La force irrésistible de l’optimisme militant commence à nouveau de pénétrer le vaillant cœur de notre jeunesse. Les luttes paysannes, féministes, sociales et écologistes des nouveaux mouvements sociaux et des partis politiques critiques restaurent la foi en la démocratie de toute une génération. Ces revendications démocratiques portées par une jeunesse patriotique et panafricaniste ravivent la flamme de la résistance contre la violence de la domination et de l’inégalité. Ainsi le militantisme est un antidote à la fatalité et un véritable incubateur de refus et de dignité.
Le militantisme est un engagement associatif, estudiantin, syndical ou politique pour défendre des droits bafoués. C’est une action organisée de protestation contre ce qui est injuste et arbitraire. Ainsi il fonde son action sur des valeurs éthiques de justice, d’égalité et de liberté. En ce sens, un politicien professionnel, mu par ses intérêts égoïstes n’est pas un militant. Car le politicien est déterminé par la recherche de privilèges personnels, alors que le militant est un partisan engagé d’une cause noble et juste. Pour cette raison, Mamadou Dia se définissait toujours comme un militant et non comme un politicien.
Le militant doit incarner l’idée qui fonde son engagement. Son discours ne doit pas être en contradiction flagrante avec ses pratiques quotidiennes. En effet, le peuple ne fait jamais confiance à ceux qui promettent l’égalité et sont incapables d’accorder la liberté d’expression à leurs propres camarades. La lutte pour la transformation de la vie est une action quotidienne.
Par exemple, il n’y pas de changement sans culture démocratique et participative réelle. Les projets doivent être discutés et la gouvernance financière se doit d’être transparente. Les responsables ont l’obligation de rendre compte et accepter les critiques qui émanent des militants de la base. La critique publique est nécessaire pour éviter aux organisations de se fossiliser dans les travers de la culture traditionnelle marquée par le népotisme, l’opportunisme, la corruption et la bureaucratie.
En réalité, le militant doit incarner des valeurs d’intégrité morale. Il n’a pas seulement pour obligation de ne pas être corrompu, il doit éviter à tout prix de le paraître. Celui qui s’engage dans la construction d’une société nouvelle doit être un éducateur social incorruptible, guidé dans sa vie quotidienne par des principes éthiques élevés. La véritable prise de pouvoir est d’abord intellectuelle et morale. En ce sens, les grandes luttes politiques et sociales se gagnent d’abord sur le terrain des idées et des valeurs.
La révolution est un évènement exceptionnel qui arrive à de rares occasions, au cours des siècles. C’est pourquoi nous devons agir sans nous contenter d’attendre le Grand Soir. Cet impératif vient du fait que la transformation de la société doit obéir à une « éthique de la quotidienneté ». Il ne s’agit pas de reporter indéfiniment nos actions, car la société future se reflète dans les actes quotidiens du militant.
Par conséquent, être militant aujourd’hui, c’est s’engager contre le changement climatique, concilier les Droits Humains et les Droits de la Nature, favoriser l’équité sociale et économique, et lutter contre la corruption du système politique. C’est aussi, s’engager pour un système judiciaire équitable et crédible, qui inspire confiance aux citoyens. Également, être militant, c’est œuvrer pour le respect de la dignité des femmes et des migrants, des soins pour tous, des études universitaires à la portée de tous, la restitution des terres aux paysans spoliés. Être militant, c’est toujours résister face à la domination et l’arbitraire. La dignité humaine reste la référence suprême.
En définitive, être militant, c’est aussi lutter contre le néolibéralisme sauvage avec son cortège de morts, de maladie, de famine et de dégradation de l’environnement. C’est épouser la cause de la communauté des victimes, les démunis, les oubliés de la société, les sans-voix et les sans-visage. Être militant, c’est refuser le fatalisme, cultiver l’espérance et la foi en un monde meilleur, parce que plus humain et plus juste. En ce sens, les militants authentiques comme Ruben Um Nyobe, Mamadou Dia, Nelson Mandela, Thomas Sankara et Patrice Lumumba sont les héros de notre jeunesse.
Mamadou Dia constitue une grande école du militantisme politique pour la jeune génération. Au sortir du séjour carcéral de Kédougou (1962-1974), il disait que les militants sont invincibles : « Force sera de reconnaître qu’un militant est hors d’atteinte : hors de l’atteinte de la corruption matérielle ou politique, hors de l’atteinte des stigmates de la solitude, hors de l’atteinte de l’âge » (Mémoires d’un militant du tiers-monde, 1985 : 243-244). Il y a de la dignité dans les parole du vieux lutteur : « un militant n’a pas d’âge, ni, non plus, d’excuse de santé » (M. Dia, 1985 : 52). Parce qu’il assume son sacerdoce jusqu’à la tombe. Ainsi Mamadou Dia, à l’image de Caton d’Utique, l’homme politique « le plus intègre des Romains » a dit « non » toute sa vie durant à toutes les formes de corruption et de compromission.
De ce qui précède, nous devons tous prendre conscience que la société nouvelle se construit dans l’engagement de ceux qui prennent le pari risqué de la justice, de l’égalité et de la dignité jusqu’au bout. Le militant authentique défend le droit à la vie des persécutés et des opprimés. Il lutte contre toutes les pratiques qui aliènent l’homme. Le sacrifice qu’il consent dans son combat n’est jamais inutile ; un jour ou l’autre il portera les fruits de la victoire. En vérité, l’exemple de Mamadou Dia est une bénédiction pour notre jeunesse. La cause que le vieux militant a embrassée jusqu’à la tombe est infiniment glorieuse.
Du faux coup d’État de décembre 1962, il ne reste plus que la honte des comploteurs. Mamadou Dia vivra éternellement dans le cœur de notre peuple. Parce qu’il est devenu le visage de dignité de ceux qui luttent pour une Nouvelle Émancipation.
Dr Babacar DIOP, Leader FDS/Les Guelwaars
Dakar, le 07 décembre 2020