C’est devant un parterre d’étudiants que Ousmane Sonko et Jean Luc Mélenchon ont co-animé, ce jeudi, une conférence publique sur l’avenir des relations entre l’Europe et l’Afrique à l’université Cheikh Anta Diop. Même s’il précise s’exprimer en tant que Président d’un parti politique qui est le Pastef, Ousmane Sonko a tenu à dire que la posture qu’il a exercée avant d’arriver au pouvoir reste toujours la même. “Les relations entre l’Occident et l’Afrique sont faites de plusieurs siècles d’histoire d’une singulière ambivalence. Celle entre la France et le Sénégal n’en déroge pas. Les péripéties de ces relations, à travers le temps, ont abouti à des sentiments faits d’amour et de désamour, de fierté et de culpabilité”, dira ainsi Ousmane Sonko, s’adressant à l’élite gouvernante française.
“Quand je parle de ceux qui gouvernent la France, c’est d’abord le Président Macron. Nous ne parlons pas du peuple français avec lequel nous n’avons aucun problème. Et je ne parle pas de toutes les élites françaises. Je parle de l’élite gouvernante actuelle. Cette France, je n’ignore pas que pour elle, nous avons été, et peut être nous le sommes encore, malgré notre élection démocratique par le peuple sénégalais, dépeint sous les traits d’un mouvement et d’un leader terroriste, islamiste, violent, populiste, anti occidental, pro russe. La vérité est que beaucoup de gouvernants européens et singulièrement la France se sont mal accommodés de notre discours souverainiste. Et la France s’est fixée comme objectif de l’entraver. C’est ce qui explique leur mutisme à la sanglante persécution du régime du Président Macky Sall contre notre Parti politique et ses militants. Durant toute la période de persécution violente contre notre partie politique, ayant entraîné la mort de plus d’une soixantaine de personnes, de milliers de blessés, plus de 1000 détenus politiques, vous n’avez jamais entendu le gouvernement français dénoncer ce qui se passait au Sénégal. Ni la France, ni l’Union Européenne. Et pire encore, le Président Macron a appelé le Président Macky Sall pour le féliciter d’avoir fait ce qu’il fallait pour sauver son pays. C’est une incitation à la répression, à la percussion et à l’exécution de ces Sénégalais qui ont commis le crime d’avoir un projet pour leur pays”, a dénoncé Ousmane Sonko, avec la dernière énergie.
Pour le premier ministre, cette l’élite française a tendance à emprunter un raccourci quand il s’agit de définir les aspirations africaines en ces termes : “et le raccourci qu’elles ont trouvé pour expliquer ce sentiment c’est que les Africains seraient manipulés par de nouvelles puissances comme la Russie ou la Chine”. Mais pour le leader de Pastef, ce n’est nullement le cas. “Je tiens à préciser que les Africains ont dépassé l’époque où ils pouvaient se faire manipuler par quelques peuples ou par quelques régimes. Ces sentiments existent depuis les indépendances. Chaque génération a connu son lot de militants porteurs du même discours de désapprobation. Aujourd’hui l’Afrique, la majorité de ses élites, sa jeunesse, sa diaspora et ses masses populaires ont beaucoup évolué ».e
Rvenant sur les relations Europe Afrique, Ousmane Sonko dira que le porte monnaie des européens vient de l’exploitation depuis des siècles de l’Afrique. “Il faut avoir un petit peu de bon sens, je ne dis pas de générosité, pour rendre aux Africains ce qu’on leur a pris d’autant que c’est nécessaire si on veut éviter les pires convictions et difficultés, avec les conséquences politiques que cela comporte dans un proche avenir”, prévient-il.
Dans le vif du sujet, Ousmane Sonko ajoutera qu’au-delà d’un pays à transformer, “nous avons un continent à inspirer par notre capacité à faire de nos responsabilités une œuvre utile pour le peuple sénégalais et pour tous les africains”. Et à ce titre, il considère que nous sommes à un tournant décisif où la nécessité de réévaluer et de promouvoir un partenariat équitable s’impose avec une urgence sans précédent. “Je saisis cette tribune pour souligner l’impératif d’adopter une approche nuancée et inclusive dans notre analyse des relations Afrique Europe. Trop souvent les discours simplistes occultent la richesse des interactions passées et présentes entre nos continents. Reconnaître les erreurs du passé tout en saisissant les opportunités de collaboration futures qui constituent un impératif moral et politique. Nous devons également faire preuve de clairvoyance face aux défis contemporains qui jalonnent nos échanges intercontinentaux, des enjeux cruciaux tels que la migration, le commerce équitable, sans oublier la problématique des accords de partenariat économique, la lutte contre le racisme, la sécurité, le transfert de technologie et la lutte contre le changement climatique requièrent une approche concertées et résolue et seule une volonté commune de dialogue et de partenariat authentique nous permettra de surmonter ces défis et de construire un avenir meilleur pour nos peuples”, a-t-il dit. Il ajoute: “Cela suppose un dialogue franc, fondé sur le respect mutuel, et la reconnaissance des aspirations légitimes de chaque nation à la souveraineté et au développement durable. Ensemble, nous avons le pouvoir de bâtir un avenir où les relations entre l’Afrique et l’Europe seront fondées sur la justice, la solidarité et le respect mutuel. Permettez de souligner l’importance au-delà des politiques, du rôle que les intellectuels, les artistes, les sociétés civiles et les diaspora doivent jouer dans cette dynamique de partenariat et de coopération”. Se voulant plus explicite, il dira : “Les intellectuels en tant que gardiens du savoir et de la pensée critique ont la responsabilité de stimuler les débats et de proposer des idées novatrices pour façonner un avenir commun. Les artistes par leur créativité et leur expression ont le pouvoir unique de transcender les frontières et de créer des ponts entre les cultures. Leur art peut servir de langage universel pour promouvoir la compréhension mutuelle et encourager l’empathie entre les peuples européens et africains. Les sociétés civiles en tant que voix de la conscience collective sont les garants des droits humains, de la justice sociale et de la démocratie. Leur engagement actif peur contribuer à renforcer la transparence et la responsabilité dans les processus décisionnels garantissant ainsi que les intérêts citoyens soient au cœur des relations Afrique Europe. Enfin, les diaspora africains, en Europe comme ailleurs constituent des ponts vivants entre nos continents. Leur contribution économique, culturelle, sociale offrent des opportunités uniques de renforcer les liens entre nos sociétés”.
Convaincu que nous pouvons construire l’avenir où la coopération, le respect mutuel et la solidarité sont les maîtres mots de nos relations, Ousmane Sonko soutient que que “cela nécessite un engagement collectif et une volonté inébranlable de travailler ensemble pour relever les défis communs et saisir les opportunités qui se présentent”.
Amadou DIA