Des images comme des sauterelles affamées envahissent sporadiquement le continent africain et le Sénégal à travers plusieurs canaux de communication. Si certaines nous apprennent de merveilleuses choses qui participent à ouvrir nos yeux sur ce qui se passe dans le monde, par contre d’autres, contribuent fortement à nous éloigner de nous-mêmes, de nos modes vie, de notre façon de vivre, de notre façon d’être et de voir le monde. Que sommes-nous devenus ?
Je suis tenté de dire un personnage hybride siège de plusieurs conflits particulièrement de valeurs et de références contradictoires. Ce n’est pas nouveau. Pour rappel, bien d’autres ont problématisé ce conflit interne crucial, entre nos valeurs culturelles africaines et celles des occidentaux, jadis véhiculées à travers l’école, au jour d’hui par le truchement de la télévision, de l’internet et des réseaux sociaux.
En effet, l’accès démocratique à la télévision, à l’internet et aux réseaux sociaux, a indubitablement favorisé l’adoption de nouveaux comportements importés qui ont aggravés par endroit, les rapports déjà conflictuels entre générations. Par ailleurs, à cause au développement des technologies de l’information et de la communication, nous faisons à chaque instant face à des images soit liées à des événements provoqués volontaires ou involontaires soit fabriquées, programmées et diffusées.
Ces images qui envahissent notre quotidien, nous proviennent de partout, de l’intérieur du pays comme de l’extérieur. Elles arrivent dans notre vie comme dans celle de la nation, sous plusieurs formes. Elles s’installent petit à petit en sapant notre façon de vivre et nos convictions culturelles et religieuses.
Que devrions-nous faire face à cette avalanche d’images venues d’ailleurs qui s’abattent sur nous sans crier gars?
Menacé au même titre que tous les pays africains, le Sénégal se doit de prendre des mesures idoines pour sauvegarder ses valeurs culturelles et religieuses en appuyant sur la production de produits audiovisuels mais aussi et surtout en réglementant la diffusion des films étrangers sur nos écrans. Ça veut dire quoi ? Cela veut dire que l’on doit arriver un jour, à fixer un pourcentage de diffusion de films étrangers sur nos écrans nationaux pour sauvegarder notre exception culturelle. Dix pour cent ou quinze pour cent. La question sera étudiée à temps utile par les services compétents de l’Etat, à défaut de la mise en place d’une commission dédiée.
Sur ce chapitre je voudrai souligner ici que règlementer la diffusion des produits audiovisuels notamment les films étrangers avec une large faveur accordée à la production nationale est une forme de résistance culturelle salutaire mais aussi relève du patriotisme culturel dont l’objectif vise à donner à la jeune génération des références et des bouées de sauvetage pour la sauver de la noyade dans un monde agité comme un océan où tous les repères se brouillent.
Cette suggestion ne vise pas à restreindre la liberté de choix des responsables de programmes de télévision à diffuser sur leurs écrans ce qu’ils estiment être juste et normal pour eux encore moins de faire dans le nationalisme stérile et puéril dans un monde dangereusement ouvert. Il s’agit pour moi une forme d’expression du patriotisme culturel. Limiter dans le contrôle le nombre de films étrangers diffusés sur nos écrans est une stratégie visant à promouvoir notre façon à nous de vivre et d’être aux fins de rester ce que nous sommes des sénégalais.
Personnellement, il ne s’agit pas non plus de se replier sur soi-même. C’est à la fois protection de nos identités et ouverture sur le reste du monde. Cette nouvelle politique à mettre en place devra prendre en compte notre identité nationale et notre Sénégalité diverse. Elle veillera sur ces identités précitées et les protègera contre l’érosion culture portée par les vagues d’images venues d’ailleurs charriant des valeurs culturelles contradictoires aux nôtres.
Pour entrainer les chaines de télévision du secteur privé dans ce mouvement, les autorités en charge de la question devront en amont régler deux problèmes majeurs à savoir : la question de la publicité et celle de la production.
De la publicité, en suivant l’exemple de la France, les chaines publiques sénégalaises devraient normalement, avec une telle réforme en être privées. Ce qui constituerait pour les chaines de télévision du secteur privé, une bouffée d’oxygène qui pourrait favoriser l’acceptation de l’idée de réglementation de la diffusion des produits audiovisuels sous forme de pourcentage par rapport aux programmes.
Relativement à la production, naturellement, cela suppose, que l’on dispose d’une production nationale de produis audiovisuels suffisants pour alimenter les programmes nationaux. Sur ce, la mise en place du fonds d’appui au cinéma et à l’audiovisuel au Sénégal est fondamental pour accroitre et améliorer la production nationale cinématographique et audiovisuelle. Ce fonds constitue, la moitié de la solution du problème. L’autre moitié de solution sera apportée par la réglementation de la diffusion des produits audiovisuels nationaux et la diffusion des films étrangers sur nos écrans.
Cet effort fait par le gouvernement du Sénégal, sous l’impulsion du Président Macky Sall, conduit par M. Mbagnick Ndiaye, Ministre de la culture et de la communication a aussitôt payé. Car notre compatriote M. Alain Gomis a gagné l’étalon de Yenenga 2017 avec son film « Félicité. » lors du dernier FESPACO.
Récompensé sans nul doute pour son talent, la contribution financière reçu du fonds d’appui du cinéma et de l’audiovisuel sénégalais a facilité à M. Alain Gomis la réalisation de son film. Je voudrai ici que la disponibilité d’un fonds national de financement du cinéma et de l’audiovisuel au Sénégal apporte un peu plus de liberté au créateur naturellement au réalisateur et dans l’écriture de son scenario et dans la réalisation de celui-ci. En tant que sénégalais, la demande de financement du réalisateur est étudiée par une commission composée de professionnels sénégalais qui partagent les mêmes valeurs culturelles que lui donc capables de comprendre sa sensibilité exprimée et ses références émotionnelles. Or le même scenario soumis à un autre producteur notamment étranger pourrait connaitre un sors différent.
Combien de scenarii de réalisateurs africains sont rejetés par an par des producteurs étrangers ou par des responsables de fonds étrangers dédiés pour des raisons idéologiques ou d’inadéquation des scenarii proposés avec les orientations stratégiques des dits fonds. Je veux dire que disposer de fonds national de financement du cinéma et de l’audiovisuel, c’est faire preuve s’il en était besoin d’un sens élevé de patriotisme culturel.
Succinctement, si le defi du financement du cinéma et de l’audiovisuel est relevé par le gouvernement du Sénégal, il reste tout de même quelques défis à relever à savoir : la diffusion télévisuelle des œuvres cinématographiques et audiovisuelles qu’il aura subventionnées sur nos écrans, la règlementation de la diffusion de nos produits audiovisuels et des films étrangers et la formation.
Justement, la production et la diffusion sont comme deux mamelles inséparables. Elles vont de pair. Un film produit et non diffusé n’a aucun intérêt. Je voudrai rappeler ici que la diffusion des œuvres cinématographiques et audiovisuelles est d’une importance capitale pour les réalisateurs et producteurs particulièrement africains qui se sont souvent plaint du fait que leurs films ne soient pas diffusés sur leurs écrans nationaux.
C’est une triste réalité. Depuis longtemps, ils attendent des changements qui tardent à prendre forme. La promotion du consommer local ne doit pas viser uniquement les produits alimentaires mais aussi les produits culturels qui nourrissent l’esprit et le cœur des hommes et des femmes. L’homme ne se nourrit pas que du pain. Bref ! Le patriotisme culturel est l’autre versant du patriotisme économique dont il nous revient à tous de créer les conditions d’épanouissement pour un Sénégal émergent.
Au total, ces images qui nous viennent de l’étranger sous forme de film à travers le bouquet CANAL+ ou DELTA etc, chaque jour que Dieu fait, il nous est amené à constater la diffusion de séquences de films diffusés des acteurs en train de fumer de la cigarette. Ce qui constitue une violation de la législation nationale antitabac qui interdit la publicité directe et indirecte en faveur du tabac que malheureusement que notre législation n’a pas prévu. Par exemple, quand les films contenant des séquences montrant des acteurs qui fument sont interdits de diffusion du fait de l’interdiction de la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac en Europe ces derniers sont diffusés hors des frontières européennes via satellites en Afrique ,au Sénégal dans le reste du monde.
Ce que je sais, à moins que je me trompe, même la Convention Cadre de l’OMS pour la Lutte Antitabac (CCLAT) cadre de référence de la prévention légale du tabagisme dans le monde n’a pas réussi à prévoir ce cas de figure.
C’est le casse pieds de la lutte contre le tabagisme particulièrement contre la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac via télévision satellite. Un nouvel ordre mondial de l’audiovisuel prendrait légitiment en charge cette question cruciale.
En attendant l’arrivée de cette nouvelle ère, face aux scènes obscènes véhiculées par les chaines étrangères, à la violence des images de certains films diffusés, à l’érosion de nos valeurs culturelles et religieuses provoquée par des vagues de comportements charriés à travers divers programmes, le Zapping ,le Cryptage ,la surveillance et le contrôle parentale en amont des programmes de télévision sont-ils des moyens pouvant protéger efficacement la jeune génération des menaces précitées?
Ce que je crois, pour sauver ce qui reste de son âme, l’Afrique se doit de réclamer un nouvel ordre mondial de l’audiovisuel. J’estime sans verser dans le nombrilisme que le Sénégal doit pouvoir jouer un grand rôle pour changer la face du monde audiovisuel.
Par Baba Gallé DIALLO
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