On en sait un peu plus sur la proposition de la loi portant interprétation de la loi d’amnistie n°2024-09 DU 13 mars 2024. Une proposition de loi qui a été introduite par le député Amadou Bâ du Pastef. Dans l’exposé des motifs, le député a expliqué que « la loi d’amnistie n° 2024-09 du 13 mars 2024 avait pour ambition d’effacer des faits susceptibles de qualification criminelle ou correctionnelle commis en rapport avec les événements politiques qui ont traversé le Sénégal de 2021 à 2024. Selon l’intention du législateur originel, le champ d’application de la loi était restreint aux seules infractions qui répondaient à une motivation politique ou celles commises en lien avec l’exercice d’une liberté politique. La volonté du législateur n’a donc jamais été de laisser impunies des infractions de droit commun, sans aucun lien avec une motivation politique ».
« La volonté du législateur n’a donc jamais été de laisser impunies des infractions de droit commun, sans aucun lien avec une motivation politique »
Aussi, ajoute le député, « la loi d’amnistie n’a pas entendu exclure de son champ d’application la prise en charge des droits des victimes par le biais d’une indemnisation juste et équitable, indépendante de la possibilité d’une mise en jeu de la contrainte par corps ». Et revenant sur sa proposition de loi interprétative, Amadou Bâ dira: « La loi interprétative vise à clarifier le sens et la portée de certaines dispositions de la loi antérieure, adapter le corpus juridique interne aux conventions internationales auxquelles le Sénégal a adhéré et qui s’imposent au législateur ». Dans ce lot figure, estime t-il, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984: « Le principe de la prohibition de ces crimes relève du jus cogens, en ce qu’il est opposable erga-omnes, et ne peut faire l’objet d’amnistie. Il en est également ainsi du Statut de Rome entré en vigueur le 1-juillet 2002 et internalisé dans l’ordonnancement juridique du Sénégal ».
« La proposition de loi vise à clarifier le champ d’application du texte, afin d’éviter que la loi nationale puisse entrer en conflit avec les accords Internationaux »
Et selon le député, si la proposition de loi interprétative, qui contient 6 articles, a été introduite, c’est juste pour clarifier le champ d’application de la loi d’amnistie, afin d’éviter que la loi nationale puisse entrer en conflit avec les accords Internationaux régulièrement ratifiés par le Sénégal. Ainsi, en son article 1er, la proposition de lòi prévoit l’amnistie « de plein droit, de tous les faits susceptibles de qualification criminelle ou correctionnelle, ayant exclusivement une motivation politique y compris ceux commis par tous supports de communication, entre le 1-février 2021 et le 25 février 2024 tant au Sénégal qu’à l’étranger. Ainsi, les faits se rapportant à des manifestations ne sont compris dans le champ de la loi que s’ils ont une motivation exclusivement politique ».
« La proposition de lòi prévoit l’amnistie de tous les faits susceptibles de qualification criminelle ou correctionnelle, ayant exclusivement une motivation politique y compris ceux commis par tous supports de communication »
Et selon les dispositions de l’article 2, « l’amnistie entraîne, sans qu’elle ne puisse jamais donner lieu à restitution, la remise totale de toutes les peines principales, accessoires et complémentaires, ainsi que la disparition de toutes les déchéances, exclusions, Incapacités et privations de droits attachées à la peine ». « Au sens de l’article 3 de la loi n°2024-09 DU 13 mars 2024, l’amnistie ne préjudicie ni aux droits des tiers ni aux droits des victimes à une réparation. La contrainte par corps ne peut être exercée contre les condamnés ayant bénéficié de l’amnistie, si ce n’est à la requête des victimes de l’infraction ou de leurs ayants-droits », ajoute le député à l’article 3 de sa proposition.
« Les faits se rapportant à des manifestations ne sont compris dans le champ de la loi que s’ils ont une motivation exclusivement politique »
Par ailleurs, souligne l’article 5, « les contestations relatives à l’application de la présente loi d’amnistie sont jugées par la chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Dakar, dans les conditions prévues par l’article 735 du Code de Procédure pénale ». « Il est interdit à tout magistrat ou fonctionnaire de rappeler ou de laisser subsister sous quelque forme que ce soit dans un dossier judiciaire ou de police ou dans tout document officiel, les condamnations, déchéances, exclusions, incapacités et privations de droit attachées à la peine effacée par l’amnistie sauf dispositions prévues à l’article 3 de la présente loi », conclut-il au dernier article qui précise que « les minutes des jugements ou arrêts ainsi que les décrets, arrêtés et décisions pris dans le cadre de la fonction publique ou des Ordres nationaux échappent à cette interdiction lorsqu’ils ont été déposés dans les greffes ou aux Archives nationales.
Actusen.sn