Amadou Diarra y voit une réforme anticonstitutionnelle par le non-respect des textes en vigueur. « La réforme proposée pourrait être en contradiction avec les lois et décrets encadrant la décentralisation au Sénégal. Une analyse juridique peut démontrer cette incompatibilité », dira-t-il, non sans noter un manque de consultation des acteurs locaux sur une réforme d’une telle ampleur qui doit, selon lui, être précédée d’une large concertation avec les élus locaux, la société civile et les populations concernées. « Cette proposition va à l’encontre du référendum de 2016. Nos terres sont notre patrimoine, notre richesse en tant que population locale », a-t-il rappelé.

C’est ainsi que Amadou Diarra a tenu à mobiliser “mobiliser l’opinion publique et les acteurs locaux”. Car à travers la sensibilisation et la mobilisation citoyenne, il veut organiser des débats publics, des conférences et des campagnes médiatiques pour informer les citoyens sur les conséquences de cette réforme. Il appelle ainsi à « fédérer les maires, conseillers municipaux et autres organisations de la société civile pour faire bloc contre la réforme. »

Amadou DIA (Actusen.sn)

Leave a Comment