Sous nos cieux, la santé publique, a souvent été considérée par nos décideurs et les classes possédantes comme une médecine au rabais destinée aux pauvres. Il faut reconnaître, que jusque-là, elle continue de concentrer ses efforts dans la maîtrise de défis, que les experts de la santé globale regroupent pudiquement sous le vocable d’agenda inachevé, dont la plupart sont liés à la pauvreté et au sous-développement. Il s’agit des maladies transmissibles, de la malnutrition et des taux élevés de mortalités maternelle et infanto-juvénile, autant de problématiques que le développement socio-économique et les progrès de la médecine ont rendu quasi-obsolètes dans les pays du Nord.
IMPACT DE L’INFECTION À VIH EN AFRIQUE
Mais l’avènement, aux tous débuts des années 80, de l’infection à VIH, allait changer la donne.
Cataloguée, initialement, à tort ou à raison, comme une maladie de riches et puissants libertins occidentaux, ce qui boosta la recherche médicale pour trouver des remèdes, elle finit par connaître, en Afrique au sud du Sahara, une expansion rapide, avec atteinte préférentielle des couches socialement vulnérables. Cela était dû à la faiblesse des systèmes sanitaires africains confrontés à des défis gigantesques et dépourvus de moyens.
Pour éviter une catastrophe humanitaire programmée, la communauté internationale, dut se résoudre à mettre en place des stratégies inspirées de la santé publique, qui connut un renouveau.
LA GLOBALISATION DES RISQUES AVEC LE SRAS
Mais c’est l’apparition du SRAS, en 2002, en Chine, qui va marquer un véritable tournant dans le domaine de la santé publique moderne. Depuis lors, l’humanité a connu plusieurs épidémies de même nature, comme la grippe aviaire à A/H5N1, la grippe A/H1N1, le MERS-CoV, la grippe aviaire A/H7N9.
Pour la première fois, l’humanité est confrontée à des agents pathogènes nouveaux, facilement transmissibles (voie aérienne), habituellement rencontrés dans le monde animal, dont l’identification fait souvent perdre un temps précieux, avant l’élaboration de plans de riposte.
Cela donne lieu à des affections virales, d’allure grippale, très contagieuses, impossibles à éradiquer par un traitement étiologique et n’ayant pas encore de vaccin.
Leur spécificité réside dans le fait que ces affections ont un fort potentiel de désorganisation de la société (panique généralisée, paralysie des systèmes productifs…) et que les mesures préventives préconisées par les autorités sanitaires sont revêtues du sceau de l’urgence, quelquefois revêtu d’un manteau de sécurité nationale.
MENACES SUR LA CIVILISATION HUMAINE AVEC LE COVID-19
La nouveauté, concernant le COVID-19 est que ce virus allie une rapidité de propagation inouïe à une virulence inédite responsable d’un débordement rapide des structures de soins et d’une mortalité importante, certes moindre que celle des grands fléaux qui ravagent nos pays sous-développés, mais plus spectaculaire et plus médiatisée.
Étreints par l’incertitude et l’angoisse existentielle, les citoyens des pays occidentaux en arrivent à se familiariser avec les courbes épidémiques, qui côtoient désormais les bulletins météorologiques dans la presse aussi bien écrite que celle audiovisuelle.
La pandémie actuelle, est une zoonose née d’une promiscuité amplifiée par la surpopulation dans certains pays, entre hommes et animaux. Elle illustre parfaitement la place centrale que vont désormais jouer les problématiques écologiques, au-delà du changement climatique, sur la préservation de la santé aussi bien humaine qu’animale, selon le vocable pertinent de « One Health ».
Le COVID-19, comme les autres maladies émergentes compromet l’accessibilité aux soins et la continuité de la prise en charge d’autres affections, en raison de difficultés d’accès aux structures sanitaires submergées de patients graves et contagieux, de ruptures de stocks de médicaments, entre autres.
Nous citerons, comme exemple, la maladie à virus Ébola en Afrique de l’Ouest, en 2014, dont le taux de mortalité – dans le même laps de temps – était même inférieur à celui d’autres affections transmissibles (paludisme, diarrhées, tuberculose, VIH…).
Concernant la pandémie actuelle due au COVID-19, il s’agit plutôt, dans le contexte de pays développés, des maladies non transmissibles telles que le diabète, l’hypertension qui constituent, d’ailleurs, des facteurs aggravants de l’affection, surtout quand ils ne sont pas bien suivis et équilibrés.
LE DROIT À LA SANTÉ POUR TOUS
La pandémie actuelle a mis en évidence le fait qu’à cause des politiques de libéralisation sauvage prônant le désengagement de l’État, des secteurs sociaux, les systèmes sanitaires de pays réputés riches se sont considérablement affaiblis. Cela a eu pour conséquences l’exposition des personnels de santé à des risques inconsidérés (pénurie d’équipements de protection individuelle et même de masques). Cela explique également la surmortalité des patients due à un déficit de lits d’hospitalisation, d’équipements et mêmes d’intrants comme des produits anesthésiques…
Pire, on a pu observer dans des pays comme les États-Unis, des problèmes d’accessibilité financière aux soins, avec des factures astronomiques pour des patients simplement testés ou traités pour une coronavirose au COVID-19.
En outre, le COVID-19 a conduit, dans plusieurs pays, au confinement total et à la paralysie des systèmes de production. C’est une démonstration, par l’absurde de l’importance d’investir dans la santé, qui au-delà de l’amélioration intrinsèque de la qualité de vie, pourrait même augmenter la productivité en réduisant aussi bien la mortalité que l’invalidité.
Il devient donc impératif, pour tous les pays, d’augmenter les allocations budgétaires à la santé comprise au sens large mais aussi de bâtir de solides systèmes de couverture sanitaire universelle.
Le COVID-19 nous administre la preuve que les risques liés aux maladies émergentes sont devenus tangibles et menacent la civilisation humaine. Les systèmes sanitaires devraient donc prendre toutes les dispositions pour éviter la survenue d’une nouvelle maladie émergente ou alors le cas échéant, opposer une riposte rapide et efficace.
C’est pourquoi, il faudra s’efforcer d’accroître la prise de conscience des décideurs du monde sur la nécessité d’intégrer les maladies émergentes dans le système mondial d’alerte précoce multi-dangers, incluant les cyclones, séismes, tsunamis et ayant des ramifications jusqu’au niveau communautaire.
Il importe aussi de se pencher sur l’éventualité de mise en place, après l’épidémie de COVID-19, d’un nouveau TPI, un « tribunal présidentiel international » pour évaluer le degré de responsabilité de tous ces dirigeants imprévoyants, parfois mêlés à des transactions douteuses, qui ont sous-estimé le danger de cette nouvelle pandémie.
Dr Mohamed Lamine LY
Grand-Mbao ; Cité Baye Niasse