ACTUSEN
A LA UNENewsSociété

Retards de salaires, sevrage des avantages sociaux, arrêt de certains services : Gorgui Yacine Boye expose les misères des postiers

D’une entreprise nationale à succès, la Poste n’est devenue que l’ombre d’elle-même. Diplômé de l’École nationale de la Poste, Gorgui  Yacine Boye, qui était l’invité d’hier de  »SourceA tv », ne dira pas le contraire. Le syndicaliste reconnaît que les recrutements abusifs ne sont pas étrangers à la crise aux conséquences douloureuses pour les travailleurs qui sont, depuis 3 ans, sevrés des avantages sociaux les plus élémentaires, alors qu’ils n’ont touché depuis deux mois leurs salaires. « Nos enfants n’auront pas cette année encore de cadeaux de noël », regrette le syndicaliste qui invite les nouvelles autorités à prendre des mesures urgentes pour sauver la société.

Entre la Poste d’hier et celle d’aujourd’hui, il y a un grand écart. L’entreprise connaît une crise depuis quelques années. Des directeurs généraux s’y sont succédé, mais les difficultés perdurent encore, tant qu’elles ont la peau dure. Gorgui Yacine Boye, cadre à la Poste renseigne, à son passage hier devant la matinale de Source A tv, que les doléances des postiers sont les mêmes depuis 10 ans.

Le Ministre Alioune Alioune Sall va recevoir prochainement les travailleurs de la Poste où un audit est lancé dans le cadre du redressement de l’entreprise

«La Poste est une entreprise nationale qui a longtemps servi aux Sénégalais à travers ses réseaux répartis sur le territoire national. La Poste compte plus de 300 bureaux et autres agences de poste finance. Nous sommes plus de 3000 employés à la Poste. Mais les difficultés perdurent. Cela fait plus de 10 ans qu’on a les mêmes doléances. Nous avons toujours parlé aux autorités. En commençant par Ndeye Tické Ndiaye, l’ancienne ministre de l’économie numérique et des télécommunications, jusqu’à tout récemment, les même doléances ont été posées devant le Bureau de son successeur Yankhoba Diatara, puis Moussa Bocar Thiam, jusqu’à Alioune Sall, qui est actuellement à la tête du département de la Communication, et qui va nous recevoir dans les prochains jours », se souvient le syndicaliste.

«On est le 19 décembre (hier), mais les travailleurs de la Poste n’ont pas encore perçu les salaires du mois de novembre. (…) Alors qu’il fût un temps, on recevait le 13ème mois à pareille heure, et nos enfants célébraient l’arbre de noël»

Les conséquences de cette crise sont douloureuses pour les familles des postiers. Selon l’invité de la rédaction, leurs salaires ne passent plus comme lettre à la poste. « On est le 19 décembre (hier), mais les travailleurs de la Poste n’ont pas encore perçu les salaires du mois de novembre. Et bientôt, c’est la fin du mois de décembre. Alors qu’il fût un temps, on recevait le 13ème mois à pareille heure, et nos enfants célébraient l’arbre de noël. Cela fait plus de 3 ans que ces avantages sont devenus un rêve », regrette le militant du Pastef, membre du mouvement des cadres patriotes. Ce n’est pas tout. Les travailleurs sont démotivés, et les services à l’arrêt. « Certains postiers ne viennent plus au bureau à cause de cette situation. Nous vivons des moments sensibles. Nous ne pouvons plus assurer à nos enfants des cadeaux de noël, et c’est avec beaucoup de peine que nous sommes arrivés à payer leur scolarité d’autant que nous étions aussi confrontés à la même situation de retard des salaires en septembre et octobre derniers. Il faut oser le dire. Nous travaillons dans des conditions assez dures. Si vous entrez dans un bureau pour effectuer une opération, vous constaterez qu’il n’y a plus d’activités à la Poste. Pas plus tard qu’hier (mercredi), j’ai été dans un bureau de poste pour faire une opération en tant que client, je n’ai pas eu le service que je demandais », témoigne Gorgui Yacine Boye.

«Certains postiers ne viennent plus au bureau à cause de cette situation. Nous vivons des moments sensibles. Nous ne pouvons plus assurer à nos enfants des cadeaux de noël, et c’est avec beaucoup de peines que nous sommes arrivés à payer leur scolarité en octobre»

Pourtant, les causes de cette crise sont identifiées. Selon notre interlocuteur, les recrutements abusifs, à côté des nouvelles technologies de l’information et de la communication, ne sont pas étrangers à la situation. « Nous sommes impactés par les TIC. On est en retard par rapport au numérique. Mais nous avons les projets pour nous rattraper, l’intelligence, et le savoir-faire pour faire face à la concurrence. D’ailleurs, on maintenant dans la manutention, dans le transit, dans le courrier porte à porte, le courrier accéléré, ainsi que le courrier international. On a même des agences de voyages à la Poste. Au-delà, il faut reconnaître que les recrutements sauvages ont joué un rôle dans cette crise. Après Ciré Dia, on a connu Bibi Baldé, Mamadou Diakité, puis Maguette Kane, avant l’actuel Directeur général. Donc nous avons connu quatre Directeurs généraux après Ciré Dia, et la situation dure depuis 10 ans. Ciré Dia est un gestionnaire. Or, les recrutements doivent se baser sur une gestion prévisionnelle du personnel. Si Ciré Dia a abusé de ces recrutements, sous sa direction, et sous la supervision du Ministère de la communication de l’époque, il faut en tirer toutes les conséquences », tranche le cadre. Il poursuit : « On avait tous les avantages sociaux liés au salaire. Mais à cause des recrutements qui ne sont pas liés au besoin réel de l’entreprise, nous n’avons plus rien maintenant. Nos enfants ne vont plus en colonie de vacances. Les familles des postiers sont fatiguées. Je n’ai pas honte à le dire. Nous n’avons même pas de cadeaux à offrir à nos enfants… »

«On avait tous les avantages sociaux liés au salaire. Mais à cause des recrutements qui ne sont pas liés au besoin réel de l’entreprise, nous n’avons plus rien maintenant. Les familles des postiers sont fatiguées. Je n’ai pas honte à le dire»

Toutefois, il nous apprend qu’un audit est en cours à la Poste même si la direction générale ne manque pas de sanctionner certains travailleurs pour réduire le nombre de personnel. « A la poste, certains travaillent deux jours dans la semaine alors que le code du travail parle de 8 heures par jour », souligne-t-il. Au chapitre des solutions, Gorgui Yacine Boye estime que les nouvelles autorités doivent prendre les urgences de la boîte à bras le corps.

«Nous voulons être entendus par les nouvelles autorités afin qu’elles prennent des mesures fortes et urgentes face à nos doléances»

«Nous avons le projet de redressement de la Poste. Nous avons besoin de financements. Nous avons un document de synthèse qui traite toutes les rubriques, de l’économie, à la gestion du personnel, jusqu’aux perspectives. Nous voulons être entendus par les nouvelles autorités afin qu’elles prennent des mesures fortes et urgentes face à nos doléances. D’ailleurs, je peux dire qu’elles sont au courant de notre situation, le premier ministre lui-même, étant député en 2018, avait formulé des questions écrites au gouvernement au sujet des difficultés de la Poste. Il était assisté dans cette tâche par l’actuel Président de la République. La question écrite qu’il avait soumise au gouvernement est toujours d’actualité. Nous l’interpellons aujourd’hui plus que jamais pour qu’il prenne les décisions urgentes et nécessaires pour sauver cette entreprise », réitère le postier.

Amadou DIA (Actusen.sn)

Leave a Comment