“Le véritable homme d’Etat est celui qui s’institue
arbitre impartial entre ses ambitions et l’intérêt général.”
Firmin Van Den Bosch
Écrivain – Magistrat
La 3ème Assemblée Générale Annuelle de l’Association des Autorités Anti-corruption d’Afrique (AAACA) dont le thème portait sur : « l’effectivité de la coopération des Institutions africaines de lutte contre la corruption pour une gestion transparente des ressources naturelles », tenue les 4 et 5 mai courant à Dakar, a servi de tribune au Président de la République M. Macky SALL pour, non pas s’indigner ouvertement comme il est de coutume chez les activistes ou Organisations Non Gouvernementales (ONG) de ce domaine, mais plutôt tirer la sonnette d’alarme sur l’impériosité d’une révision des conditions actuelles d’exploitation de nos ressources naturelles.
En des termes, on ne peut plus clair : «… On vous dira que l’obstacle c’est la stabilité juridique des contrats. Mais si nous ne nous arrêtons pas à un moment donné, l’Afrique continuera à voir ses ressources naturelles partir. Et nous n’aurons plus que le trou béant abandonné après l’exploitation de nos mines, de nos carrières, de notre pétrole et de notre gaz. (…). Donc, il faut des renégociations pour toutes ces conventions. C’est un grand combat. Il faut aussi que l’Afrique harmonise ses législations… » ; sans omettre de renchérir que « le moment est venu de renégocier tous ces contrats portant sur les ressources naturelles en Afrique » avant d’annoncer dans la foulée la tenue, durant ce mois de mai, de larges concertations avec toutes les forces vives de la nation autour des enjeux d’avenir de nos ressources naturelles notamment pétrolières et gazières devant aboutir à la mise en vigueur d’une nouvelle loi permettant de définir équitablement les modes de répartition des revenus tirés de ces dernières avant tout début d’exploitation. Position – reconnaissons-le – assez courageuse et pleine de sens du patriotisme économique. Bien qu’il ne sera pas juridiquement de tout repos de reconsidérer des accords en cours d’exécution, le cas de la RDC (République Démocratique du Congo) qui, malgré les grincements de dents des multinationales, a pu réviser entre janvier et mars 2018 son code minier et pétrolier de 2002 en multipliant par cinq la redevance (de 2 % à 10 %) sur le cobalt ; un minerai très rare, indispensable aux batteries de type nouvelle génération des voitures électriques et dont elle a assuré les deux tiers de sa demande mondiale en 2017, peut nous servir d’éclaireur. L’appel étant à présent lancé, au lieu de magnifier la démarche qui, quoique l’on puisse penser et dire est toutefois salutaire du simple fait que bon nombre de nos concitoyens s’impatientait de voir leur lanterne éclairée sur les retombées de cette manne inattendue ; certaines chapelles politiques essaient de décortiquer le bien fondé ou non d’un tel acte. Du coup, nous avons constaté avec désolation, en intervalle de deux à trois jours après sa déclaration, un refus catégorique et quasi systématique de participation des pôles les plus significatifs de l’opposition sénégalaise sans pour autant convaincre. Hélas ! la politique du ni-ni avait déjà pris le dessus sur le culte de la prééminence de l’intérêt supérieur, tant vanté. Comme seule explication, nous avons eu droit au scénario typique d’un adversaire politique prompt à dénicher, coûte que coûte, des poux dans la tête de son vis à vis. “Manam, ci guataldef né kouyseuleumwoudieum.” Ainsi, du doute sur la sincérité de l’intention au mépris outrancier sur le moment choisi en passant par les exigences de préalables administratives et autres, tout y est passé pour faire passer la pilule. Et pourtant, il est réellement démontré à travers les différentes sorties médiatiques des uns et des autres portant sur nos récentes découvertes naturelles que, la gestion transparente et sécurisée de celles-ci, a toujours été au coeur de leurs revendications respectives. Un comportement versatile qui, au demeurant commence à intriguer plus d’un au point de nous interroger sur les vraies raisons de cette façon de ramer à contre-courant après qu’une bonne frange – pour ne citer qu’elle – ait déjà mené ces manoeuvres suivantes :
- À titre de rappel, qui ne se souvient pas de la fameuse lettre ouverte dupremier àen
avoirparlé officiellement à savoir le chef de file des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), M. Ousmane SONKO, datée du 12 avril 2015 adressée au Directeur Général des Impôts et des Domaines (Dgid) dans laquelle, il dénonçait en toute détermination, la non régularisation des situations fiscales de Petro-Tim et de M. AliouSall ? Personne, évidemment ! Ou encore, de la cérémonie, en grande solennité, de dédicace du samedi 13 mai 2017 à Paris de son livre consacré à la gestion des ressources naturelles du Sénégal (pétrole, gaz, zircon) et intitulé « Pétrole et gaz au Sénégal : chronique d’une spoliation » où il qualifiait, rien que de la page 239 à la page 241, certaines pratiques sur l’utilisation de nos ressources de forfaitures et d’agressions contre les intérêts du peuple, et dont les principaux auteurs et promoteurs seraient les élites administratives et politiques du pays. Allant, en outre jusqu’à accuser l’administration sénégalaise d’être “une passoire politique, gangrénée par le népotisme, le clientélisme, la corruption de ses élites dirigeantes et le conservatisme”. Maintenant que l’occasion lui est donnée de faire des contre-propositions pour nous en préserver, il se braque sur la non opportunité du moment choisi qu’il juge tardif pour en discuter. Décidément !
- La deuxième personnalité politique à s’être offusquée du droit àl’information des
citoyens sur l’utilisation de leurs ressources naturelles était l’ancien Premier Ministre Abdoul MBAYE. Dans le dernier paragraphes avant les salutations d’usage de sa première lettre publique adressée au Président de la République en date du lundi 15 Août 2016, il disait : “en outre et de façon générale, il est de la plus haute importance que les citoyens Sénégalais soient convaincus que les différents projets survenant fort opportunément et concomitamment dans les secteurs pétrolier et bancaire, au moment où le potentiel en hydrocarbures du Sénégal est confirmé, ne sont pas parties d’un dispositif visant le contrôle par des intérêts privés de la cession future des parts de production revenant à l’Etat du Sénégal”. Alors que l’on s’attendait, tout au moins à ce qu’il soit pour une telle initiative qui vient renforcer sa demande satisfaite de publication des accords pétroliers signés sous sa propre gouvernance, il s’accommode de critiquer le lieu d’élocution avant de se barricader derrière un communiqué de son parti daté du 5 mai passé pour finalement se demander de qui se moquerait-il ? Ça Alors !
- L’ancien Premier Ministre Idrissa SECK n’était également pas en resteavec son
invite au Président de la République sous forme de lettre ouverte publiée le 15 février 2018 “à publier, sans délai, l’accord bilatéral sur le gaz signé avec la Mauritanie”. Loin de se contenter de la réponse qui lui avait été fournie en retour, il n’hésita point à instruire au cours d’une émission spéciale radio – télévisée du lundi 26 mars 2018, le vice-président de son parti à savoir l’honorable Député M. DéthiéFall, à introduire daredare une requête auprès de l’Assemblée nationale en vue de créer une commission d’enquête parlementaire conformément aux dispositions de l’article 48 de leur règlement intérieur pour arguaient-ils “faire la lumière sur les contrats pétroliers et gaziers signés entre 2012 et 2017 par le régime de MackySall”. Pour étayer ses propos, M. Fall, avait, par ailleurs, insisté sur – coup du sort – les mêmes raisons pour lesquelles cet appel vient d’être lancé en ces mots “ nous pensons que c’est important que l’Etat du Sénégal revienne sur les conditions d’attribution de tous les contrats, sur les conditions de signature de ces contrats au regard des lois et règlements en vigueur. Et également de procéder ou de faire savoir à l’opinion si ces contrats-là ont respecté les lois. Parce qu’il s’agit de mannes financières importantes qui doivent avoir de l’impact dans notre économie. Nous avons aujourd’hui introduit la demande pour que le gouvernement, le président de la République puissent édifier les Sénégalais sur ces contrats». Leurs voeux étant maintenant exaucés, «nous ne sommes intéressés ni de près ni de loin par cet appel-là» est la seule réponse que nous méritons. En langage simple, les idées d’avant longtemps soutenues ne sont plus d’actualité.
En considération de tout ce qui précède, nous pouvons dire sans risque d’être contredits qu’ils veulent tout et rien du tout à la fois… Autrement dit, ils veulent le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière en pourboire ! Sinon, comment comprendre le fait qu’ils aient réclamé urbi et orbi la transparence sur la gestion de nos ressources naturelles et refuser tout d’un coup après, de s’asseoir autour d’une table avec les tenants du pouvoir pour trouver les voies et moyens d’actions pouvant prévenir, gérer et résoudre – même si, nous ne le souhaitons guère – des potentiels conflits liés à leur exploitation à différents niveaux de la société ? Difficilement !
Quand bien même, avec la mise en oeuvre de la Norme ITIE (Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives) à laquelle notre pays a souscrit depuis le 2 février 2012, avant d’en devenir un pays candidat depuis le 17 octobre 2013, les citoyens disposent d’un instrument leur permettant de connaître les revenus issus du secteur extractif ; il serait toujours meilleur d’instaurer le dialogue pour tenter de résoudre comme le suggère M. Birame DIOUF, ancien Chef du Département Négociations et Associations pétrolières de PETROSEN dans sa pertinente contribution du 15 septembre 2016, la récurrente problématique du Contenu local (Local content) de l’industrie pétrolière en gestation dans notre pays.
Aucun pays – aucun nous disons bien – n’est à l’abri de remous des premiers jets de pétrole car, il ressort clairement du rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) publié le 1er mai 2012 analysant « les liens entre conflits et ressources naturelles(1) et cherche à identifier les bonnes pratiques et les lacunes » qu’il est vrai que les ressources naturelles peuvent fournir une arène pour le dialogue et la confiance entre des communautés divisées, ainsi qu’une plate-forme pour la coopération entre les communautés et les niveaux émergents de gouvernements locaux et le gouvernement national autant qu’elles peuvent devenir une source à conflits en les motivant, les finançant, voire obérant leur résolution. L’exemple de M. Diouf sur la résistance dans les années 80 et 90 du peuple Ogoni dans le Delta du Niger, au Nigéria, face aux multinationales pétrolières Shell et BP, ayant conduit la mort de leur Chef Ken SaroWiwa et des centaines de personnes est là pour en témoigner.
Cela s’explique historiquement par le fait que durant des siècles, la règle d’or a toujours été pour les sociétés et Etats d’utiliser certaines ressources naturelles afin de promouvoir leurs intérêts et de poursuivre leurs objectifs politiques. Ce fut le cas du bois qui, jusqu’à la fin du xviiie siècle coïncidant avec l’épopée des grandes puissances navales était la seule richesse qui prévalait à l’époque. Arriva ensuite le tour du pétrole dont l’importance commerciale et industrielle, avait cru à partir du xixe siècle plus précisément à sa première extraction par forage (20m de profondeur) le 27 août 1859 par un américain du nom de Edwin L. Drake au large de Titusville, en Pennsylvanie (USA). Depuis, il jongle entre facteur d’essor économique et source de crises.
Chers compatriotes,
Les toutes premières découvertes d’hydrocarbures (pétrole et gaz), au large de nos côtes, dans les blocs-permis de recherche – de Sangomar, St-Louis et Cayar, en offshore profond, ne devraient point constituer comme d’aucuns le pensent un thème de bataille politicienne. Au contraire, elles doivent plutôt nous inciter à nous réconcilier avec nous – même ; preuve de notre maturité démocratique qui transcende notre existence.
Le hasard n’existant pas, notre pays vient tout fraîchement d’être plébiscité dans le procès verbal du dernier Conseil d’administration de l’ITIE du 8 mai courant indiquant que “le pays a fait des progrès satisfaisants dans la mise en œuvre des exigences de l’ITIE, faisant du Sénégal le premier pays d’Afrique, et le quatrième pays au monde, à obtenir des progrès satisfaisants sur l’ensemble des exigences de l’ITIE.” En sus de la publication de ses rapports ITIE 2015 et 2016, le 16 octobre 2017, faisant de fait notre pays, le plus ponctuel d’Afrique en termes de déclarations ITIE.
En conclusion, nous demandons solennellement aux différentes parties concernées de se ressaisir et d’oeuvrer – même si, elles ont certainement leurs propres raisons à faire valoir – pour l’intérêt général, ne serait ce que pour la postérité ; surtout que, comme disait l’ancien Président israélien Shimon Peres “la démocratie est un rassemblement de gens en désaccord, dont les vues divergent mais qui n’essaient pas d’imposer leurs vues aux autres”. C’est au régime élu en place de déterminer et de conduire la politique de la nation – donc à lui de gérer son tempo – et à l’opposition de montrer qu’elle est bien participative et non destructive.
L’Histoire ne ment jamais, et quelles que soient les vicissitudes auxquelles elle sera confrontée, son train arrivera toujours à l’heure et « Ceux qui aperçoivent la lumière avant les autres sont condamnés à la poursuivre en dépit des autres » Dixit Christophe Colomb.
Alors, ne ratons pas ce dernier bloqué à quai pour risque de collision des voies à emprunter…Quoi que, notre conscience sera toujours là pour nous juger.
Avec tout le Respect qui sied.
À bon entendeur… Salut !
Qu’Allah SWT veille sur NOTRE CHER Sénégal … Amen
Par Elhadji Daniel SO,
Président d’En Mouvement ! Défar Sénégal
Ensemble, Construisons le Sénégal !