Une tenue vestimentaire sexy aujourd’hui à la mode. Au même titre que les femmes, les hommes ne s’en privent pas. Ce phénomène s’est accru sur tout le territoire national particulièrement dans la capitale dakaroise. Pourtant, au-delà de la fonction de couvrir et d’enjoliver, le vêtement a toujours été un moyen d’identification. Hélas, la gent masculine ne tient plus rigueur de cette leçon de la vieille école.
A ce tableau déjà ombrageux, viennent se greffer la propension chez certains garçons à user du rouge à lèvre, de la dépigmentation de la peau, entre autres. Un prétexte pour la Rédaction Source A de descendre sur le terrain pour mieux cerner les tenants et contours d’un tel phénomène.
Aujourd’hui, au nom de la mode, les jeunes et même certains hommes d’âge mature portent des jeans déchirés, des habits très colorés ; des habits supports de slogans intrigants, de couleurs vives. Rouge, rose, turquoise, chemise ou t-shirt, déchiré ou troué, multicolore, tel est le nouveau style d’habillement adopté par la nouvelle génération. En dépit des cours d’éducation civique et morale enseignés dans les établissements scolaires et d’autres leçons morales données par les parents, ou par les prédicateurs et les animateurs d’émissions religieuses, la gent masculine se livre au port de tenues, à la limite, extravagantes.
Aux yeux du grand public, ces jeunes sont considérés comme des fashion-victimes. Ces accoutrements sont, justement, à la mode pour certains et d’autres les considèrent vulgaires, de manque de goût et d’élégance. Un avis qui diverge chez certaines filles qui apprécient bien ce nouveau mode d’accoutrement. C’est sans doute la raison pour laquelle les adolescents restent focus sur le fait qu’il n’y a pas d’inconvénient.
Omar Sy : «Les sénégalais aiment trop dramatiser. Nous sommes jeunes, c’est très normal de suivre la mode. Ce n’est qu’une question de temps parce que nous, nous ne comptons pas continuer à nous habiller comme ça tout au long de notre vie»
Une opinion qui est constatée par Omar Sy, un jeune homme d’une vingtaine d’années. Sur sa moto, comme la plupart de ses amis, il adopte un port vestimentaire particulier. Percing aux oreilles, il est vêtu d’un jean déchiré près du corps bleu. Un maillot sénégalais année 2002 blanc pour assortir le tout avec des baskets blancs à rayures orange et chaussettes blanches bien étirées. Sans oublier la chaînette autour de son coup, cet homme de taille moyenne est l’illustration parfaite de l’objet de notre entretien. En effet, il livre : «Je n’y trouve pas d’inconvénient au moment où la personne est consciente de ce qu’elle fait. Les Sénégalais aiment trop dramatiser. Nous sommes jeunes, c’est très normal de suivre la mode.
Ce n’est qu’une question de temps parce que nous, nous ne comptons pas continuer tout au long de notre vie. C’est joli et confortable. C’est stylé aussi ! Donc, pourquoi ne pas en profiter lorsqu’il est temps ?» Une pause, puis il ajoute : «on dit souvent que l’habit ne fait pas le moine, mais cette citation n’est pas d’actu au Sénégal où l’on juge une personne par son apparence. J’aime les couleurs surtout en été. Ça me donne une personnalité singulière et reflète ma bonne humeur!»
Mohamed : «il est possible de reconnaître que c’est la modernisation qui engendre tous ces faits sociaux et c’est un peu compréhensible mais il ne faut pas trop en abuser»
Il est 11h à la cité Adja Marième, une heure où tous les jeunes du quartier sont en classe et la grande place est déserte. Seul Mouhamed est à l’entrée de la cité en compagnie du vendeur de café. A peine réveillé, il est déjà muni d’une cigarette. En short camouflage, T.shirt et gilet noir sans manches, il déguste savoureusement, en toute tranquillité, sa première tasse de café de la journée. En cette période un peu fraîche, il fait face au soleil, les jambes croisées, sacoche en bandoulière. Les cheveux semi afro, comme pratiquement ses camarades, il porte une boucle d’oreille argentée. Mais à notre grande surprise, ce dernier n’est pas en phase avec sa génération.
Mohamed, lui, rame à contre-courant. Il rejette le comportement irréfléchi des jeunes en particulier : «Certains styles vestimentaires que les jeunes adoptent récemment sont vraiment à déplorer. Un homme doit être reconnu par sa manière de s’habiller. Être correct surtout pour gagner le respect des uns et des autres. Car, c’est ce qui fait que les gens vont te respecter. C’est très grave si de loin les personnes ont du mal à savoir si t’es un homme ou une femme. Et ce n’est pas cohérent pour un pays qui manifeste toujours contre l’homosexualité. Nous devons être cohérents et honnêtes avec nous même !»
Poursuivant il souligne qu’il «il est possible de reconnaître que c’est la modernisation qui engendre tous ces faits sociaux et c’est un peu compréhensible mais il ne faut pas trop en abuser. Toutefois, ceux qui sont enracinés restent toujours droits dans leurs bottes.»
Ibrahima : «ils se dépigmentent, ne parlons même pas des produits de ‘’lèvre rose’’. Ils ont tous des lèvres rosies et c’est malheureux»
A Liberté 6 extension, le marché n’est pas aussi dense que pendant le week-end mais les acheteurs viennent massivement. Le rond-point a changé de face depuis le début des travaux. Une petite ruelle est réservée aux passagers piétons, les voitures s’éparpillent de part et d’autre. Mais cela n’empêche pas les vendeurs de s’arranger pour trouver de petits recoins pour y installer leurs affaires. Un peu plus loin dans la foule, près de l’arrêt des clandos, Ibrahima a exposé ses articles. Des t-shirts de couleurs très éveillantes (rouge, orange, fluo, jaune, rose bonbon). Ici, il est même possible d’en trouver en pull et pantalon.
Sous son géant parasol, où sont alignées ses marchandises pour qu’elles attirent l’attention, il pianote son téléphone avant de confirmer le fait que les hommes achètent, maintenant, ces genres d’articles plus que les femmes. Pourtant, Ibrahima ne suit pas aveuglément la tendance vestimentaire ; en businessman averti, il cherche à optimiser les opportunités d’affaires en exploitant ce nouveau créneau tout en prenant ses distances. Il condamne le comportement vestimentaire des jeunes d’aujourd’hui : «Ce n’est pas seulement les couleurs mais même les jeans. Ils mettent maintenant des pantalons féminins. Ils se dépigmentent, ne parlons même pas des produits de ‘’lèvre rose’’. Ils ont tous des lèvres rosies et c’est malheureux », renseigne le vendeur.
«Quand tu mets des pantalons larges elles se moquent de toi maintenant les naïfs vont tomber dans ce piège et suivre cette mouvance pour plaire»
Il est impératif de noter aussi que la gent féminine n’est pas en marge de ce phénomène pour lui car «elle n’aime plus les vrais hommes c’est-à-dire ceux qui sont corrects, pieux, virils etc. Non, les filles aiment l’extravagance. Quand tu mets des pantalons larges elles se moquent de toi maintenant les naïfs vont tomber dans ce piège et suivre cette mouvance pour plaire. La majeure partie des vendeurs d’ici à Hlm n’en parlent même pas», peste-il avant de souligner que la réussite ne se résume pas juste au fait d’avoir beaucoup d’argent, d’avoir une belle voiture car un bon comportement n’a pas de prix. Que la dignité prime avant tout.
«Certes, l’habit ne fait pas le moine. Mais nous devons soigner notre apparence pour gagner l’estime de nos proches. Les parents ont fait leur devoir. C’est à nous maintenant de leur rendre la monnaie de la pièce. A ce stade de la vie, je me dis que nos parents ont le meilleur parcours», balance Ibrahima d’un ton très peiné.
Fabiola : «Qu’un homme ose mettre des pièces uniques et rares, je n’aime pas les ‘’Mr tout le monde’’ qui portent pratiquement les mêmes habits que tout le monde. Je veux bien quelqu’un qui sait se démarquer des autres. Qui met des tenues particulières»
Étant une fidèle cliente d’Ibrahima venue au cours de notre entretien, Fabiola ne partage pas la même position que lui sur le sujet. La jeune lycéenne porte un jean bleu assorti d’une paire de baskets air-force blanche. Dans son pullover-size blanc, elle met un sac à dos gris, les cheveux attachés en chignon bas et lunette sur la tête qui enjolive son teint marron-clair. Elle, contrairement à son vendeur, apprécie bien, dit-elle, quand un homme se démarque et a du style.
«Qu’il ose mettre des pièces uniques et rares je n’aime pas les ‘’Mr tout le monde’’ qui portent pratiquement les mêmes habits que tout le monde. Je veux bien quelqu’un qui sait se démarquer des autres. Qui met des tenues particulières. D’ailleurs presque la moitié de mes amis sont ainsi et ils sont bien appréciés par les filles. Et la tenue d’une personne ne reflète pas ce qu’elle est ou ce qu’elle a dans sa tête », a-t-elle précisé.
Aissatou TALL, Stagiaire